La Chronique de Nidra Poller. Démocratie directe, vrai populisme, simili-nationalisme

19 avril

« Faire barrage à l’extrême droite ». Le slogan, un peu bancal, reste gravé dans les esprits pendant que Marine pousse de plus en plus vers la gauche, comme un aspirateur ramassant des miettes de Français insoumis et tout ce qui reste à prendre jusqu’aux poussières de Lutte Ouvrière. Elle est de gauche, Marine, petit chaperon rouge apportant un panier de victuailles à la grand-mère retraitée à 60 ans, à la mère célibataire, au smicard qui ne peut pas faire le plein, au petit commerçant dont les marges rétrécissent, aux exaspérés de la banlieue et de la ruralité.

Des journalistes, par souci d’ impartialité, demandent aux divers commentateurs de citer au moins une mesure du programme de Marine Le Pen qui est d’extrême droite. La réponse est rarement satisfaisante. Il vaudrait mieux demander en quoi son idéologie est populiste et ce qu’est exactement le populisme.

Le communisme n’a jamais réussi à mettre en commun les moyens de production pour obtenir un partage juste de la richesse créée. Où qu’on l’impose, le communisme donne le même résultat : la misère du peuple, la richesse pour la nomenklatura, les libertés bafouées. La dictature du prolétariat ? C’est le dictateur qui s’arroge les pouvoirs promis au petit peuple qui l’avait mis en place. En conséquence de tout cela, la gauche est réduite dans nos démocraties à une peau de chagrin.

C’est le populisme qui prend le relais. Et ça marche ! Une douzaine de candidats au premier tour ? Rien d’appétissant pour le peuple populaire populiste. Cette démocratie d’élections, de gouvernements, de lois et de gestion, est archi-pourrie. On veut la démocratie directe.

Oui, par exemple, l’occupation de la Sorbonne. Graffiti et saloperie. Bon, là on est face à l’extrême-populisme. Dans le cas de Marine, c’est policé. Mais pas moins dangereux. Le peuple du gouvernement populiste ne sera pas mieux loti que le prolétariat du régime communiste. Parce que le peuple n’est pas ce qu’on voudrait te faire croire. Ce n’est pas un collectif et la démocratie directe est la tyrannie des intérêts particuliers.

Justement, les Gilets Jaunes.  En faisant abstraction des revendications disparates qui ont attiré une sympathie quasiment généralisée, on découvrira les mécanismes du populisme à l’œuvre : l’impossibilité de se concerter et d’élaborer des projets  communs, des conflits internes sans fin et de plus en plus violents, l’anarchie, la vulnérabilité à des actions opportunistes du genre Black blocs, antifa, racaille. C’est un chacun pour soi misérable. Les forces libérées sont destructrices.  Qui est-ce qui rafle la mise ? L’homme fort.  Gonflé des énergies mal gérées du peuple, il prend le pouvoir et l’exerce de façon tyrannique.

Marine présidente, le peuple décidera par referendum à stopper l’immigration qui le tourmente depuis des décennies sans qu’aucun gouvernement élu ne puisse la maîtriser.  Pourquoi confier à la « démocratie directe » la charge de régler une question essentielle ?  Pourquoi pas agir à travers les institutions élues démocratiquement ? Parce que la « démocratie directe » n’est pas démocratique, tout comme le populisme n’est pas le gouvernement du peuple. En traitant la question de l’immigration démocratiquement, on permet à tous les courants de la société de s’exprimer, de défendre leurs intérêts et, en fin de compte, d’accepter la décision conclue.

Le referendum est une réponse simpliste à une question simplifiée. Et ce n’est pas tout. Il faut également se demander pourquoi Marine Le Pen est 100% confiante que son referendum produira la réponse qu’elle souhaite.  C’est parce qu’elle compte dicter sa volonté au peuple sans craindre les imprévus de la liberté. N’est-ce pas ce que font les élus populistes de par le monde ?

