Nidra Poller. Aujourd’hui, with a heavy heart, j’assiste à l’ouverture d’une nouvelle ère
Convoi de la liberté des chars russes
26 février : Ce sont des gens comme nous. Leur terreur se joue devant nos yeux. On peut suivre en direct le discours de leur bourreau aux lèvres tordues par sa haine de la vie. On suivra leur supplice, leur tourment, leur torture, leur mort. On suivra, bras ballants, la chute des villes. Et encore et jusqu’à quand et comment ?
C’était il y a combien de semaines … plus d’un siècle … le fier convoi de la liberté.
Ah, le courage de dénoncer les autorités pires -que -nazis qui imposent des souffrances insoutenables. Le masque. Le passe vaccinal. Qui persécutent sans merci le non-vacciné, le nouveau Juif, poussé brutalement vers les trains à bestiaux, les camps de la mort. Comment mesurer la force de leur résistance contre un pouvoir sourd et aveugle ? Comment accepter la répression brutale de leur combat juste et honorable ? Des tanks sur les Champs Elysées !
On zappe. On est devant le trou béant dans une tour résidentielle à Kyiv. Sur la route, en provenance du Bélarus occupé, une colonne de blindés à perte de vue. Des civils accroupis dans les stations de métro d’une grande ville moderne qu’on découvre comme, il y a deux ans, on avait découvert Wuhan. Des couples s’enlacent, les larmes aux yeux. Des enfants jouent. Des vieux font le V de la victoire.
Ce sont des gens comme nous. Modernes. Libres. Citoyens d’une démocratie naissante, arrachée à la gueule des tyrannies en série. Réduits à courir pour sauver leur vie. Provisoirement. Le bourreau ne cache pas le sort qu’il leur réserve. C’est à pleurer. Mais ce n’est pas des larmes qu’il leur faut, pas de mouchoir, c’est la boussole de la conscience. Des armes pour la résistance, des sanctions contre l’agresseur, l’accueil des réfugiés. Et la boussole.
Car, quand on ne peut rien matériellement, on doit au moins savoir juger. Evaluer. Mesurer la distance entre ce qui se passe là aujourd’hui et ce qui se passera ailleurs et jusque chez nous demain et après-demain. Il faut sortir très très vite la boussole de la décence parce que, après, il sera trop tard pour se rattraper.
Au cœur de notre époque d’incohérence, êtes-vous tombé dans le piège ? Avez-vous pris à votre compte le récit dément de Poutine ? L’OTAN qui le menace comme autrefois nous ont menacés les missiles soviétiques à Cuba. La Russie, victime d’insultes, du mépris et de l’incompréhension. L’Ukraine, russe depuis Kiev et jusqu’à la Crimée en passant par le Donbass ? L’Ukraine, Etat fantoche, marionnette de Washington, de ces Etats-Unis qui ne se sont pas privés de bombarder ça et là et partout où ça leur faisait mal.
Et vous qui me bombardez depuis des mois, m’exhortant à reconnaître votre petit messie, le sauveur de la civilisation. Notre Zelensky qui ne plie pas et votre champion qui hausse les épaules et siffle, « Suis-je le gardien de mon frère » ? Depuis des mois, vous vous laissez aller aux extravagances alors que moi, j’avance prudemment sur un terrain miné, m’interrogeant à chaque pas. Ai-je raison, est-ce que je me trompe, suis-je bernée, bornée, mal informée ?
Aujourd’hui, le cœur lourd, with a heavy heart, j’assiste à l’ouverture d’une nouvelle ère. Avant de la définir, il faut sortir la boussole. Et en étudier les revenances. Ce n’est pas la guerre du Vietnam, ce n’est pas l’anti-guerre contre « l’invasion » de l’Irak de 2003, ce ne sont pas les manifs antisémites et pro-Hamas de 2014. Nous ne sommes pas dans le registre des réprobations contre Israël à chaque fois qu’il se défend contre une agression génocidaire. Ce n’est pas Munich en 1938 non plus. Ce ne sont ni les Ouighours ni les Tutsis ni les Rohingyas. Car ce n’est pas du passé.
