Le Dictionnaire du jihadisme de Nancy Hartevelt Kobrin. Traduit de l’anglais par Joëlle Perelberg

Un Dictionnaire du jihadisme, écrit par Nancy Hartevelt Kobrin
traduit de l’anglais par Joëlle Perelberg, et présenté à raison comme « l’outil indispensable aux services de renseignement, à l’armée, aux forces de l’ordre, aux gouvernements et à tout public concerné »

« Le but de ce dictionnaire est d’expliquer le comportement troublant et
terrifiant des jihadistes en mettant la lumière sur leur motivation inconsciente. Que manque-t-il dans leur développement mental qui fait qu’un groupe entier puisse accomplir des crimes si monstrueux, non seulement envers l’humanité mais également envers leur propre peuple, se demande l’auteur Nancy Hartevelt Kobrin dès l’avant-propos…

Le réservoir de leur fureur est issu de problèmes du lien maternel précoce dans les cultures de la honte-honneur— la relation primitive mère-bébé, la première relation dans la vie. C’est le vrai moteur du terrorisme », poursuit-elle, faiant encore remarquer que « tandis qu’il y a eu abondance d’ouvrages sur le terrorisme, peu se sont penchés sur le décodage du sens de ce comportement aberrant des terroristes dans la perspective du développement primitif de l’enfant et ses traumatismes ».

« On doit faire attention à ne pas « mettre une étiquette » sur un groupe entier de personnes mais, étant donné la quantité de destructions, de cruauté, de sadisme et de vengeance qui mène à ces crimes haineux envers l’humanité, je ferai une exception. Daesh, l’Etat Islamiste, m’a aidé à découvrir un diagnostic psychotique limite des jihadistes car leur comportement se situe tellement hors de tout sens moral ou éthique qu’il révèle leur propre psychose. Dans le monde arabe, d’autres en sont conscients et réalisent qu’ils ont créé un monstre qu’il faut maintenant arriver à maitriser. Le Hezbollah, tout comme l’extrémisme iranien, est
aussi criant dans sa volonté gratuite de destruction et, en fait, est un acteur majeur à l’origine de la violence sunnite bien qu’ils soient tous deux chiites. Le manque d’empathie et de conscience de la douleur que causent les jihadistes est encore pire que les attaques terroristes elles-mêmes. Les jihadistes sont incapables de se mettre à la place des autres. Ils peuvent sembler empathiques, mais c’est seulement ce que je qualifierai de pseudo-empathie. »

Merci à Nancy Hartevelt Kobrin de nous avoir confié ce travail en attente de publication: TJ se propose d’en publier « certaines entrées », toujours traduites par Joëlle Perelberg.

Quelques « Entrées »

« J’ai donné quatre volets à chaque entrée des concepts qui comprend la
définition de base, l’étymologie, ( R ) la définition psychologique ( P ) et l’information sur la façon dont cette entrée concerne la pensée et le comportement du jihadiste ( X ) », précise l’auteur.

ASABIYAH (ASABIYAH)
Asabiya désigne l’appartenance à un même groupe ethnique et est synonyme de cohésion sociale, de solidarité, d’esprit de corps et par extension de patriotisme et de nationalisme.

  • R La racine arabe est ayn-sad-ba: lien, du verbe asaba: relier, signifiant solidarité de groupe et loyauté, qui réfère au sens arabe de l’honneur.
    P Dans la culture arabo-musulmane, l’identité de groupe surpasse celle de l’individu.
    La psychologie du groupe est celle d’une entité enchevêtrée, exprimant qu’elle est une culture de honte-honneur.
    X La valeur culturelle de l’asabiya rehausse la fusion de groupe, d’autant plus pour une organisation terroriste dominée par des Arabes. Un exemple de cercle fermé fusionné est celui des zones musulmanes européennes où les infidèles ne doivent pas pénétrer. Cela signifie que l’identité de groupe existe à différents stades de fusion. Il n’y a aucun sens d’indépendance. La pensée est celle du groupe, s’apparentant à la paranoia. Parce que l’asabiya dépend d’un stade de fusion, elle se rapproche avec l’identité de groupe honte-honneur d’où sont issus les terroristes, même s’ils ne sont pas arabes mais des jihadistes somaliens ou d’Afrique du nord ou autres, y compris des convertis qui se sont radicalisés au fur et à mesure qu’ils s’intégraient dans une famille fusionnée. La valeur se transfère facilement au terrorisme. M.Maarouf, dans son essai sur les kamikazes, démontre les liens entrelacés de modèles préexistants
    pour le comportement jihadiste à travers l’infrastructure du martyr suite au dysfonctionnement de la famille par rapport à la mère, la femme dévaluée.