En fait, le referendum peut donner tout et son contraire. Ceux qui nous disent que la démographie c’est le destin n’ont-ils pas imaginé qu’on puisse un jour imposer par referendum le voile interdit par le précédent ? La démocratie protège les minorités et nous protège des minorités. Quand ça ne marche pas (par exemple, le wokisme), il faut plus de démocratie, pas moins.

Le Front National devenu Rassemblement National, devenu tout simplement Marine,  n’est pas un parti démocratique. C’est un clan. Transmis clef en main à Marine, il continue à fonctionner comme un clan et à défendre une politique non-démocratique. Malgré son incompétence  et ses échecs, Marine est la seule et unique candidate aux présidentielles. C’est elle qui décide tout. Les autres, des lieutenants aux fantassins, suivent ses ordres, la défendent envers et contre tout, lui offrent des visages et des figurants. Il n’est pas question de défier la ligne établie. Pas de courants, pas de luttes de chefs. Depuis la défaite de 2017, Marine s’entoure d’une brigade de jeunes hommes d’à peu près du même gabarit, plutôt beaux et virils, à l’image du « chef », Jordan Bardella.  Ils se ressemblent drôlement. Ça me rappelle, dans un style radicalement différent mais avec une uniformité semblable, les vendeurs chez Mariage Frères. Ce n’est pas anodin.

Simili-nationalisme

En pleine guerre contre l’ Ukraine, devant un choc invraisemblable qui frappe le peuple européen, Marine Le Pen et les autres simili-nationalistes se gargarisent sans honte sur la puissance d’une France indépendante.  Sans oser dire clairement les ruptures qu’ils préconisent, ils prônent des demi-coupures de nos liens avec l’Europe, l’OTAN et les Etats-Unis. Comme un pull qu’on défait en tirant  sur un fil. Ils se moquent de nos alliés, glorifient la force illusoire d’une voix française unique et sans liens et cachent les alliances qu’ils comptent nouer, une fois la France libérée des entraves (démocratiques). Tout cela, alors que l’Ukraine se bat pour survivre contre la brutalité russe.

Cette agression n’aurait pas eu lieu si l’Ukraine avait été membre de l’OTAN. Mais les simili-nationalistes retournent la réalité et rendent l’Ukraine coupable d’avoir provoqué l’assaut en voulant intégrer l’OTAN. Le simili-nationalisme ne défend pas la nation, son territoire, ses valeurs, sa liberté, il cache la nation derrière des compromissions avec les forces hostiles.  Aujourd’hui Poutine. Demain, qui sait ?

Consignes de vote

Etrangère, je dépends plus que quiconque du bon vouloir des citoyens français. Quand on exhorte les  Juifs à voter Zemmour, je me sens visée, même sans droit de vote. Lorsqu’on voudrait me faire croire que l’extrême ne veut plus rien dire, qu’il n’y a plus ou n’a jamais existé une ligne de partage, je me dois de répondre. Oui, il y a une ligne et certains candidats sont posés de l’autre côté, là où on ne devrait pas s’aventurer.

Selon les sondages, 85% de ceux ayant voté Zemmour au premier tour passeront chez Marine Le Pen au second. C’est avec eux que le Z comptait réaliser l’union des droites ? Avec des Lepénistes provisoirement séduits par le nouveau venu ? Ils voulaient l’intello, mais le petit esprit conviendra aussi ? On m’a exhorté en tant que Juive de voter Zemmour. On m’a traité de tous les noms si je manquais d’enthousiasme pour le wonder boy. Tout cela pour choisir Marine ?

