« Néo-nazis et antisémites avec Éric Zemmour ? Tentons d’y voir plus clair… » Propos recueillis par Philippe Korsia

Néo-nazis et antisémites avec Éric Zemmour ? Tentons d’y voir plus clair…

Entretien avec un soutien d’Éric Zemmour

       C’est un fait, une partie de l’extrême-droite a rallié Éric Zemmour. C’est un fait également que parmi ces derniers, un certain nombre ne portent pas particulièrement dans leur cœur les Juifs. Simplement, ils estiment les questions relatives à l’immigration de peuplement prioritaires. De là le soutien à un Éric Zemmour qui leur semble plus crédible sur le sujet que Marine Le Pen. Le président du Parti de la France (PDF), Thomas Joly, a, de ce point de vue, un parcours assez intéressant. En 2009, ce picard expliquait qu’habitant l’Île de France il aurait donné sa voix à la « Liste antisioniste » conduite par Dieudonné (élections européennes 2009). Aujourd’hui il apporte son soutien à Éric Zemmour. Provocateur antisémite, Christian Bouchet le qualifie (avec d’autres) de « Shabbat goy »(sic). Christian Bouchet soutient Marine Le Pen. En face, d’autres considèrent que le soutien du PDF à Zemmour « prouverait » l’antisémitisme de ce dernier. En ce cas, les nombreux futurs électeurs juifs de Zemmour doivent-ils aussi être tenus pour antisémites ? En privé, ils sont un certain nombre à le soutenir avec des commentaires qui, parfois, fleurent bon ce mépris abyssal qu’on croyait révolu envers les « Schwarz ».

       Alors ? Demain une nouvelle version du « Grand pardon » sera-t-elle tournée avec les membres du PDF ? Trêve de plaisanterie : Thomas Joly, pas plus que Pierre Vial ou Robert Spieler, ne sont devenus des « shabbats goys ». Ils agissent simplement en politique. Ils peuvent même demeurer foncièrement judéophobes en leur for intérieur. Et antisionistes. Mais dès lors que Zemmour cherche à réhabiliter Pétain, déclare ne pas être sioniste, ils sont prêts à passer outre sa judéité.

       Pourtant toute l’extrême-droite n’est pas derrière Zemmour. Loin s’en faut. Et contre ce dernier, les commentaires antisémites vont bon train, de Rivarol à Egalité et Réconciliation, le mouvement d’Alain Soral. Sur Facebook c’est un florilège. Même un Jean-François Touzé, qui jadis s’affichait au côté d’Europe-Israël et de la LDJ, laisser passer sur sa « page » moult commentaires qui raillent à mots-couverts l’absence de « sang français » chez le concurrent de Marine Le Pen.

Parmi les soutiens présumés « sulfureux » de Zemmour, un nom revient sur la toile : celui de Thomas Ferrier[1]. Réseaux sociaux oblige, nous avons eu l’occasion d’entrer en contact avec lui. À rebours des étiquettes et du prêt-à-penser qui règnent en maître, nous avons choisi d’échanger avec lui. Un échange n’est pas un soutien, même implicite, n’en déplaise aux imbéciles. Ni la marque d’une proximité présumée. Bien entendu les malveillants n’en auront cure. Nous entendons déjà la cohorte des aboyeurs : « Dérive droitière ! », « Compromission ! », « Retour de Vichy ! »… La bêtise n’a pas de limites. Faisons le pari de l’intelligence. Et que chacun juge sur pièces. Propos recueillis par Philippe Korsia

  1. Quel regard portez-vous sur le désir manifeste chez Zemmour de présenter Pétain en protecteur des Juifs français ?

Éric Zemmour aime tellement la France qu’il veut la préserver d’un passé « qui ne veut pas passer » et considère que les travaux de Robert Paxton sont orientés dans un sens anti-français. Mais les faits, qui sont têtus, démontrent que le gouvernement de Vichy, dans une entreprise croissante de soumission à la puissance occupante, n’a jamais eu l’intention de protéger les Juifs français mais au contraire de les sacrifier en échange d’une place dans la prétendue Europe nouvelle bâtie autour de l’Allemagne. Les mots de Laval en faveur d’une victoire de l’Allemagne (« Je souhaite la victoire de l’Allemagne ») ne trompent pas non plus. Ces positions extrêmement clivantes, Éric Zemmour n’en fait plus étalage. L’homme politique a remplacé le polémiste.

