« L’Indifférence et autres horreurs. Récits », l’Oeuvre de Richard Rossin

L’indifférence et autres horreurs, sous-titré Récits au pluriel, de Richard Rossin,  frappe d’emblée par son titre.

Richard Rossin, co-fondateur de Médecins du monde, entreprend, nous dit la quatrième de couverture, de nous montrer comment, à travers des récits d’événements vécus de près ou de loin, la malédiction de Caïn se renouvelle concrètement, dans une dizaine de situations géopolitiques concrètes et touchantes, dans l’indifférence de ceux qui sont censés incarner le bien.

L’auteur a entrepris de nous raconter « des histoires » qui lui ont paru didactiques. Histoires vécues de près ou de plus loin, mais qu’il a remaniées sur le seul plan du romanesque, pour s’approcher davantage encore du réel, précise-t-il.

Après une dédicace à son premier cercle et un hommage à ses amis de MSF et de Médecins du monde, à ceux du Darfour toujours en lutte, après avoir cité Élie Wiesel , Le vrai danger, mon fils, se nomme indifférence[1], puis René char : La lucidité est la blessure la plus proche du soleil, Richard Rossin nous percute en ouvrant l’opus par La Conscience de Hugo, claque magistrale, texte bouleversant et Ô combien interpellant alors que jamais le mot conscience  n’apparaît, illustré qu’il est par cet œil fixant Caïn à jamais.

L’auteur a scindé son ouvrage en deux parties intitulées respectivement Sous l’œil de Caïn. Récits. Et La parole de Caïn. Réflexions.

Je me suis mis à la place du bourreau, explique Richard Rossin, parce que, dans mon expérience, j’ai vu des victimes qui sont devenues des bourreaux, et que dans l’être humain, il n’y a pas d’un côté le blanc et de l’autre le noir, et j’oserais même dire que je ne suis pas sûr qu’il y ait du gris…

Dans l’un des Récits de Caïn, Les pierres du Soudan, l’auteur s’efface au profit d’une narratrice et le lecteur comprend vite comment et pourquoi l’auteur n’est plus le narrateur. Un même paragraphe angoissant introduit le texte et le clôturera : la narratrice se sent étreinte par la terre plus encore que par la crainte. Devant elle, une foule, une foule de pieds, des pieds sales, nus ou vêtus de sandales, au-dessous de djellabas agitées par le vent.

La vie était simple au Soudan. Un jour la fillette fut mariée un jeune garçon qui lui expliqua qu’ils étaient les oubliés du développement et que leur gouvernement islamiste marginalisait les noirs. Son jeune époux lui parlait d’autres façons de voir la Loi, il parlait d’un mouvement de libération. Nous étions heureux, et puis un jour sont tombés de très haut des fûts lourds, qui explosèrent au sol et embrasèrent les maisons, firent des animaux et des hommes des torches vivantes.

Seule survivante,  elle finira par être rattrapée par la barbarie et tuée dans des conditions atroces. Les hommes nous ont abandonnés : ainsi finit le chapitre. 

Le narrateur du chapitre intitulé Ancre de Chine est un moine tibétain. Le cadre est posé : un grand rectangle limité par des murs hauts,  surmontés de frises de barbelés maintenus par des sortes de V métalliques ouverts vers le ciel comme deux bras en prière tenant en leur cœur des couronnes d’épines. On ne peut entrer ou sortir d’ici que par une lourde et large porte blindée. […] Fuir serait un suicide mais à l’intérieur l’espoir est absent.

Il évoque le procès : une parodie. Sans défense. Moine tibétain, j’étais coupable par définition. En Chine, l’idée politique hors de la pensée du parti est un délit. C’est la démocratie des communistes. Alors ils m’ont jeté dans une prison.

Le narrateur explique avoir suivi le dalaï-lama à travers le monde : En Occident, j’avais rencontré beaucoup de monde. Les plus étonnants étaient les écologistes… Il se différencie d’eux : pour nous, la terre n’est pas une déesse, c’est notre lieu de vie. J’ai trouvé les écologistes bien orgueilleux d’imaginer que nous puissions avoir une influence aussi grande et rapide sur l’ordre de la nature que celle qu’ils proclamaient. C’est une pensée de riche qui juge à son aune égoïste. J’ai été choqué par leur violence, la colère est un mauvais sentiment. Le narrateur rapporte les témoignages des Tibétains aux occidentaux : ils avaient de l’empathie pour nos souffrances et de l’indignation contre l’injustice dont nous étions victimes. L’indignation est une maladie occidentale et elle est vaine. Le dalaï-lama a été reçu en grande pompe par les chefs d’État les plus grands. Mais je n’ai pas senti de changement ni dans nos conditions de vie, ni dans l’ordre du monde. Personne n’est venu à notre secours. Je devais être naïf pour avoir de l’espoir. En tout cas, maintenant, je sais que le monde sait. Le monde sait mais je crois que cela ne change rien. Ils courent tous après un autre Dieu, l’argent.

Pour nous la situation est devenue terrible depuis qu’il n’y a plus qu’une seule façon, officielle, de vivre et de penser et que l’idée religieuse n’est plus tolérée.