TAQIYYA (DISSIMULATION) (TAQIYYA / DISSIMULATION)
(Voir aussi Kitman / see also Kitman)
Dans la religion musulmane, concept recommandant la prudence au fidèle en l’invitant à dissimuler sa croyance en cas de danger. Taqiyya est un terme générique pour dissimulation recouvrant souvent le terme associé kitman.
Comme écrit dans l’entrée ‘Kitman’, il y a un sous-entendu appelé Hiyal, qui est la science de la tromperie ou de la tricherie légale. C’est « l’art de faire des déclarations ambiguës, acquiesçant du bout des lèvres auprès des autorités alors qu’on pense le contraire, dans une sorte de camouflage politique ou reservatio mentalis. L’utilisation de telles pratiques pour cacher son affiliation religieuse face à la persécution est connue comme taqiyya ».
R De l’arabe wāv-qāf-yā, littéralement: prudence, crainte, se garder (d’un danger).
On pense que le mot taqiyya dérive de la sourate 3:28 du Coran: « Que les croyants ne prennent pas pour alliés des infidèles au lieu de croyants. Quiconque le fait contredit la religion d’Allah, à moins que vous ne cherchiez à vous protéger d’eux.
Allah vous met en garde à l’égard de Lui-même. Et c’est à Allah le retour. (illā an tattaqū minhum tuqāt).
P Ainsi taqiyya implique mentir et des quantités de tromperie sanctionnées par la société. C’est une concrétisation du mensonge pris à l’extrême. C’est un symptôme connu du désordre de la personnalité borderline.
Le mensonge est considéré comme une adaptation aux effets de la honte – mentir pour protéger le self fragile. A nouveau, il est donné « une bonne tournure » au comportement aberrant du mensonge élevé à être une idéologie religieuse. En étant « concrétisé » par une idéologie, cela justifie le comportement aberrant d’un self fragile grandi dans le groupe honte-honneur. Rappelez-vous – c’est le monde à l’envers – ce qui est bien est mal, et ce qui est mal est bien. En outre il est important de souligner la dimension de la paranoia qui fait surface à travers le fantasme et
l’émotion au coeur de la peur omniprésente. Alors que l’étymologie ci-dessus indique la notion de « prudence », cela semble plus proche de l’émotion de la paranoia d’être en permanence suspicieux de l’autre, et de là, le besoin de mentir. Taqiyya veut dire une très profonde scission de la personnalité.
Cette stratégie idéologique islamique a été comparée à celle du temps des Marranes – les Juifs obligés de se convertir au catholicisme en développant un faux self pour l’extérieur de façon à se protéger de l’arme vicieuse et violente de l’Inquisition.
Cependant la comparaison tombe à plat et est fallacieuse puisque, à la différence des Juifs, les Musulmans sont venus en Espagne pour le jihad et ont conquis par la violence de vastes étendues de la péninsule ibérique.
X Pour les jihadistes, l’idée de taqiyya est prise au plus haut niveau possible, le plus extrême, au point de se tromper eux-mêmes. Mentir est enraciné de façon permanente dans la personnalité jihadiste. Cela révèle les états mentaux primitifs où la réalité est niée et manipulée à travers la création du violent fantasmatique afin de satisfaire aux besoins pervers et sadiques des membres indifférenciés à l’intérieur du self de groupe fusionné régressif. Bion appelle cela ‘des pensées sans penseur’. Les jihadistes peuvent apparaître comme si ils étaient des penseurs mais leurs pensées sont vides de sens. Bion a écrit: « Si nous nous préoccupons des maladies physiques, il nous faut apprendre le langage avec lequel le corps parle. L’animal humain, à la différence des autres espèces, peut mentir et a eu probablement une grande pratique du mensonge et de la désinformation depuis un stade précoce car les sentiments de culpabilité (je veux dire des sentiments de honte) accélèrent une prolifération de la capacité de
mentir et tromper. »
Dans son essai « Comment taqiyya modifie les règles de l’Islam dans le terrorisme jihadiste des guerres perdues » Raymond Ibrahim décrit la raison d’être de ce comportement. Ce n’est pas juste une dissimulation comme les leaders islamiques le laissent entendre lorsqu’ils soulignent combien ils sont « persécutés », alors que taqiyya est « une tromperie active ». Ibrahim présente l’exemple de taqiyya à travers le cas du jihadiste Ali Mohamed. Il était l’un des hommes de Ben Laden et a été longtemps actif dans Al-Qaida. De nationalité égyptienne, initialement il était membre du jihad islamique et a servi dans l’armée égyptienne pour l’intelligence militaire. Après 1984, il a travaillé un certain temps pour la CIA en Allemagne.
Considéré alors comme non digne de confiance, il s’est débrouillé pour aller en Californie où il s’est engagé dans l’armée américaine. Il est possible qu’il ait continué à travailler d’une certaine façon pour la CIA. Plus tard il a entraîné des jihadistes aux Etats-Unis et en Afghanistan et s’est trouvé derrière plusieurs attaques terroristes en Afrique. Les personnes qui le connaissaient le regardaient avec « peur et admiration pour son incroyable confiance en lui, sa capacité à ne pas se laisser intimider, sa détermination absolument impitoyable à détruire les ennemis de l’Islam, et sa croyance zélée dans les principes du fondamentalisme de l’islamisme militant. » En
effet, cette phrase résume tout: sa croyance zélée dans les principes de l’Islam, qui légitime la tromperie afin de mettre la parole de Dieu au-dessus de tout, jouait un rôle important pour créer son « incroyable confiance en lui » lorsqu’il mentait.