  • Certes il n’en fait plus état. Mais pourquoi ne pas reconnaître qu’il s’est trompé ? Ou tout au moins affiner son propos ?

Il me semble préférable qu’il ne revienne pas sur des déclarations tenues à une époque où il n’était pas homme politique mais « polémiste ». Sur le plan intellectuel, Éric Zemmour me paraît un esprit fort.

  • Et vous-même, ancien étudiant en histoire, quel regard portez-vous sur l’historiographie du régime de Vichy ?

Pour ma part, parmi les historiens qui ont étudié la période de Vichy et de la collaboration, j’estime que Jean-Paul et Michèle Cointet ont été très éclairants, tout comme Philippe Burrin par ailleurs. L’ouvrage de Pascal Ory sur « Les collaborateurs[2] » a été d’un grand intérêt pour comprendre certains itinéraires. J’ai lu Paxton et je n’ai pas vu matière à contester sa thèse générale, même si sa formulation a pu être polémique car portant sur une période sensible et douloureuse pour la France.

4) D’après nos recherches vous avez commencé à être édité par Ars Magna (animé par Christian Bouchet) sous le pseudonyme de Thomas Stahler. Pouvez-vous nous raconter l’évolution intellectuelle qui a été la vôtre ?

Pour ma part, j’ai atterri au sein de la droite nationale en raison de mon opposition aux flux migratoires extracontinentaux et de mon choix de faire renaître la foi native européenne (« paganisme »), thème que la Nouvelle Droite avait mis en avant. J’ai toujours été partisan par ailleurs d’une Europe politique reposant sur des fondements démocratiques très affirmés. Il n’y a pas de bon chemin mais il y a des chemins. Certains mènent à des impasses que des esprits faibles s’entêteront malgré tout à vouloir traverser. D’autres mènent à des remises en cause utiles.

Parmi les nombreuses personnes rencontrées au sein de mes pérégrinations numériques, et qui auront contribué à l’élaboration de ma réflexion historique loin des phobies polluantes, Gilles Karmasyn est un de ces militants infatigables du combat pour préserver les réalités historiques contre les faussaires de toutes obédiences. Il aura contribué à éclairer le chemin de ceux qui auront su le lire avec attention, à l’aube des réseaux sociaux et des forums de discussion, afin de les préserver de topoi aberrants qui dominaient alors la droite nationale. Il faut le saluer.

Par ailleurs, les ouvrages très documentés de Valérie Igounet auront contribué à mettre à la lumière l’agenda caché de ceux qui espéraient prendre une revanche historique sur le passé et qui eux-mêmes désormais appartiennent au passé, ce dont il faut se féliciter. Ces thèses lamentables sont désormais à la marge de la marge. Qu’on les laisse s’y éteindre.

En bon nietzschéen, et marqué aussi par l’héritage politique de Guillaume Faye qui prônait depuis quinze ans une alliance Europe/Israël et une convergence européistes identitaires / juifs européens, je me considère comme anti-antisémite. En tant qu’adepte de la foi native européenne (« paganisme »), je considère que le christianisme européen a été le principal responsable de la judéophobie en Europe (cette « culture du mépris » évoquée par Jules Isaac).

Je précise enfin que les Juifs européens sont chez eux en Europe et que ce ne peut qu’être que par un choix libre, et non en raison de la judéophobie croissante, qu’ils peuvent donc choisir aussi le chemin de l’alyah. Difficile de voir en moi un nazi ou un antisémite (même sioniste) avec de telles positions assumées, n’est-ce pas ?


5) Vous êtes président du « Parti des Européens ». Comment un « Juif berbère »(sic) pourrait-il représenter le nationaliste européen que vous êtes ?

