Je ne me souviens pas du jour de ma naissance. Je ne me souviens pas de mon premier cri, ni de mon premier biberon. Je ne me souviens pas de mes premiers pas, ni de ma première robe, ni de ma première poupée. Je ne me souviens pas de la famille qui me tenait dans les bras. Je ne me souviens pas de mon arrière-grand-mère. Je ne me souviens pas de mes premières larmes, ni de mes premiers rires. Je ne me souviens pas de ce qui m’est arrivé dans les premiers temps de ma vie. Je ne me souviens de rien.
C’était une superbe pirouette de Perec le « je me souviens », cela aurait pu tout aussi bien fonctionner avec « je ne me souviens pas ».
L’art de la plume qui atteint son apogée dans « La disparition ».
Mais, je n’aime pas quand on imite. Cela me dérange. L’écriture c’est une mise en danger permanente. On fout ses tripes sur la table sans même que personne le demande. Il n’y a rien de plus impudique que l’écriture quand elle ne se pare pas d’artifices. C’est juste les mots et soi. Rien d’autre. Pire qu’être à poil chez des nudistes quand on n’est pas naturiste.
C’est marcher sur un fil un bandeau sur les yeux. C’est le précipice mental dans sa plus grande beauté.
J’écris. J’ai pensé, aujourd’hui : Tu vas être sérieuse mais ne m’en veuillez pas, c’est plus fort que moi. Être sérieux, faire des phrases, et en plus y croire. Oui, évidemment. C’est une option.
Il y a cette nouvelle écriture de l’instantanéité. Sans recul, sans pensée construite.
Celle qui sévit sur les réseaux.
À chaud. À nous rendre daltonien des mots.
On est pas écrivain sur ceux-ci on écrit. Ce n’est pas la même chose. Les gens écrivent quotidiennement (le plus souvent n’importe quoi – souvent en enfonçant des portes fermées, trop facile ouvertes) et se voient déjà en Rodin (oui le penseur, Allez, on suit un peu). Ça leur fait pas de mal, tout le monde est libre.
Mais j’implore, au nom de la grammaire française, grecque et latine, au nom de Bessou, au nom de mon iPhone qui écrit à ma place, Pitié mais Pitié N’oubliez pas le génitif (le géniteur aussi si ça vous fait plaisir) ou complément du nom. On écrit « Bessou est l’amour de Felie » et non pas « Bessou est l’amour à Felie ». C’est plus beau. C’est tout simplement plus beau « l’amour de », que « l’amour à ».
Aussi, Tiens Je fais la maîtresse d’école (oui d’école, mon lit est déjà plein, sorry, désolée etc.), « espèce » est du genre féminin, « après que » implique l’indicatif, « la plupart » entraîne un pluriel et jamais on n’écrira « tout le monde sont servis sur la terrasse ». L’autre jour dans l’accroche d’un quotidien, il y avait une faute telle que j’ai failli avaler les feuilles non pas de salade et pourtant le journaleux il était bon pour le panier.
Ecrire, c’est haute chose
C’est beau l’écriture, c’est beau la grammaire. Faut réviser les bases. Et, pis, je vais vous dire un truc, tout bas, à la confidence, escourde dans escourde, c’est pas donné à tout le monde. Oui n’importe qui peut aligner des phrases mais écrire, c’est haute chose (c’est bien haute), c’est du boulot, c’est tous les jours de la life. Ce serait presque une vocation. Ça vous tombe dessus.
Vous faites quoi. Ben je suis élu. Quel parti ? Celui des mots.
Je pouvais pas écrire élu des dieux, mécréante comme je suis.
Alors, après, c’est là où ça se complique. On peut écrire toute sa vie et il manque le truc en plus. Parce que le travail même acharné (harnaché si vous préférez) ne suffit pas à donner du talent.
C’est pas juste. Ok. Mais il n’y a eu qu’un Nijinski, qu’un Noureev parce qu’essayez, messieurs, de sauter comme eux dans « Le corsaire » ou dans « Don Quichotte ». On va se marrer !
L’écriture c’est pareil. Tous appelés et au bout du bout, on en revient toujours aux mêmes. Mais, pas de désespoir ni de désespérance, il n’y a pas de génie méconnu mais beaucoup de très connus par leur concierge.
C’était les réflexions jamais très sérieuses d’une fin de semaine où j’ai pris un an de plus.
Ça en étonne plus d’une et d’un, mais j’aime vieillir.
Ça m’intéresse de penser que j’ai l’âge d’être grand-mère et je m’imagine préparer des crêpes pour une petite fille brune aux yeux de braise qui tiendrait son doudou dans les bras, tout en impatience.
C’est cette perspective qui me soulève.
Regarder l’horizon et penser « Je me souviens d’un fromage qui s’appelait « La vache sérieuse » (la Vache qui rit lui a fait un procès et l’a gagné). »
Car, c’est la vie Felie. Vous avez lu ? Ça rime.
© Felicia-France Doumayrenc
Felicia-France Doumayrenc est autrice, critique littéraire, éditrice et peintre.
Chère Félicia-France Doumayrenc, permettez moi de vous dire, que j’ai pour vous un Immense 3respect » pour ce que vous êtes et représentée. J’adore en Particulier votre Auto-dérision sur la Vie. Bientôt, je vais rejoindre la Société des Gens de Lettre, alors que j’ignorai que vous étiez l’une de ses dignes Représentante. J’espère ainsi, avoir en temps utile le plaisir d’une part de faire votre connaissance et d’autre part, de bénéficier de vos « Conseils en matière Littéraire……Portez vous et si je peux un jour vous conseiller juridiquement, n’hésitez pas. Claude Pugnotti.
Excellent cette déclaration d’amour à la langue française. J’y souscris totalement.