Juste après une dédicace pudique à ses parents et ses enfants, Sarah Mostrel nous livre 3 citations au sujet de cet Art majuscule qu’est la Photo:
Je suis toujours en train de prendre des photos mentalement, pour pratiquer. Minor White
L·appareil photo est un outil qui enseigne aux gens à voir sans appareil photo.
Dorothea Lange
La photographie ne reproduit pas le visible, elle rend visible. Richard Avedon
En guise d’avant-propos
Analogie d’un re(é)flex(e)
You don’t take pictures; the good ones happen to you. Ernst Haas
La photographie aide les gens à voir. Berenice Abbott
« Ce que j’aime, dans l’art photographique, c’est capter le mouvement, la lumière, le moment propice où dans le choix d’un angle de vue, la chose figée parlera le plus possible à la mesure de sa réalité, ou de l’imaginaire… Même s’il est impossible de rétablir les parfums qui s’exhalent, se libèrent, et de retranscrire par ce biais (ou quelque autre d’ailleurs) une atmosphère, un lieu, les bruits des alentours, le climat environnant, en bref, d’initier la création, ce moyen d’expression, quand il est juste, éblouit par sa loyauté, son instantanéité pertinente. L’ombre et la lumière du cliché – personnage flashé ou paysage capté – nous raconte l’histoire de l’homme, son interaction avec l’Autre, avec la nature, avec la rue. Osmose de cette précieuse rencontre entre l’objet photographié et l’immortaliseur d’images (spectateur, voyeur ou artiste) qui, sous couvert de l’objet, cherche lui aussi à être éternel. En figeant la vie dans son immédiateté, le photographe ne crie-t-il pas son éternité ? Témoin du monde, c’est dans la tentative de s’y mêler qu’avec distance ou plan rapproché, il appuie sur la gâchette de son instrument, consécutivement, intempestivement, souvent en transe, dans l’espoir d’être le plus sincère, le plus proche de D-ieu peut-être… L’esthétique le transportant, il s’y fond pour mieux appréhender l’univers soudainement élargi grâce à l’ensemble des possibles qu’il a réunis là, dans une reproduction qui ne sera cependant qu’une mince interprétation, figuration, imagination, infime réalité tant infinies sont les couleurs, les angles, les visions, les regards et les instants changeant en permanence à chaque plus petite portion de seconde perceptible par notre cerveau…
En effet, entre deux battements de cils, dans le temps où l’œil se ferme, où la paupière couvre l’orbite, se sont déjà passées tant de fractions de secondes indispensables à la bonne marche du monde, tant de temps précieux perdu et jamais retrouvé (même s’il paraît identique, tant de facteurs l’influencent désormais…) ! Ce ne sera donc encore qu’une interprétation parmi tant d’autres que le photographe choisira (ou non) de mettre en avant, pour se souvenir, marquer le temps, rétablir son passé subjectif l’espace d’un moment, qu’il partagera ou non et… advienne que pourra ! L’œuvre rejoint alors celle de tout artiste dont on s’approprie la réalisation comme bon nous semble, selon notre histoire et fréquemment sans aucun lien avec ce qui était à l’origine. N’est-ce pas d’ailleurs ce que nous faisons tous, nous, créateurs tenant des postures de vierges alors que nous passons notre temps à reproduire ce que nous croyons comprendre, c’est-à-dire, pas grand-chose…