Éric Zemmour est un Européen dont l’ethno-confession est présente depuis deux millénaires en Europe. Ce n’est que dans le contexte de la christianisation de l’Europe qu’une rivalité mémorielle ourdie par les églises a voulu mettre les Judéens d’Europe au ban des nations. Aux Européens païens était réservée la conversion forcée. Aux Juifs européens, une discrimination humiliante comme « peuple-témoin » parce qu’ils ont refusé de reconnaître dans le Christ le messie attendu.
L’amour d’Éric Zemmour pour la civilisation européenne est immense. Il défend l’Europe judéo-chrétienne, la Chrétienté face à l’islam. Tout cela est éminemment courageux et louable. Il oublie néanmoins la part essentielle de l’identité européenne dont les racines sont antérieures à la christianisation du continent.

6) Vous dites qu’il défend l’Europe judéo-chrétienne. Permettez-moi de sursauter en entendant cette expression. Les croisés étaient-ils judéo-chrétiens ? Luther était-il judéo-chrétien ? Saint-Louis judéo-chrétien, lui qui fit brûler le Talmud et que Zemmour se plaît à dépeindre en « roi juif » ?

L’Europe est davantage pagano-chrétienne (la « double foi » analysée par les folkloristes) que judéo-chrétienne mais l’Eglise se veut la continuatrice, tout en étant sa négatrice dans le même temps, de la tradition juive. C’est pourquoi la judéophobie en Europe est venue essentiellement du christianisme et pas du tout du paganisme antérieur. Une Europe davantage réconciliée avec son passé polythéiste sera moins encline au fanatisme.

7) L’expression « judéo-chrétien » sous-entend une communauté de destin. L’exemple syrien n’en est-il pas le parfait contrepoint, là où le Hezbollah est allié des milices chrétiennes elles-mêmes entraînées par l’Iran et où Israël a soutenu certaines factions de la rébellion ?

Il a existé de fait une symbiose judéo-européenne au-delà du christianisme, tout comme l’hellénisme a eu un grand rôle dans le judaïsme du IIème siècle avant J.C.

Il est intéressant de rappeler que de nombreux spécialistes des Indo-Européens (thème ô combien identitaire) comme Emile Benveniste, Solomon Reinach ou Sylvain Levi étaient de confession juive.

8) L’association SOS-Chrétiens d’Orient vient d’être mise en cause pour ses liens avec des milices pro-Assad accusées de crimes de guerre. Un des dirigeants de SOS Chrétiens d’Orient relève que ces groupes paramilitaires chrétiens sont entraînés par l’Iran. Comment comprenez-vous cela ?

Ce tropisme levantin me paraît spécifique aux milieux de la droite catholique française, qui me sont parfaitement étrangers. La droite européiste admire en revanche la civilisation iranienne et éprouve une profonde nostalgie pour le shahr (« empire ») des Pahlavi. Cela l’amène en conséquence à une position extrêmement hostile au régime actuel en place à Téhéran, position que je partage pleinement.

9) Sur le fond, comment définissez-vous l’identité européenne ?

L’identité européenne est marquée par un peuplement commun, issu de la préhistoire (Dominique Venner évoquait 30 000 ans d’identité), et par une civilisation commune qu’il porte, une civilisation marquée par une somme d’héritages qui s’enrichissent, et dans laquelle les Juifs européens et les Roms ont aussi apporté toute leur part.

10) Revenons à la campagne politique. Marine Le Pen pointe la présence de « nazis » autour de Zemmour. Des noms ont circulé, dont celui de l’ancien responsable de la librairie Ogmios… ainsi que le vôtre, une photo de vous le bras tendu circulant sur la toile. Qu’en est-il ? Vous-même, avez-vous été néo-nazi et ne l’êtes plus aujourd’hui ?

