Depuis une semaine, Israël subit une vague d’attaques terroristes comme il n’en a pas connu depuis longtemps. 4 à Beer Sheva, 2 à Hadera , 5 à Bnei Brak. 11 morts. Il faut remonter à 2006, avec l’attentat suicide dans un restaurant de shawarma à Tel Aviv, pour déplorer un tel nombre de victimes.
L’émotion est considérable. Mon fils aîné, venu quelques jours en France, a été stupéfait quand je lui ai dit que je comptais parler dans ma chronique de la démocratie israélienne et de ses contre-pouvoirs. La Cour Suprême impose la remise du Prix d’Israël à un mathématicien réputé, sélectionné par ses pairs, alors que les ministres de l’éducation successifs essayaient d’annuler ce choix en raison des déclarations de l’homme sur le mouvement BDS.
« Tu te rends compte, me dit mon fils, tu vas parler d’un sujet abstrait, alors qu’en Israël le sang coule! »
Le sentiment d’un destin commun est extraordinairement incrusté dans ce pays
J’ai eu un sentiment de culpabilité. Je ne ressentais pas ces attentats avec la même brutalité qu’un Israélien . C’était une information extrêmement déplaisante mais qui n’impactait pas ma vie quotidienne. J’étais très loin de ressentir l’effroi qui m’avait rongé dans le passé, en mai 67 aux menaces de Nasser, en 73 aux premiers jours de la guerre du Kippour, en 91 quand Saddam Hussein envoyait ses missiles ou lors de l’Intifada des années 2000 quand la litanie des attentats semblait ne pas pouvoir s’arrêter. De fait, ces souvenirs anciens amortissaient mon inquiétude, tant Israël s’était sorti de situations infiniment plus graves.
Mais pour un Israélien, c’est la perspective d’une angoisse quotidienne. Beaucoup ont des proches là où les attentats sont survenus et pensent qu’ils auraient pu être à la place des victimes. Le sentiment d’un destin commun est extraordinairement incrusté dans ce pays. Malgré ou à cause de la diversité des origines et des habitudes de vie si dissemblables, chacun est profondément solidaire de l’autre.
Les victimes sont un kaléidoscope de la population israélienne
Les victimes sont un kaléidoscope de la population israélienne. Elles ne doivent pas être cantonnées à un numéro dans une lugubre série. Voici leurs noms:
Doris Yahbas, Laura Yitzhak, Menachem Yehezkel et le Rabbin Moshe Kravitsky à Beer Sheva, la jeune franco-israélienne Shirel Aboukarat et le druze Yazan Falah, tous deux garde-frontières, à Hadera, Yaakov Shalom, fils de rabbin originaire du Yemen, qui laisse cinq orphelins, Avishai Yehezkel, étudiant de Yeshiva, qui a protégé son bébé de son propre corps et Amir Khoury, policier arabe israélien, tué en service, en neutralisant l’assassin à Bnei Brak. Bnei Brak, la ville ultra-orthodoxe où furent également assassinés Victor Sorokopot et Dimitri Mitrik, deux ouvriers ukrainiens non-juifs qui travaillaient dans la construction, ironie tragique du destin qui relie la violence en Israël à celle qui déchire leur pays.
Quant aux assassins, ce sont un Bédouin du Néguev, deux arabes de Galilée et un originaire de Cisjordanie, qui a franchi une barrière de sécurité moins hermétique qu’on ne le croyait. Tous sont revendiqués par l’Etat islamique et glorifiés par le Hamas et le Hezbollah, celui-ci étant pourtant l’ennemi implacable de Daech. Pour Israël, l’ennemi de ses ennemis n’est souvent pas l’ami, bien que l’extraordinaire réunion anti-iranienne à Sde Boker témoigne que le vieil adage a repris aussi son actualité.
Mahmoud Abbas a du bout des lèvres condamné les attentats, mais la branche du Fatah de Jenin, d’où provient l’assassin de Bnei Brak, promet à ce dernier le paradis et les 72 vierges. Double langage banalissime pour l’Autorité Palestinienne, que ceux qui ne veulent pas entendre n’entendent jamais.
Quant à nos organes de presse, ils parlent de fusillades, d’attaques armées ou d’assaillants, mais le mot de terrorisme leur brûle la bouche. Tout cela est également fort banal.
La capacité de nuisance de cellules islamistes ne peut pas être minimisée. Le Shabak est accusé de négligence, mais il reprendra la main et Il est peu vraisemblable que Daech s’installe dans le pays.
Les critiques d’Israël continueront de prétendre que c’est l’absence d’un Etat palestinien qui entraine les attentats. Le bon sens dira que le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme est, pour l’armée israélienne, de préserver sa capacité d’intervention dans les territoires palestiniens. Solution imparfaite, mais le mieux est l’ennemi du bien, et il faut une belle dose d’inconscience ou de perversité pour estimer que c’est l’hypocrite Mahmoud Abbas avec son mouvement corrompu et politiquement aux abois qui pourrait effectuer ce travail de nettoyage…
© Richard Prasquier
Contrairement à l’auteur de l’article, toute mes pensées et toute ma sympathie vont, en ce moment triste et affligeant, aux familles des victimes des attentats ainsi qu’à la population israélienne solidaire, dont le fils de Richard Prasquuier.
Prions jour et nuit pour que les forces de séurité réussissent à faire le nécessaire pour rassurer le pays face aux terroristes quels qu’ils soient.