La moitié de la fortune des oligarques appartient à Poutine

Peu d’Occidentaux ont osé braver la colère de Vladimir Poutine comme Bill Browder. Pendant treize années en Russie, ce financier américain naturalisé britannique âgé de 57 ans a connu le meilleur et le pire. Jeune loup avide, il s’est retrouvé au pinacle dans les années 1990 en y devenant le patron du plus important fonds d’investissement occidental. Parti d’un capital de 25 millions de dollars, Hermitage Capital Management avait atteint une valeur de 4,5 milliards de dollars en 1997, moins de deux ans après sa création. Il détenait des parts dans les plus grandes sociétés russes telles que Gazprom ou Sberbank et a côtoyé nombre des oligarques aujourd’hui sous sanctions. La dégringolade fut aussi rapide que le décollage. Bill Browder la raconte en détail dans un livre paru en 2015, Notice rouge (éditions Kero) où il explique comment les oligarques du système Poutine l’ont dépouillé de ses participations avant d’organiser une colossale fraude fiscale (230 millions de dollars!) dont ils l’ont accusé. Le récit palpitant fait pénétrer le lecteur dans les coulisses de la mafia financière et politique qui confisque la majeure partie de l’économie russe. Bill Browder en a réchappé, pas son avocat russe: Sergueï Magnitski, qui pensait que le droit prévaudrait, est mort dans une cellule. Gravement malade, il a succombé aux coups de matraque de ses geôliers. Bill Browder vit aujourd’hui à Londres et mène une croisade dans le monde pour lutter contre la corruption et les atteintes aux droits de l’homme. Il a répondu aux questions du Figaro Magazine sur les oligarques, la fortune et le pouvoir de Vladimir Poutine.

Décoration par Vladimir Poutine d’Alexeï Miller, le président de Gazprom. Sergei Karpukhin/TASS/Sipa USA/S

Les premiers oligarques sont apparus immédiatement après la fin de l’URSS. Ils ont eu accès à la richesse grâce à des «traitements spéciaux» du gouvernement lors des privatisations de masse de l’économie russe. Ils ont pu acquérir des sociétés pour 1 % de leur valeur. Il s’agissait de personnes comme Mikhaïl Prokhorov, Vladimir Potanine (associés dans Norilsk Nickel), Oleg Deripaska (RUSAL, aluminium), Mikhail Fridman (Alfa Bank et pétrole), etc. Lorsque Poutine est arrivé au pouvoir, un deuxième groupe d’oligarques a émergé: ses amis d’enfance de Saint-Pétersbourg et d’autres rencontrés dans sa jeunesse. Des gens comme Guennadi Timtchenko (pétrole et transports), les frères Arkady et Boris Rotenberg (travaux publics), Kirill Chamalov (pétrochimie, qui fut le gendre de Poutine). Enfin, lorsqu’il s’est installé à la présidence, un autre groupe est apparu que j’appellerais les oligarques de gouvernement: des figures comme Alexeï Miller (Gazprom) ou Igor Setchine (Rosneft). Poutine a également récompensé les dirigeants de l’appareil de sécurité mais pour éviter qu’ils apparaissent, l’argent et les participations sont au nom de leurs enfants. C’est le cas de Mikhaïl Fradkov, qui dirigea le service de renseignement extérieur de Russie et dont le fils Petr dirige une grande banque, ou de Sergueï Kirienko, dont le fils Vladimir préside VK, le réseau social russe.

Aucun d’entre eux n’a le moindre poids politique. Beaucoup sont les gardiens du trésor de Poutine et détiennent la majeure partie de l’économie. L’idée même de poids politique n’existe pas en Russie. Poutine prend toutes les décisions et les oligarques sont là pour son bon plaisir. En d’autres termes, il peut les remplacer dans la seconde s’il le souhaite. Quiconque pense que les oligarques pourraient se retourner contre lui à cause des sanctions se trompe absolument sur la manière dont le pouvoir fonctionne en Russie.

Vous dites et écrivez que Vladimir Poutine est l’homme le plus riche de Russie. Combien possède-t-il et comment a-t-il amassé autant d’argent?

Il possède 200 milliards de dollars amassés au moyen de l’extorsion. Le principe est simple: il exige des oligarques qu’ils lui versent l’argent sinon ils sont expédiés en prison. Il agit comme un parrain de la mafia. C’est un expert en la matière.

Vladimir Poutine est une voiture dépourvue de marche arrière. Il ne peut qu’avancer. Il n’a jamais reculé. Il choisira toujours l’escalade. La seule manière de l’arrêter en Ukraine, c’est de le laisser s’enliser et d’aider les Ukrainiens autant que nous le pourrons avec des équipements militaires et avec de l’argent. Si nous ne parvenons pas à le stopper, il n’hésitera pas à entrer en conflit avec l’Otan.

Source :
Le Figaro Magazine

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