Ce sont les mêmes accusations fantaisistes portées par Poutine contre le peuple ukrainien sous prétexte que 40 000 extrémistes, sur 44 millions d’Ukrainiens, se revendiquent d’une symbolique odieuse et des volontaires ukrainiens au service de l’Allemagne, négligeant par ailleurs le fait que de nombreux russes (brigade Kaminski, armée Vlassov) firent de même et oubliant que les Allemands ont combattu l’indépendance ukrainienne et mis Bandera aux arrêts.
Le procès en nazification qui m’a été fait, selon la « reductio ad Hitlerum » dénoncée en son temps par l’immense Leo Strauss, repose sur des falsifications odieuses (et un montage hideux à partir d’une photographie piratée) et est diffusé par un groupuscule extrémiste se revendiquant d’un « suprémacisme occidental », d’un « racisme humaniste » (sic) et dénonçant par anti-christianisme, et par antisémitisme, un « esprit yahviste ». Par ailleurs, Marine Le Pen ferait mieux de faire le ménage dans son parti et ses soutiens que chez Reconquête. J’ai peine à croire qu’un français de confession juive comme Éric Zemmour puisse recevoir le soutien de néo-nazis et autres nostalgiques fantasmant sur une époque sombre qui les aurait (en plus) traités en asociaux. Je n’ai rien à voir avec ces gens en tout cas. Ma seule nostalgie est pour la Grèce classique du Vème siècle sous Périclès.

11) Vous dites que Marine Le Pen devrait faire le ménage, qu’en est-il ? Pourquoi d’après-vous aucune condamnation verbale de Frédéric Chatillon et de ses « soirées pyjamas rayés » ?

Marine Le Pen n’a pas du tout une approche doctrinale de la politique. Les considérations politiques me semblent très secondaires chez elle dans son approche des relations humaines. Je dirais de l’extérieur qu’elle fonctionne plutôt par clanisme et en fonction de proximités affectives. Toute rupture politique est interprétée sous l’angle d’une trahison personnelle, ce qui amène à une réponse hostile du Parti à l’égard de ceux qui partent. Or cet entourage évoqué ici ne lui a jamais fait défaut. Elle pardonnera aux uns ce qu’elle condamnera chez d’autres. On renverra Marine Le Pen à la parabole de la paille et de la poutre.

12) Zemmour fait-il le ménage de son côté ? On a beaucoup vu la photo d’un dirigeant du Parti de la France (soutien de Zemmour), Bruno Hirout, qui pose avec une bouteille de Zyklon B… Permettez-moi de vous dire: Que chacun balaie devant sa porte !

Ce sont des attitudes consternantes que je n’arrive même pas à clairement m’expliquer. Cela ne relève même plus de la politique à un certain niveau. Cela interdit à leurs auteurs de jouer le moindre rôle utile dans la campagne d’Éric Zemmour et toute place au sein de Reconquête. En dehors, qu’ils fassent donc ce qu’ils veulent, mais surtout… le plus loin possible.

13) Sur Facebook, un soutien de Marine Le Pen, Jean-François Touzé, a écrit ceci: « Zemmour est un diable au sens théologique du terme: celui qui divise ». Zemmour serait-il devenu le diable du RN?

Sataniser son adversaire est une attitude détestable. Et je me méfie des néo-convertis qui encensent ceux dont la veille ils préparaient le bûcher. Il ne faudra pas s’étonner ensuite qu’on imagine les concernant un soutien tarifé.

La disparition du RN, que l’émergence d’Éric Zemmour rend possible, sera salvatrice. Le logiciel politique de Reconquête est celui dont nous avons besoin pour « changer définitivement d’époque ». Zemmour n’est pas un diable mais le héraut d’une nouvelle ère pour une droite libérée de toute nostalgie malsaine.

14) Il me semble que vous allez un peu vite en besogne au sujet du RN… L’avenir le dira. Zemmour n’est-il pas lui aussi soumis à un plafond de verre ?

Bien qu’il fasse pour l’essentiel un sans-faute dans cette campagne, avec le choix de l’authenticité et de la sincérité qu’il oppose aux politiciens professionnels, la barre vers la victoire paraît haute. Le militant que je suis souhaite et croit en sa victoire. L’analyste sera nécessairement plus exigeant. Ses adversaires le renverront toujours à sa carrière antérieure de polémiste où il devait choquer pour exister et à ses mots de l’époque. Cela risque de limiter son impact auprès de certains électorats décisifs pour l’emporter. Je pense notamment à l’électorat féminin.


[1] Auteur de Fascismes d’Europe, Synthèse Nationale, 2020

[2] Points Editeur. Collection « Histoire ». 1980

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