Akadem. Quand Rachi parlait français, par Ruben Honigmann

  • Les « laaz » de Rachi. Un trésor pour linguistes (3min)
  • Déchiffrer la langue d’il y a 1000 ans. Des emprunts à l’allemand, l’italien, l’arabe (3min)

L’exégète par excellence

Rabbenou Shlomo Ytzhaki dit « Rachi » (1040-1105)

Né à Troyes en Champagne, Rachi demeure le plus célèbre commentateur de la Torah et du Talmud.

Sans ses gloses des pans entiers de la tradition seraient restés obscures.

Le monument Rachi à Troyes, réalisé par Moretti. Le peintre sculpteur a représenté ce travail d’éclaircissement par une boule, noire d’un côté et blanche de l’autre.

Son enfance à Troyes

Salomon fils d’Isaac naît à Troyes, en Champagne, en 1040.

Troyes, capitale de Champagne, était réputée pour son vin et ses foires. Au Xème siècle, la ville compte près de 10 000 habitants, dont une cinquantaine de familles juives. Ces dernières exercent, comme leurs concitoyens, les métiers de vignerons, artisans, métayers, commerçants. Les Juifs vivent dans un quartier spécifique (la rue des juifs).

Sa formation en Allemagne

Après son mariage, le jeune homme reçoit l’essentiel des bases de son savoir à Worms et à Mayence, en Allemagne.

Après le déclin des grandes académies de Babylonie (vers le IXème siècle), c’est de là que les talmudistes poursuivirent l’enseignement des anciens.

Ses maîtres, mentionnés dans son œuvre, furent : Rabbi Yaakov ben Yakar (que Rachi appelle affectueusement «mon vieux maître») de Worms, Rabbi Isaac ben Yéhouda et Rabbi Isaac Halévy de Vitry qui avaient rejoint l’Allemagne de l’époque.

L’école de Troyes

A son retour en France, Rachi décide d’ouvrir une yéchiva à Troyes, pour y transmettre son savoir, selon une pédagogie nouvelle, pédagogie qui apparaît au lecteur de la Bible et du Talmud. En un mot, il suit le texte à la lettre et y introduit ses notes avec humilité et perspicacité.

En général, on pose 4 règles pour comprendre la démarche de Rachi:

  • Quelle est la question à laquelle répond Rachi?
  • Un enfant de sept ans doit la comprendre.
  • Pourquoi Rachi a-t-il choisi telle explication plutôt que telle autre ?
  • Dans la Bible, Rachi suit le sens littéral, autant que faire se peut.

Le sens littéral

La nouveauté de Rachi repose sur deux points essentiels.

«Je suis venu expliquer le sens littéral», le pchath, écrit-il à plusieurs reprises. Jusqu’alors les exégèses suivaient le sens allusif, allégorique (le drach). Parmi ces maîtres, que Rachi reconnaît, citons Rabbi Moïse Hadarchan et Rabbi Menahem Albo. Ses explications sont à la fois d’une grande clarté et très concises. Il utilise parfois le vieux français pour expliquer tel ou tel mot. Il parle alors de Loaz, le langage vernaculaire. (Plus de 3000 termes champenois ont été recensés).

Très vite son œuvre fut reconnue dans le monde juif, en Europe et en Espagne. Le monde chrétien aussi lui fut reconnaissant, notamment Nicolas de Lyre, un moine franciscain, mort en 1340. Luther, en Allemagne, et King James, en Angleterre, bénéficient également de ses travaux.

Laé qualité de son opeuvre lui valut de passer à la postérité sous le nom de « parchan data », l’interprète de la Loi par excellence.

La première impression de la Torah avec Rachi, date de 1475, deux autres impressions eurent lieu en 1480 et 1482. Depuis, il est rare que le Pentateuque ne soit pas accompagné du commentaire de Rachi.

Son commentaire a été traduit en français, sous la direction du Rabbin Elie Munk.

Les Responsas

Les responsas sont des réponses de rabbins, à des questions de fidèles (en hébreu chééloth

– outchouvoth = questions – réponses).

De son vivant, la réputation du maître champenois n’était plus à faire, aussi lui écrit-on de toutes les communautés (Paris, Orléans, Tours, Le Mans, Worms, Mayence, Rome…).

En plus de ses commentaires de la Bible et du Talmud, Rachi a donc laissé une correspondance abondante.

Ces Responsa sont intéressants car ils nous éclairent sur la situation économique, religieuse, sociale de ces communautés.

Ses disciples

Rachi n’a pas de fils, mais trois filles qui épousèrent des grands érudits. Parmi ces petits-fils, nous citerons Rabbénou Tam ou Rachbam (Rabbi Shmouel ben Méïr) qui sont des autorités en leur temps.

Ces disciples directs ou indirects prirent le nom de Tossafistes (Tossefoth) = Ceux qui ajoutent.

Certains produisirent un commentaire de la Torah, celui de Rachbam demeure célèbre, mais c’est surtout en ce qui concerne le Talmud, que ces écoles de pensée se distinguèrent. Alors que Rachi commentait le texte mot par mot ou expression par expression, les Tossafistes optèrent pour la comparaison de deux textes contradictoires, pour en faire jaillir une différence subtile. On peut alors parler de dialectique. Souvent les Tossafistes contredisent Rachi.

Ruben Honigmann – journaliste

Ruben Honigmann est directeur éditorial d’Akadem.

Recherche : Philippe Haddad

https://akadem.org/magazine/magazine-culturel-2021-2022/quand-rachi-parlait-francais/46040.php

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