Cris de guerre
Un mois de terreur à Boutcha
Une mère allant prendre un thermos de thé, abattue. Une femme nue sur un manteau de fourrure utilisée comme esclave sexuelle avant d’être exécutée. Les cadavres abandonnés de deux sœurs mortes chez elle… Le témoignage des journalistes du New York Times–des scène d’horreur, des tueries massives et brutales perpétrées par une armée démoralisée qui a fini par se retirer …
Les réalistes nous mettent en garde contre la réaction, surgie des entrailles, face aux images déployées de façon indécente par des médias assoiffés de bénéfices. Fermez les yeux, bouchez-vous les oreilles et réfléchissez sur la géopolitique. L’armée russe de Poutine, sauvage et bordélique, lance d’une distance confortable des missiles bouffeurs de civils ; les réalistes nous assomment d’un barrage d’artillerie lourde de casuistique, visant la tendre faiblesse qui monte de la matrice au cœur et sort par la bouche en NON. Non, il ne faut pas faire ça. Non, on ne peut pas laisser faire. Non, personne ne mérite ça. Non, les torts ne sont pas partagés. NON.
Des spécialistes survolent notre simple humanité, espérant nous tirer vers le haut, là où, d’une distance mi-divine, on comprendra que c’est la faute à l’Otan, à l’UE, à l’Occident, à ce pauvre Biden pas sortable qui réussit tout de même à mettre le monde à feu et à sang pour cacher son incompétence. Placez bien le curseur de la honte, évitez les jugements de valeur à la limite du woke, remontez à la chute de l’Union soviétique et baissez la tête parce que vous avez tout fait mal, tout mal compris et regardez le résultat, l’ours doté de l’arme nucléaire n’est pas content et ce n’est pas le mini-Churchill Zelensky que vous admirez à tort qui va le calmer de sitôt.
Comme une pauvre grand-mère d’un village de la région de Kyiv qui fouille dans les ruines de sa modeste maison quelques restes de la vie de son fils exécuté dans une cave, les mains liées derrière le dos, je cherche dans les disputations de mes anciens complices devenus cyniques des traces de sagesse qui auraient pu m’échapper alors que je regardais bêtement une invasion terroriste de grande envergure documentée en temps réel et que mon corps tout entier se révoltait. NON, on ne peut pas laisser faire.
Ici, chez nous, la moitié des votants a fait confiance aux hollow men qui, attrapés en vol le 24 février, ont effacé l’Ukraine de la carte des nations libres et souveraines en suivant, tout simplement, le discours de la méthode de Vladimir Poutine. Nous voilà nus devant le chantage à l’arme nucléaire d’un dictateur qui ne connaît aucune limite et nos compatriotes se laissent berner par des discours creux et rassurants. Où je découvre que celui qui était packagé comme le seul en mesure de sauver notre civilisation a voué à Poutine une admiration maintes fois renouvelée. C’est écrit, publié, filmé et nullement hors contexte.
L’autre, celle que l’arriviste a mise en valeur en croyant l’enterrer, a rapidement effacé les images de sa dernière mais pas la première rencontre copain-copine avec le maître du Kremlin, en promettant de protéger l’honnête citoyen des retombées de la crise fomentée par les usual suspects, l’UE, l’Otan et les Américains. L’inflation ne vous touchera pas si je suis présidente et pour le reste, mettez-vous du côté des réalistes, pensez à votre panier du marché et laissez tomber les villes ukrainiennes l’une après l’autre, ce n’est pas l’affaire du petit Français bien au chaud dans son poulailler. Quant au vieux coq qui inspire nos jeunes, il nous veut non-alignés comme les Indiens imbus de leur vertu. Le quasiment deuxième homme se retire, auréolé de la gloire d’un parcours presque parfait, qui lègue à ses suiveurs la charge de se hisser encore de quelques centimètres et jusqu’à la porte de l’Elysée. Ne vous désespérez point. Le modèle vénézuélien n’a pas perdu de sa superbe.
La famille, module de base de la société démocratique, lieu de grâce et de tolérance : Mes générations peuvent voter pour n’importe qui dont le score m’horrifie mais les voix de la chair de ma chair restent en-dehors du compte. Je leur fais confiance. Concevoir l’enfant, lui faire de la place dans son ventre, se dévouer à sa vie, à son épanouissement et l’inspirer à concevoir, à faire place, à se dévouer, c’est, pour moi, la plus haute expression de la confiance en l’humanité. De génération en génération.
Trêve des confiseurs
Un moment de soulagement pour l’ONU, l’UE, CNN, des chancelleries diverses et variées et tant d’autres que je n’ai pas entendus mais peux m’imaginer : Israël. Coupable. De l’utilisation de force excessive. C’est comme un bain chaud après une journée de rude labeur. Détente délicieuse. Israël coupable. On peut le dire une fois, dix fois, autant de fois qu’il faut pour se sentir bien. Sans crainte de représailles. L’a-chronologie reprend ses droits. Israël coupable de la mort de quatre Palestiniens. L’avant-après fait des merveilles. Avant-après le meurtre de 14 Israéliens dans divers attentats terroristes, de Beersheba jusqu’à la rue Dizengoff et alors, afin d’empêcher la multiplication des victimes ils ont osé tirer sur celui-là armé d’un couteau et l’autre qui jetait des bouteilles incendiaires et encore un et deux font quatre mais ils ne sont pas des assaillants, ils sont des Palestiniens. En tant que tels, ils ont le droit d’utiliser toute leur force. Israël, non. Sa force doit être pesée comme des haricots, autant qu’il faudra et pas un gramme de trop. Force excessive. On répète la rengaine, d’une voix lasse, mais le cœur n’y est pas. Le cœur est écrasé sous les gravats de Marioupol.