« Il n’est point créer ce qui existe déjà » a dit Soulages. Tout existe déjà, l’image, la perception, les différents sens (surtout ceux qu’on ne découvre jamais, ce qui met à mal l’innovation puisque lorsqu’un individu rafraîchit l’univers, il n’est que trouveur d’un trésor non encore exploré et non inventeur, fondateur ou précurseur). Mais si tous les êtres s’unissaient et apportaient leurs regards distincts justement (chacun étant unique, l’assertion est prometteuse de respect des uns et des autres et d’une variété de créations) et ressentis, l’on bénéficierait d’une appréhension bien plus grande de notre cosmos que l’on savourerait avec ses 1000 faveurs et saveurs, ses multiples orientations ! Additionnées, elles élargiraient notre champ visuel et par superposition de ces diverses couches correspondant aux versions respectives, elles nous feraient suivre l’ordonnée du graphe (à la verticale donc) et gravir les marches vers le ciel pourvoyeur de ses bienfaits, de la lune, des étoiles… Convergeant vers l’azur, tout le monde se porterait à merveille et les identités variées pointeraient vers le soleil comme un tournesol ne quittant pas l’astre des yeux. Les hommes se tourneront enfin vers l’initiateur de toutes choses qui inspire, incite à créer, à célébrer, à décrire pour la postérité chaque élément, reflet de l’en-haut dans l’en bas. C’est pour cela que les artistes sont indispensables, ils nous montrent la voie avec leur expression si particulière… Tout comme l’écrivain manie la prose et les vers, le peintre, les couleurs et les perspectives, le voleur de clichés (identifié ou non), champion de la contemplation, individu émotif, rêveur ou visionnaire, voit en son sujet la prolongation d’un oubli, d’un présent déjà passé. Capteur du réel, il est aussi passeur de beauté, se mêlant à la conscience des hommes en transmettant sa vibration (une extase parfois), illuminant l’espace de son éclairage en y apportant du sens, de la cohérence. Bonheur et apologie de ce qui participe à l’unité, à l’équilibre d’un monde sensible. Le huitième art dit populaire compose et dispose des sujets en pose, pour le plus grand bonheur du grand public ».
©Sarah MOSTREL, « Analogie d’un re(é)flexe », texte publié dans la revue Chemins de Traverse.
Le photographe, passeur de beauté
« Sortir de l’ombre, percer dans la lumière. Se frayer un passage comme on entre dans la vie. Se faufiler entre les mailles du filet. S’en débrouiller. Affronter l’étendue, avec ses zones sombres. Pour rejoindre l’origine du monde ? Le contraste, sans lequel tout est sans saveur, nous ouvre la voie. Nous montre que tout est réalisable. L’ombre et la lumière du cliché – personnage flashé ou paysage capté – nous racontent l’histoire de l’Homme, son interaction avec l’Autre, avec la nature, avec la rue. Ses hésitations. Sa face cachée. L’image éclate avec ses contradictions. Offrant sa réalité. Créant parfois un effet miroir. L’étroitesse du chemin est aussi aventureuse que la perspective de l’infini. Mais l’éclat est rassurant. La brillance, pénétrante. Attiré par l’éternité, comme aimanté, le voyeur se veut voyageur. Sur le chemin, il s’engage. Dans cette dualité, sans laquelle il ne trouverait pas la réponse. Le noir est tout aussi somptueux que la clarté émergente. Ici, le secret, là, la solution. Le photographe est totalement impliqué dans le processus. Il est un passeur de beauté ».
L’auteur: Sarah Mostrel
Robert Doisneau, Willy Ronis, Walker Evans, Vivian Maier, Sebastião Salgado, Saul Reiter… Autant d’influences dont la journaliste s’est nourrie lors de ses voyages en Amérique, en Asie et en Europe, lieux propices à la réalisation de séries photographiques. Poète, écrivain, musicienne, artiste peintre, Sarah Mostrel a été primée par les groupes de presse Lagardère et CMI pour ses clichés pris au Vietnam et à Londres. Auteure d’une vingtaine d’ouvrages, elle expose à Paris.
« L’oeil et le coeur, un regard sensible sur le monde ». Sarah Mostrel. Editions Unicité
Auteur-compositeur-interprète, Sarah Mostrel a sorti plusieurs albums et se produit sur les scènes parisiennes. Son sens du rythme et notamment des sonorités a été forgé par son amour de la musique qu’elle a exercée jeune en étant pianiste pendant douze ans.
Mes compliments