C’est le présent inédit qui s’ouvre sur le futur imprévisible. Celui qui a dit « Je ne pense pas que les Russes vont envahir l’Ukraine… je me trompe peut-être » ne sera jamais chef des armées. A mon avis il n’a même pas compris que les Américains, en l’occurrence, répétaient les informations cueillies par leurs services de renseignements. Ce n’était pas des spéculations alarmistes répandues par des va-t’en guerre. Il aurait fallu un brin d’intuition pour saisir la nuance.
Les ultranationalistes populistes bombent le torse et courent vers la sortie. Quitter cet OTAN agressif qui réveille l’Ours endormi. Sortir de cette Union européenne qui nous empêche de parler d’une voix claire car indépendante. Traversons le paysage géopolitique en cavalier seul. Qu’il est beau et héroïque. Libre.
Libre comme l’Ukraine que Poutine a décidé de démembrer avant qu’elle ne puisse trouver soutien et protection au sein de ces alliances.
Pourquoi pas, donc, nommer l’Ukraine membre d’honneur de l’OTAN et de l’UE … Le temps d’une guerre ?
C’est bizarre : on fait des contrats avec la réalité, même aux pires moments où elle déborde et risque de nous emporter. Vous fermez les yeux, vous grincez les dents, vous dites que c’est terrible, Kyiv tombera cette nuit, c’est douloureux mais je ne peux rien, on va tuer le président, massacrer le gouvernement, réduire en morceaux des civils, mais je me dois de ne pas intervenir car ce sera la troisième guerre mondiale et cette fois-ci elle sera nucléaire. Ainsi, vous vous donnez des airs de viril responsable pendant que les femmes pleurnichent et tirent sur la corde sensible.
Celui qui ne croyait pas à l’invasion russe avait dit : « Un président voit au loin et donne à son peuple une vision de l’avenir ». « Loin », ça veut dire la semaine prochaine ou bien le mois d’avril triomphant. Regardez plus loin. On peut laisser tomber l’Ukraine pour toutes les raisons avouées comme inavouables. Et, malgré cela, on peut avoir la troisième guerre mondiale. Le tyran qui décide aujourd’hui de la vie et la mort de ce peuple qui nous ressemble poursuivra son périple.
A-t-on déjà oublié l’assaut contre la Pologne, contre la frontière de l’UE ? A coup de boutoir de réfugiés syriens et assortis ? Boutoir manié par le sbire bélarus. Une fois l’Ukraine gobée, l’Ours sera justement à la frontière de l’Europe. L’appétit vient en mangeant.
Vous êtes où, les nationalistes qui arrosent de leur fureur les minables incapables de protéger nos frontières ? Dites-moi, comment protéger une frontière sans confronter la frontière de l’autre ?
28 février :
Il n’y a pas de liberté collective sans liberté individuelle. Cette liberté intime dont chaque être humain est doué. On naît libre. La résistance ukrainienne n’est pas le printemps arabe, ourdi par des forces tyranniques inspirées de la sharia.
Je ne supporte pas de lire, en bas de l’écran, « Kyiv va tomber », « La chute est-elle inévitable » ? Des messages de défaite. Il leur faut des armes, il leur faut de l’espoir et de la confiance en leur courage. Ce serait quoi, un président qui dirait à son peuple assiégé : Mes pauvres, on n’en a pas pour longtemps ? L’espoir et le courage comptent. La confiance en un peuple qui se défend aura un impact. On ne peut pas faire, penser, dire le contraire. Le mot d’ordre lancé aux envahisseurs russes est clair : go fuck yourselves.
Je ne supporte pas qu’on reprenne à son compte le récit de Poutine. Quoi ? La Russie se défend contre la menace insupportable de l’Otan ? Comme la racaille persécutée par les forces de l’ordre se révolte. Les voyous caillassent, l’Ours bombarde. Je ne supporte pas le fatalisme. J’appelle de mes vœux un sursaut populaire. Une vague humaine comme celle qui a abattu le mur de Berlin. Je rêve de brigades internationales, de jeunes hommes venus des pays voisins pour prêter main forte aux citoyens soldats.