Mise-en-scène en abîme
Le jihad palestinien a fait ses classes auprès du KGB. Nous avons tenté, avec plus ou moins de succès, d’en analyser les mises-en-scène dont celle, existentielle, de la « mort » en direct de Mohamed al Dura. Et voici la source originale qui revient sous forme de décryptage cynique des massacrés de Boutcha. Voyez-vous, ce soi-disant mort qui bouge ? Et l’autre qui se lève carrément et s’en va à ses préoccupations quotidiennes ? Nous sommes partis en laissant tout intact, habitations comme habitants. Ne nous accusez pas des crimes commis par les nazis ukrainiens après notre départ.
Vous vous rappelez le producteur de la mise-en-scène du 30 septembre 2000 ? Il s’est moqué de nos analyses après coup : pitoyables profanes, vous ne comprenez rien aux reportages de guerre. Ce n’est pas un film documentaire. C’est la violence en temps réel, captée comme on le pouvait, avec la confusion autour et la batterie de la caméra qui s’épuisait. Or, ce coup-ci, tout est filmé d’en haut. Les massacres comme les mensonges. Tout est documenté au niveau terrestre. Les tortures, les mutilations, les exécutions sommaires. Comme si, en début du 21e siècle, on arrivait enfin à capter la barbarie en temps réel en trois dimensions en long et en large et à ne plus jamais se tromper.
Comme si
L’illusion à deux Etats
On est contre l’invasion, contre les attentats terroristes, contre le meurtre des civils, mais … Mais, si un passionné a fusillé des êtres humains attablés à la terrasse d’un café à Tel Aviv, c’est à cause de l’Occupation. Si on lance à partir de Gaza des milliers de missiles visant la vie quotidienne de paisibles civils, c’est à cause de l’Occupation qui demeure dans les esprits malgré sa fin dans la réalité. Si on bombarde les villes, les bourgades et les villages ukrainiens en visant en priorité tout ce qui protège la fragilité des innocents, tout ce qui entoure en temps normal la vie humaine, un toit, des fenêtres, un lit et ses couvertures, la rue, le marché, l’hôpital, la bibliothèque, l’école, l’église, si on pulvérise tout cela de rage enflammée c’est à cause de l’Otan qui entoure la Russie. L’Otan, bras long de l’Occident, qui malmène la Russie. Si l’on tue des Juifs et leurs alliés en Israël, c’est pour sauver al Aqsa.
Ce n’est pas bien mais il faut négocier. On n’arrivera jamais à bout de cette violence sans faire des concessions. La Russie, ce n’est pas un secret, voudrait posséder la moitié de l’Ukraine. Les Palestiniens, on vous le dit depuis plus de 70 ans, veulent un Etat avec des frontières sûres, vivant côte à côte avec Israël, comment le nier ?
De là, de cette irréalité têtue, on remonte les marches vers les hauteurs du raisonnable, on trahit à tous les étages. L’illusion de la solution devient le relativisme qui finit par rendre l’agressé coupable de son malheur. Au lieu de reconnaitre qu’on n’a rien trouvé pour arrêter le méchant fou de rage, on transforme sa cible en chiffon rouge. Arrêtez donc d’agacer Poutine, tu ne vois pas qu’il a plus d’armes nucléaires que ton Oncle (à vrai dire un peu gaga sur les bords) ?
Céder. Concessions. Cessions. Cesser le feu. Concessions douloureuses. Réfléchissons.
L’idée européenne
A la question de savoir s’il existe toujours une réalité « extrême droite », j’avais répondu que la ligne de partage sépare la démocratie de la tyrannie. Aujourd’hui la tyrannie frappe de toute sa force brutale une démocratie. Les citoyens choisissent courageusement de défendre leur liberté. C’est pour cela que je suis de leur côté. Rien ne m’empêche de faire ce choix. Ni les défauts ni l’histoire de l’Ukraine et de la région ne peuvent faire bouger cette ligne. Je suis sereine. L’Europe, aussi, est un exercice en imparfaite démocratie. On parlait jadis du monde libre, l’Occident sans limite géographique.
Les droits de l’homme. Les dix paroles. Des valeurs qu’il faut sans cesse clarifier et défendre.
A la veille de Pessah on est à tout jamais sur la rive et devant la ligne de partage entre la tyrannie et la liberté.
Nous le ferons et nous écouterons.
© Nidra Poller
Nidra Poller, née aux Etats-Unis dans une famille d’origine mitteleuropéenne et posée à Paris depuis 1972, est une romancière devenue journaliste, le 30 septembre 2000, par la force des choses, dit-elle, par l’irruption brutale, dans mon pays d’adoption, d’un antisémitisme génocidaire, Nidra Poller est connue depuis comme journaliste, publiée entre autres dans Commentary, National Review Online, NY Sun, Controverses, Times of Israel, Wall Street Journal Europe, Jerusalem Post, Makor Rishon , Causeur, Tribune Juive, Pardès …
Elle rédigea longtemps le vendredi une Revue de la Presse anglophone pour la newsletter d’ELNET.
Elle est l’auteur d’une œuvre élaborée en anglais, en français, en fiction et en géopolitique, dont L’Aube obscure du 21e siècle (chronique), madonna madonna (roman), So Courage & Gypsy Motion (novel)
J’assume la contradiction, ajoute Nidra, me disant romancière mais pas auteure.
Observatrice des faits de société et des événements politiques, elle s’intéresse particulièrement aux conséquences du conflit israélo-palestinien et aux nouvelles menaces d’antisémitisme en France. Elle fait partie des détracteurs de Charles Enderlin et France 2 dans la controverse sur l’Affaire Mohammed al-Durah et soutient la théorie d’Eurabia (en particulier avec Richard Landes).
Elle a fondé les Éditions Ouskokata.
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