« In Absentia » par contumace en latin . Le dernier roman de Raphaël Jerusalmy vient de paraître aux éditions Actes Sud .
Une fiction poignante qui aborde les enjeux de la Shoah en France . Au Struthof en Alsace précisément .
Unique camp de concentration dans l’hexagone . Les médecins nazis s’y livraient à d’atroces expériences « scientifiques » sur des déportés vivants .
On sort boulversé de la lecture de ce récit d’exception . Un déporté , Pierre Demain , écrivain communiste , y est contraint d’achever par strangulation les déportés . Il rêve pour s’échapper de l’horreur à la deuxième croisade et son cortège de massacres de Juifs . Il effectue sa tâche d’ultime bourreau avec douceur, empathie , confinant à l’humanité. Un des nazis du camp, dit le géant, lui offrira la vie sauve en lui avouant: « Je t’ai observé pendant que tu mettais fin aux souffrances du malheureux qu’ils torturaient. Ton dégoût de toi-même rayonnait comme une auréole d’or , ..tu fais semblant de soutenir le regard de ta victime .Tu lui donnes l’impression de communier avec elle ,tout en t’efforçant de ne pas le voir. De t’en éloigner le plus possible … »
D’où le titre de l’oeuvre, « In Absentia » …
Simultanément Jerusalmy retrace le parcours d’un collectionneur juif parisien féru d’art moderne. Raflé vers Auschwitz et renvoyé avec une centaines de déportés pour des expériences au Struthof. Saül Bernstein, passionné par Dada , Duchamp , les Surréalistes,y compris par le « Peseur d’âmes » d’André Maurois, pseudonyme d’Émile Salomon Herzog.
Dont l’édition originale est illustrée magistralement par Francis Picabia ! Bernstein « rencontrera » Pierre Delmain au Struthof …
Dans ce roman surprenant , Raphaël Jerusalmy se projette férocement dans l’esprit de ses héros. Dans leurs rêves, leurs désirs inavouables de promenades dans Paris et ses restaurants alors qu’ils sont affamés par les SS.
Ainsi que dans l’art surréaliste à travers l’odyssée de Marcel Janco, peintre roumain fondateur du mouvement Dada aux cotés de Sammy Rozenstock (Tristan Tzara ).
Que l’on soit de Haïfa au Carmel où un musée lui est maintenant entièrmnt consacré à Ein Hod. Un va et vient entre le récit de l’horreur et ces échappatoires du réel que seraient l’ art, le romantique et l’onirique. Qui d’aucune façon ne sauvent le monde.
Découvrez le dernier tiers du roman au final émouvant et déconcertant. Raphy Jerusalmy, ancien officier de renseignement de Tsahal, y provoque une nouvelle face de son talent : le cynisme de la lucidité.
Ouvrage interpellant. Quelle attitude ? Quelles valeurs pendant ces années de plomb ? La question qui a rongé de nombreux intellectuels et artistes. Comme le réalisateur juif berlinois Billy Wilder : « Il y avait des optimistes et des pessimistes. Les premiers furent gazés à Auschwitz . Les autres ont des piscines à Hollywood ».
© Michel Lussan-Loïtzanski
Michel Lussan-Loïtzanski est correspondant permanent de Tribune Juive à Bruxelles .
Sixième roman de Raphaël Jerusalmy paru chez Actes Sud . Précédente autobiographie : « Des Sex Pistols à l Intifada » Retrouvez l’ancien officier des renseignements israéliens comme consultant presque tous les jours sur I24NEWS !
J’adore Jerusalmy j’ai lu pratiquement tous ses livres mais je dois avouer que j’ai une préférence pour son livre « la confrérie des chasseurs de livres »..