On sent comme une atmosphère d’août 14 en ce moment. Le Maire qui annonce publiquement, comme d’autres dirigeants européens, que son intention serait de « provoquer l’effondrement de l’économie russe », et toutes sortes d’ahuris qui poussent à la militarisation et à l’envoi d’armes en Ukraine, tous se comportent comme les pousse au crime de 1914.
Et on voit des rétorsions contre des personnes physiques qui n’ont pas à prendre position dans ce conflit (Cf. la révocation du chef d’orchestre Valery Gergiev pour sa « proximité » avec Poutine, comme si un musicien devait prendre parti contre son propre pays !).
Je constate aussi que toute personne qui tente d’avoir un regard un peu objectif et distancié sur la situation, et qui donc n’adhère pas au message public, est pris pour un traître et un renégat. C’est réellement un climat proche de 1914, quand les journaux et les politiciens accusaient Jaurès d’être un traître.
Je vais dans ce contexte réitérer quelques observations que j’ai déjà faites sur ce conflit, et en ajouter quelques autres, en espérant respecter un minimum d’équilibre et d’objectivité. Merci de contribuer au débat, mais j’effacerai les slogans, les insultes et équivalent. Apportez des arguments concrets, échangeons, dans le respect des points de vue de chacun.
1. La guerre est une chose immonde. Le seul objectif de tout un chacun devrait être de travailler à trouver une voie pour mettre fin à cette situation, en premier lieu pour les ukrainiens qui sont les otages direct d’un conflit stratégique qui les dépasse, entre la Russie et les Etats Unis. Il n’y a que la diplomatie qui le permette.
2. J’ai des activités et des filiales ou partenaires dans les trois pays: Russie, Bélarus et Ukraine, j’y ai donc des collègues et amis. C’est un déchirement de voir ces pays se diviser alors que tant de choses les lient, tant par l’Histoire que par la culture. Je ne prends donc parti pour personne, car je sais combien la réalité est complexe. Mais cela n’interdit pas d’essayer de poser un regard analytique sur la situation, sans souhaiter être rejeté dans un camp ou l’autre. Dans ce conflit rien n’est simple, et l’attitude qui consiste à opposer les « bons » et les « méchants » et ne regarder qu’un côté de la pièce relève essentiellement de la stupidité.
3. Les va-t-en-guerre de plateaux télé et de réseaux sociaux, de BHL à Enthoven pour les pseudo intellectuels germanopratins, aux politiciens professionnels en mal de visibilité en cette période électorale, tous veulent envoyer des armes en Ukraine en restant bien au chaud à pérorer. Aucun deux n’aura le courage des Hemingway, Orwell ou Malraux, ce qui en dit long sur la profondeur de leurs convictions. Mais avec les positions qu’ils clament haut et fort, ils condamnent les ukrainiens (et aussi les russes), à plus de peines et de souffrances, car il est évident que l’Ukraine, appelée à se battre seule puisque l’Ouest ne veut pas y mettre les pieds, ne pourra pas résister à la puissance militaire russe sans que cela génère des drames. Plus ce conflit durera, plus les pertes seront lourdes sans rien changer au résultat final. Pousser à un durcissement de la phase militaire de ce conflit, c’est tout simplement condamner un peu plus les ukrainiens en pensant avoir étanché sa soif de justice. C’est tenter d’être en paix avec sa conscience pour pouvoir s’endormir tranquillement le soir.
4. Plus que stupide, cette attitude est dangereuse, et celle des dirigeants européens, dont Monsieur Le Maire en est un exemple, est parfaitement irresponsable. Clamer qu’on veut l’effondrement d’un pays, c’est pousser un peu plus loin dans leurs retranchements les dirigeants de ce pays, qui ont pris une initiative à l’évidence mauvaise, y compris pour leur pays, mais dont l’origine n’est pas que dans la tête de ces dirigeants. Et engager les dirigeants d’une puissance nucléaire aussi importante que la Russie dans une impasse, c’est surtout faire prendre un risque démesuré à toute l’Europe, qui est le ventre mou du monde occidental. En 1914, les imbéciles et les ordures qui poussaient à la guerre entrainaient des millions d’être humains dans le carnage sans pour autant menacer le futur de nations entières, pousser à l’agressivité aujourd’hui, c’est prendre le risque d’une guerre qui oblitère des régions ou des pays entiers. Il faut être fou à lier pour conduire une telle politique et faire de telles déclarations.