Celui de Noces à Canaan nous fait traverser Jérusalem, jamais nommée. Il a dix-sept ans. C’est là que sont nées mes certitudes et où vivent ma petite sœur et ma mère, dit-il. Tel un guide que nous aurions tous envie de suivre, il commente, déambulant dans sa cité sainte de laquelle il narre odeurs, ambiance, Histoire, sentiments, les aimants Dieu,  se dirige vers le marché M’ahane Yéhouda, changera de bus lorsque l’excède la présence d’un jeune Juif portant ses payès, ces longues papillotes de cheveux […]: Je ne veux pas rester jusqu’au bout avec lui. […] On sent comme une préoccupation permanente flottant dans l’air, comme un fond permanent de crainte. Malgré cela, les hommes et les femmes donnent l’impression d’une assurance insupportable, comme des maîtres du monde. […]   Il prend place sur une terrasse de café à Ben Yéhouda.  Explique que la haine monte en lui : Je veux les tuer tous et que ceux qui survivent meurent de peur : il se lève, crie Allah est grand, appuie sur le bouton. C’est lui qui relatera les retombées de l’attentat suicide qu’il aura perpétré.

Et ainsi de suite, pourrais-je écrire, listant le chapitre consacré au Darfour, puis ceux qui emmènent le lecteur au Kurdistan, sur la mer de Chine, à Auschwitz, mais encore au Conseil des Droits de l’homme ou dans la banlieue parisienne, mais d’ordre il n’y a point, et un parti-pris d’écriture s’impose à tout instant au lecteur, qui ne cessera de se demander si Je n’est pas toujours Richard Rossin. Si Oui, c’est que Diable la chose est donc possible : être tous ceux-là dans un même être, la victime et le barbare.

Le kurde devenu peshmerga au nom de l’idée de liberté, et peut-être, par romantisme ne nous dit-il pas : Si nous avons été victimes, nous ne sommes pas tout blancs non plus : des Kurdes par le passé ont massacré pas mal de chrétiens et ont participé au massacre des Arméniens… Et le même, relatant le gazage de villages kurdes par Saddam Hussein, n’ajoute-t-il pas, évoquant ces jeunes Allemands de la rose blanche, qu’il existe, dans les périodes les plus noires, des lueurs d’humanité qui tentent de briser l’indifférence. Et queceux-là, on les appelle des mensch en yiddish. Des Hommes majuscules. 

Tous les narrateurs ont en commun une histoire, mais encore un lieu d’énonciation toujours tragique mais identique : souvent ils sont une loque étalée sur le sol, toujours les images se brouillent dans leur tête à la fois raisonnée et démantelée : juste la force encore de témoigner. Et toujours ce même constat, amer : Nous fûmes de la monnaie de singes.

L’écriture, poignante et sobre, ne laisse pas de donner à relire certains passages dont la qualité littéraire saisit le lecteur. Un lecteur qui voyage au gré de souvenirs comme obsédants de Rossin, qui se livre parallèlement à un agencement rythmé : le narrateur de L’ indifférence déchirée se souvient, par un jeu de palimpseste, avoir raconté l’histoire de son ami Simon aux jeunes élèves du lycée Voltaire à Paris : Simon, rencontré en Pologne, là où il fut tatoué. D’un numéro qu’il avait dû apprendre par cœur et en allemand. Avant de revêtir un uniforme rayé. Simon qui avait trouvé un peu de charbon, s’était dessiné une mèche noire sur le front et une petite moustache verticale, étroit et ridicule sur la lèvre supérieure. Simon qui s’était déguisé : Hitler était pendu face à nous et nous ne pouvions pas rire. […] Témoigner était notre crédo, notre seul objectif, pour après la Victoire. Mais lorsque j’avais voulu témoigner, longtemps, personne n’avait voulu m’écouter et je me suis très longtemps tu.

Et s’en suivront ainsi les narrateurs – chirurgien de MSF d’Une île sans lumière, qui se souvient, lui, de l’île de lumière, ce cargo affrété en bateau-hôpital lors de l’exode des boat-people, en 1979 : La fuite en masse de citoyens devenus les sujets du nouveau Vietnam formant le peuple des bateaux… Notre Président ne fut pas à la hauteur de la France mais à celle de l’indifférence de l’État face à la souffrance, écrit celui-là en évoquant Minh, l’infirmier de nuit, qui, épuisé, s’endormait et qu’il réveillait car il n’était pas possible de laisser les malades sans surveillance : Le pire fut le jour de notre départ. Il m’avait pris dans ses bras. Les Vietnamiens ne font jamais ça avec un étranger. Il m’a dit qu’il espérait devenir un type comme moi. La gêne et une incroyable envie de pleurer m’avaient inondé. Où est-il aujourd’hui ? Nous avons su ce que pensaient les réfugiés. 

Ce narrateur encore qui, nous contant comment la blague la plus commune au Biafra était de commander un demi Biafrais, poursuit : Sauf, que moi, je l’ai connu, le demi Biafrais. Il s’appelait Paul et je pense souvent à lui. Je ne sais toujours pas très bien pourquoi la situation dans ce pays m’avait été si physiquement insupportable. La souffrance qui s’étalait là me minait. Il convoque Camus : Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente. Qui s’intéressait encore à l’honneur, questionne-t-il, se remémorant Paul. Et puis Yabo. Qui, eux, étaient restés.