Ce n’est pas l’OTAN qui marche sur les platebandes russes. C’est la démocratie. L’OTAN c’est le prétexte d’un bourreau qui torture un enfant jusqu’à la mort. Le cœur du bourreau est pourri de pulsions meurtrières. Jour après jour il fait subir à l’enfant des supplices abominables en hurlant des reproches. Plus l’enfant souffre, plus l’assassin sévit. Le monstre tue l’enfant en criant à la légitime défense.
Il n’y avait pas de promesse, en 1990, des limites strictes et mutuellement reconnues sur l’expansion de l’OTAN. [ https://melaniephillips.substack.com] La question n’a pas été soulevée (à l’exception du cas spécifique de l’Allemagne réunie).
Et, finalement, la preuve que l’OTAN n’est pas l’agresseur, c’est la force extrême lâchée contre l’Ukraine. Ce n’est pas ainsi que les nations gèrent leurs désirs inassouvis. La fureur du feu et de la ferraille qui s’abat sur l’Ukraine s’inscrit dans la logique du Hamas.
La preuve qu’il s’agit d’une agression totalement gratuite ? Au quatrième jour de l’offensive qui n’a pas encore décapité le gouvernement Zelensky, Poutine nous menace de l’arme nucléaire. On a osé résister, on a imposé des sanctions, on a dit du mal de la Russie : ça mérite l’apocalypse.
Ce serait, donc, le comble de l’incohérence de signer, aujourd’hui, un quelconque accord nucléaire avec l’Iran.
Przemysl : mes racines
On voit, dans les reportages, des réfugiés ukrainiens accueillis à la gare de Przemysl. Mon grand-père paternel a dû passer par là quand il a quitté son shtetl en route pour l’Amérique. Plus tard, ma grand-mère, avec ses cinq enfants, dont mon père, âgé de deux ans, est partie le rejoindre. Elle est là, une belle gare qui date du dix-neuvième siècle. Toujours debout. Et mes racines lointaines, devant mes yeux, se réveillent.
(Attention ! Je n’ai pas suggéré que les Ukrainiens aujourd’hui sont les Juifs d’antan. Je ne fais jamais ce genre de comparaison. Mais dans ces temps d’incohérence, je me sens dans l’obligation de le dire.)
© Nidra Poller
Nidra Poller, née aux Etats-Unis dans une famille d’origine mitteleuropéenne et posée à Paris depuis 1972, est une romancière devenue journaliste, le 30 septembre 2000, par la force des choses, dit-elle, par l’irruption brutale, dans mon pays d’adoption, d’un antisémitisme génocidaire, Nidra Poller est connue depuis comme journaliste, publiée entre autres dans Commentary, National Review Online, NY Sun, Controverses, Times of Israel, Wall Street Journal Europe, Jerusalem Post, Makor Rishon , Causeur, Tribune Juive, Pardès …
Elle rédigea longtemps le vendredi une Revue de la Presse anglophone pour la newsletter d’ELNET.
Elle est l’auteur d’une œuvre élaborée en anglais, en français, en fiction et en géopolitique, dont L’Aube obscure du 21e siècle (chronique), madonna madonna (roman), So Courage & Gypsy Motion (novel)
J’assume la contradiction, ajoute Nidra, me disant romancière mais pas auteure.
Observatrice des faits de société et des événements politiques, elle s’intéresse particulièrement aux conséquences du conflit israélo-palestinien et aux nouvelles menaces d’antisémitisme en France. Elle fait partie des détracteurs de Charles Enderlin et France 2 dans la controverse sur l’Affaire Mohammed al-Durah et soutient la théorie d’Eurabia (en particulier avec Richard Landes).
Elle a fondé les Éditions Ouskokata.
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