5. La Russie est claire sur ses revendications, et pas seulement depuis ce mois de février. Elle veut ce que Kissinger recommandait, qui est de créer entre la Russie et les forces de l’OTAN qui, qu’on le veuillent ou non sont inféodées aux Etats Unis, une zone de sécurité qui peut sembler virtuelle à l’ère des missiles balistiques, mais qui revêt néanmoins une grande importance psychologique aux yeux des dirigeants russes. Le Pacte de Varsovie attribuait aux pays de l’Est non soviétiques ce rôle de zone de protection. L’Union Soviétique a implosé, ses républiques se sont séparées et les anciens pays de l’Est non soviétiques ont pour lessentiel rejoint le camp occidental, principalement sous la bannière de l’UE et de l’OTAN. Pour la Russie, la zone théorique de protection s’est donc déplacée vers l’Est, et doit englober les anciennes républiques soviétiques qui ont pris leur indépendance: Belarus, Ukraine, mais aussi pays baltes. Ces pays, qui ont des relations économiques importantes entre eux, forment ainsi une ceinture continue qui sépare la Russie du monde occidental allié aux USA. Avoir intégré les pays baltes à l’OTAN en 2004, en profitant de la faiblesse de la Russie à l’époque, a pu sembler être une victoire face à la Russie, mais c’était fondamentalement une erreur. La volonté d’attirer l’Ukraine vers l’Ouest allait dans le même sens. Certes l’Ukraine n’était pas à quelques jours de rentrer dans l’OTAN, mais les messages envoyés à la Russie étaient transparents, invitant à considérer que l’Ukraine serait bientôt associée à l’Alliance. C’était évidemment inacceptable pour la Russie, comme était inacceptable la volonté d’intégrer l’Ukraine dans la zone politique et économique de l’UE. En ce sens, la déclaration de Van der Leyen appelant à intégrer rapidement l’Ukraine à l’UE ne peut apparaître que comme une provocation supplémentaire alors que nous sommes dans le moment le plus « chaud » du conflit. Alors que l’intérêt de l’Europe est de calmer le jeu avec la Russie et de lui tendre la main en lui proposant un pacte garantissant sa sécurité, sans pour autant renoncer à nos principes, les dirigeants européens créent les conditions d’un conflit qui s’élargirait au-delà de l’Ukraine. C’est pure folie, et c’est une attitude parfaitement irresponsable à l’égard des peuples de l’UE. On peut comprendre que les dirigeants de l’Ouest européens aient besoin de donner des gages politiques à leurs propres peuples, choqués par l’invasion de l’Ukraine, mais de là à créer les conditions d’un conflit généralisé, c’est une bascule à laquelle ils devraient réfléchir un peu plus sérieusement, en arrêtant les postures guerrières.
6. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un principe essentiel du monde actuel, mais c’est un principe à double tranchant. Les dirigeants ukrainiens ont clairement manifesté leur souhait d’aller vers l’Ouest, beaucoup estiment que la porte devrait leur être ouverte et que la Russie n’a pas à objecter. Ce n’est pas si évident, précisément parce que le monde n’est pas simple et binaire. Et de la même façon, les zones russophones (et russophiles) de l’Ukraine qui souhaitent la sécession se sont vues opposer un refus brutal (14.000 morts depuis 2014) de la part du pouvoir ukrainien, en dépit de ce même principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ne voir que les aspects moraux et juridiques, par essence politiquement corrects, c’est oublier que ce qui dicte l’évolution géopolitique, ce sont avant tout les rapports de force. Les mini-républiques de Lugansk et Donetsk ont décidé de prendre leur envol parce que le rapport de force était contraint par la proche présence russe, et la Crimée a rejoint la Russie sans aucun bain de sang pur les mêmes raisons. De la même façon l’Ukraine a tenté un jeu autonome en croyant faire levier avec la présence de l’OTAN. Mais c’était un mauvais calcul, car l’OTAN – c’est à dire les Etats Unis – se fiche de l’Ukraine pour elle-même, celle-ci n’a d’intérêt pour les américains que dans la mesure où elle permet de déséquilibrer la Russie et mettre le bazar en Europe, selon la bonne vieille théorie qu’il vaut mieux une Europe divisée pour garantir la prédominance américaine. Pas de moralité derrière tout cela, c’est un calcul cynique d’une grande puissance face à une autre grande puissance, avec des réflexes enracinés dans la guerre froide, et avec des conseillers stratégiques aux Etats Unis qui pour une partie viennent des anciens pays de l’Est, des esprits revanchards à l’évidence – la haine de la Russie dans les anciens pays de Pacte de Varsovie est bien connue.