Je n’oublierai jamais Marine Le Pen chez les GGMO, interrogée sur l’éventuel transfert de l’ambassade française à Jérusalem en cas de sa victoire. Derrière les trous, pas d’yeux. Rien. Un vide abyssal. Pas de neurones pour attraper la question et lui faire parcourir un quelconque circuit. Pas de circuit Jérusalem, pas de trajet ambassade française, pas  de case Israël, rien. Elle a fini par se ranger, en bonne élève, sur la ligne du Quai d’Orsay. Plus loin dans cette émission, elle défendait bec et ongles l’interdiction d’abattage casher. Le bien-être des bêtes illuminait un visage qui n’avait pas donné le moindre signe de vie sur la question de la capitale de l’Etat juif. Puis, mettant en marche son sourire carnassier, elle a rassuré les Juifs, en corrigeant l’annonce intempestive de Jordan Bardella de la double peine : pas d’abattage casher, pas d’importation de viande ainsi abattue. Bien entendu on n’interdira pas l’importation!

Je reviens, encore une fois, sur cette question primordiale qui en dit long sur la transmission massive du vote Zemmour à Marine Le Pen. On ne peut pas condamner l’agression russe contre l’Ukraine en reprenant à son compte le récit poutinien qui la justifie. Et les Juifs, pratiquants ou pas du tout, ne peuvent pas jouir pleinement de leur citoyenneté dans une France où on interdit la viande casher (et ensuite la circoncision ?). Si la pratique ne touche qu’une minorité, le symbolique nous vise intégralement.

Et pourtant, la mise en garde des présidents du CRIF et du Consistoire contre l’extrême droite provoque, dans certains milieux, l’hystérie.  Or, s’il y a une authentique ligne de partage, si Marine le Pen n’est pas une candidate comme un autre, cette sortie de réserve est justifiée. Signaler le danger d’un choix anti-démocratique n’est pas la même chose que d’exprimer une préférence.

Noms d’oiseau

C’est vrai, pendant longtemps on collait avec l’étiquette « extrême-droite » la bouche des parleurs vrais sur le menace de l’Islam conquérant. Mais le rapport de forces a évolué. On perd son énergie à refaire des batailles déjà gagnées. C’est vrai, on colle toujours l’étiquette extrême droite sur le Rassemblement National, malgré sa politique économique de gauche. Mais en fin de compte, c’est un gauchisme de droite. Le RN change de sigle mais garde le noyau de ses liens avec l’extrême droite historique,  tout en intégrant un composant arabo-russe, c’est dire une mise à jour de la tyrannie.

Un pré-débat révélateur

J’ai suivi sur LCI lundi soir le débat, riche en enseignement, entre Oliver Véran et Jordan Bardella. Le président par intérim du RN accuse le ministre du gouvernement Macron :  Vous êtes nul, vous n’avez rien fait. C’est pire que l’incompétence, vous êtes de mèche avec les Islamistes. Nous, on fera tout, tout de suite. Puis, devant les difficultés voire l’impossibilité d’imposer un mesure, par exemple, l’interdiction du port de voile en public, Bardella baisse le ton : c’est qu’on le fera petit à petit, on donnera aux gens le temps de se mettre en conformité.  Elles le feront, en bonne citoyenne.  On tiendra compte de l’âge et de la motivation mais on finira par le supprimer, ce voile, bannière des Islamistes.

On voyait apparaître le visage de la France RN. Mesquin. Sans envergure, sans ouverture, sans horizon. Des calculs sans dimension, sans dynamique. Refusant de reconnaître les bénéfices tirés des échanges de tout genre, on referme le porte-monnaie. Fini !  On ne donne plus rien. Les circuits sont bouchés. Le RN propose des mesures extravagantes, trempées d’hostilité gratuite : un étranger en situation régulière qui travaille en France et paie ses cotisations n’aurait pas droit aux prestation sociales. Zéro prestations ! Bardella y tient comme un chien à son os. Pas de compromis, pas de compréhension. C’est comme ça. Les Français d’abord. L’interdiction d’abattage casher, c’est dans le même esprit.