TERRORISME ISLAMIQUE ANTISÉMITE (ISLAMIC ANTISEMITIC TERRORISM)

  • R Antisémite: préfixe anti: contre + de Sem, l’un des fils de Noé dans la Genèse, ancêtre des peuples sémitiques + suffixe isme, servant à former des substantifs correspondant à un comportement ou une idéologie; 1881, de l’allemand antisemitismus, utilisé en premier par Wilhelm Marr (1819-1904), un Allemand radical, nationaliste et agitateur racial, qui a fondé Antisemiten-Liga en 1879. Par l’étymologie ne se restreint pas aux théories, actions, politiques anti-juives, mais pourtant toujours utilisé dans ce sens. Le terme ‘antisémite’ est apparu en 1881 en anglais dans un article faisant référence à la littérature allemande. L’antisémitisme islamique apparaît dans le Coran.
    P Le terrorisme islamique antisémite peut être décrit en termes psychologiques comme issu de la haine de la femme, qui devient la féminisation de l’autre comme objet haï, avec le Juif au coeur de la tempête idéologique islamique.
    X Terrorisme islamique antisémite: Thackrah fait remarquer qu’il existe de nombreuses définitions pour le terrorisme mais qu’aucune d’entre elles n’est adoptée internationalement. On peut trouver la trace du terrorisme antisémite islamique en 627 après la bataille de la Tranchée où le prophète Mahomet décapita les hommes.
    Ceci est peut-être contesté par certains, mais aujourd’hui les jihadistes perpétuent le chant de mort: « Khaybar, ya yahud, Jaish Muhammad, sa yahud » (Juifs, souvenez-vous de Khaybar, l’armée de Mahomet est revenue). Les Juifs sont comme un fruit qui pend aux branches basses d’un arbre, faciles à atteindre pour la tuerie jihadiste. La liste est trop longue pour être citée ici, mais la raison à considérer pour l’antisémitisme islamique et son terrorisme est qu’il stabilise la personnalité violente fragile du jihadiste par construction. Le prophète Mahomet a largement emprunté au judaïsme au début de ses prophéties avec l’espoir de convertir les Juifs.
    Comme cela n’a pas marché, cela a été pour lui une blessure narcissique grave, et l’Islam, après avoir été la religion de la paix, a évolué pour devenir celle du jihad violent, en particulier en visant les Juifs, afin de détruire l’évidence que la judaïsme était arrivé le premier et n’ayant pas perverti la Torah comme cité dans le Coran.

BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR

Le Dr Nancy Hartevelt Kobrin a débuté sa carrière académique après
avoir obtenu un doctorat en littérature comparée sur le thème de la littérature islamique de l’Espagne médiévale, en particulier aljamia, c’est-à- dire l’espagnol ancien écrit avec l’alphabet arabe. Auparavant elle avait étudié le ladino avec le professeur David Romey, z’’l, à Portland (Oregon). Analyste diplômée par l’Institut de Psychanalyse de Chicago et experte en
traumatologie, elle a enseigné et supervisé les résidents en psychiatrie à
Minneapolis, où elle exerçait en privé.
Après les attaques terroristes du 11 septembre, elle a été contactée par l’armée des Etats-Unis au sujet de ses travaux sur le lien entre la femme
dévaluée et l’attaque suicide jihadiste. Elle a été invitée par les militaires et
les forces de l’ordre à faire des conférences sur l’Islam radical et à mener
des interviews parmi les Somaliens emprisonnés au Minnesota. Elle est
également diplômée de programme Human Terrain de Leavenworth
(Kansas), qui dépend de l’armée américaine.
En 2010, le Dr Kobrin – psychanalyste, auteur, conférencière, arabiste
et experte en contre-terrorisme – a émigré des villes jumelles de
Minneapolis / Saint-Paul vers Israël, où elle continue ses travaux. Elle est
titulaire d’un poste académique en tant qu’experte externe en Jihadisme à
l’Université de Grenade (Espagne).

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4 Comments

  1. Chère Sarah
    merci d’avoir accepter de produire ces pages du livre traduit par mon amie Joelle Perelberg – c’est ainsi une première approche et permettra à tes lecteurs de mettre au clair certaines idées en attendant la publication du Livre. très important pendant les périodes traversées. amitiés

    • Merci Monique. J’ignorais vos liens et ils ne m’étonnent pas… Vois-tu les chemins parfois: notre auteur Nidra Poller a un jour dans une de ses chronique mentionné cet auteur. Du coup j’ai publié ce que signifie « se fiancer » dans le vocabulaire jihadiste. En passant par l’auteur, et sa traductrice. Le Dictionnaire attendant la Préface que fera Alexandre Del Valle trouve ainsi une audience méritée. Cerise sur le gareau: Nancy vient de me le confier … en hébreu. Amitiés. Sarah

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