7. Il y aurait bien d’autres aspects à mentionner pour essayer de comprendre la situation, à la fois en regardant l’Histoire de cette région qui a été très mouvementée (l’Ukraine comme pays dans ses frontières actuelles est très récente), mais aussi les aspects culturels et linguistiques : par exemple, plus de la moitié (au plan de la géographie) du pays est en zone à dominante fortement russophone, quand l’autre moitié parle plutôt l’ukrainien.
Il y a, au-delà des aspects géopolitiques mondiaux, des lignes de fracture internes qui sont autant de facteurs de déstabilisation. Dans ce sens, tous les discours univoques, moralisateurs, convenus, brefs politiquement corrects, permettent de se donner bonne conscience, ils ne permettent pas en revanche de comprendre que dans cette affaire, il faut marcher sur des oeufs, que la réalité est branlante, que ce qui semble évident ne l’est pas nécessairement.
Il n’y a donc au total qu’une chose qui reste : comment éviter que la guerre ne s’aggrave au détriment des ukrainiens, et comment éviter qu’elle ne dérape pour se généraliser à toute l’Europe. Je ne pas certain que la posture des occidentaux actuellement puisse permettre d’aller dans cette direction.
Sans basculer dans un esprit munichois (il faut donc bien un bâton), il est néanmoins temps de discuter avec la Russie d’un aggiornamento des équilibres stratégiques en Europe. Et il faudra permettre à la Russie de revenir à des relations qui s’appaisent et qui visent à une ouverture.
Cela aurait dû être fait plus tôt, mais il est probablement encore temps. Cela ne pourra pas se faire sans se détacher de la doctrine américaine. Les dirigeants européens en ont-ils le courage et la vision ?
© Jean Mizrahi
On savait que ce grand bourgeois ridicule n avait aucune conviction autre que sa petite carriere , on savait depuis ses fanfaronnades au sujet des supposés succes economiques de la macronie qu il mentait comme un arracheur de dents , on decouvre finalement que ce grand coton tige insignifiant veux faire la guerre a l armée russe 😅😅😅😅
J ai une pensée emue pour notre jupiter national , obligé de se coltiner de tels bourricots en guise de ministre , et une autre encore plus emue pour ce pauvre peuple de France qui va en reprendre pour 5 ans ……🥵
Très bon texte de Jean Mizrahi
L’article de M.Mezrahi présente un biais qui disqualifie son argumentaire : il a des intérêts économiques, des amis et des collègues en Russie et Biélorussie, il ne dira donc rien qui puisse leur nuire, bien au contraire.
Beaucoups de phrases et peu de faits…parce que les faits sont têtus :
1/ 1991 : Indépendance de l’Ukraine proclamée,et reconnue par la Russie
2/ 2014 : Annexion de la Crimée à la simple raison d’une forte proportion de russophones ( La France aurait alors des droits sur la Wallonie, et l’Italie sur une partie de la Suisse ?)
3/ 2014-2015 : les Russes aident les russophones du Donbass à s’autonomiser vis-à-vis du pays auquel ces régions appartiennent, c’est-à-dire l’Ukraine.
4/ 2022: Invasion poutinienne ( et non russe) d’un pays démocratique européen de 40 millions d’habitants.
Tout le reste n’est que conjectures et hypothèses souvent fumeuses.