Bardella se dérobe sur la question de la guerre contre l’Ukraine : On a condamné sans ambiguïté l’invasion mais on n’a pas voté des mesures qui feront mal aux Français, notre première priorité. Poussé dans ses retranchements sur les bons rapports avec la Russie préconisés par sa candidate après la guerre, Bardella perd le masque de gentillesse du RN cuvée 2022. A deux reprises il somme Véran de répondre à la question solennelle, posée sotto voce : Que voulez-vous ?  Vous voulez faire la guerre à la Russie ?

C’est cela. Depuis bientôt deux mois, on est témoins de la cruelle destruction qui s’abat sur l’Ukraine, et le président par intérim du RN accuse notre gouvernement de faire la guerre à la Russie. 

En résumé, ce proto-débat révèle la faiblesse d’une approche méprisante, tricotée  de ruminations dégagistes et minée par l’absence du sens de la réalité. L’arrogance, à mon avis, c’est du côté du RN. Et ce pourrait provoquer pour Marine Le Pen, mercredi soir, un crash pire que celui du 2017.

Ensuite, une fois écartée la force anti-démocratique, tout restera à faire. 

© Nidra Poller


Nidra Poller, née aux Etats-Unis dans une famille d’origine mitteleuropéenne et posée à Paris depuis 1972,  est une romancière devenue journaliste, le 30 septembre 2000, par la force des choses, dit-elle, par  l’irruption brutale, dans mon pays d’adoption, d’un antisémitisme génocidaire, Nidra Poller est connue depuis comme journaliste, publiée entre autres dans  Commentary, National Review Online, NY Sun, Controverses, Times of Israel, Wall Street Journal Europe, Jerusalem Post, Makor Rishon , CauseurTribune Juive, Pardès

Elle rédigea longtemps le vendredi une Revue de la Presse anglophone pour la newsletter d’ELNET.

Elle est l’auteur d’une œuvre élaborée en anglais, en français, en fiction et en géopolitique, dont L’Aube obscure du 21e siècle (chronique), madonna madonna (roman), So Courage & Gypsy Motion (novel)

J’assume la contradiction, ajoute Nidra, me disant romancière mais pas auteure.

Observatrice des faits de société et des événements politiques, elle s’intéresse particulièrement aux conséquences du conflit israélo-palestinien et aux nouvelles menaces d’antisémitisme en France. Elle fait partie des détracteurs de Charles Enderlin et France 2 dans la controverse sur l’Affaire Mohammed al-Durah  et soutient la théorie d’Eurabia (en particulier avec Richard Landes).

Elle a fondé les Éditions Ouskokata.

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3 Comments

  1. Plus on lit ce genre d’article plus on a comprend la nécessité de voter contre Macron ! C’est le discours des nantis et des privilégiés qui ont seuls profité de la mondialisation alors que les classes populaires et moyennes s’enfoncent dans la précarité et l’insécurité grandissantes. C’est vraiment l’américanisation de la société dans toute son horreur : hausse galopante de la pauvreté, censure, désinformation et wokisme, chasse aux intellectuels et aux opposants, cybercriminalité, antisémitisme, racisme anti-blancs et islamisme galopants etc
    Le vote macroniste est majoritaire chez les retraités, les milieux les plus favorisés et les adeptes du multiculturalisme anglo-saxon.
    L’hostilité a Macron est majoritaire chez les jeunes, les classes populaires et chez ceux qui défendent le modèle républicain.
    Voilà la réalité de ces élections : tout le reste est de l’intox.

  2. L’article de Charles Rojzman « La nouvelle lutte des classes  » montre bien de quoi il est réellement question : d’un côté le macronisme du 3ème âge, des nantis et des indigénistes ou melanchoniste.
    De l’autre les classes populaires et la République qui luttent pour leur survie.
    Je comptais m’abstenir ou voter blanc mais Nidra Poller, Melenchon et France Télévision m’ont convaincue d’aller voter…contre Macron.

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