Il insiste : le sort de chacun est l’affaire de tous. La responsabilité de tous. Contrairement à Caïn, nous sommes les gardiens de nos frères. Je n’étais pas indigné, précise-t-il, j’étais révolté. Il se demande pourquoi la situation dans ce pays lui avait été si physiquement insupportable, le minant. Il parle de rage qui le prit, et pense que les réminiscences du génocide des juifs avaient joué un rôle. Quand la barbarie prend l’Afrique, elle est au-delà de l’imaginable et ce n’est évidemment pas la situation humanitaire qui détermine les prises de position des Etats, rappelle-t-il, appelant à la rescousse colonialisme, appétits des uns et des autres pour les richesses du pays. Surtout le pétrole. Personne ne venait en aide au peuple biafrais. Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire, avait écrit Albert Einstein. Le monde n’a pas été détruit mais le Biafra a disparu.

Et puis, plus proche de nous, voilà le narrateur vigile à Genève, au Palais des Nations. Il nous parle de Salma, arrivée clandestinement du Darfour avec quelques réfugiés africains après le cataclysme politique qui s’était abattu sur son pays : Salma venait souvent devant le Palais dans l’espoir d’apostropher et d’intéresser un des délégués du monde qui s’occupe de la misère des autres. Salma tentait d’apostropher les fonctionnaires des Nations Unies sur les souffrances de son peuple. Mais le fonctionnement du Haut-Commissariat aux Droits de l’homme, ses préoccupations et ses condamnations ne relèvent que d’alliances politiques des Etats membres qui évidemment ne se condamnaient pas eux-mêmes. Avec un collègue, nous nous inquiétons de ne plus revoir Salma.  Elle qui venait avec un petit étal de lunettes qu’elle proposait aux délégués pour qu’ils voient mieux le monde,  les souffrances des Darfouris, la barbarie du gouvernement soudanais, la distance abyssale entre les valeurs des Nations Unies et ces membres de l’Organisation. Qu’était devenue Salma ? Était-elle retournée au Soudan, hors du regard du monde, rejoindre les siens dans ce qui n’est plus une histoire mais un destin ? J’espère qu’elle n’est pas morte au détour d’un camp en allant chercher du bois mort ou dans un bombardement de l’armée soudanaise soutenue par les Russes, les Arabes et les Chinois, e, finalement tolérée par les autres.

Arrive la narratrice du feu en banlieue. Fille de kabyles. Qui rêve d’aller à l’Université. Que ses camarades musulmans regardent d’un œil mauvais : ils lui reprochent d’être intégrée. Et puis Mokhtar. Qui s’est mis à organiser de petits vols. Qui surfe avec une indifférence souveraine sur la souffrance des autres. La narratrice décrit la vie dans ces cités où les caïds font la loi. Où les habitants sont terrorisés, les pompiers caillassés et les filles qualifiées de putes sauf si elles sont protégées par leur frère ou par la bande. Dans cette cité, lorsque s’ouvrit le Procès des assassins de Sohane, les garçons ovationnèrent Djamel jusque dans la salle de la Cour d’Assises. La narratrice rompt avec Mokhtar. Ce qui lui vaudra une tournante. Puis l’acide que Mokhtar lui jettera sur le visage. 

Quelque 190 pages et 11 chapitres précèdent une cinquantaine de pages et 12 chapitres consacrés à la parole de Caïn, témoin éternel. Caïn, que sa malédiction éternelle a placé en témoin, explique : Et je regarde. Je ne juge pas, simplement je garde les yeux et le cœur ouverts : je suis un œil au-dessus des hommes parmi lesquels je vis. Je suis partout et toujours, j’écoute les plaintes et les histoires. Je n’ai pas le droit de m’indigner. Sans cesse je traîne ma lourde légende. Un poète, bien plus tard, est entré en mon cœur, il m’a nommé la conscience. En le lisant j’avais pleuré. […] Devant le spectacle du monde, je me demande si je suis le seul Caïn. 

Et Caïn, Voix de la conscience,  de commenter à son tour ce qui nous a été relaté, des notes de bas de page venant rappeler à raison les situations évoquées : Peut-on y croire ? Et pourtant je les ai vues, les pierres du Soudan. 

Et Caïn de s’interroger. Alors que la jeune soudanaise fut enterrée sans prière, les pilleurs et les violeurs survivent sans remords. Il se demande pourquoi lui devrait être le maudit. Il se raconte. Explique que La douleur d’autrui est toujours plus aisée à supporter que la sienne. Il évoque à présent le moine tibétain d’Une Ancre de Chine. Caïn, poursuivant, en guise de paratexte délibérément inséré en une deuxième partie, commentateur autonome, parti-pris de l’auteur qui lui permet d’évoquer les indignations, mais encore les explications géopolitiques discutables, voire spécieuses, la realpolitik… Caïn qui évoque Abel : Je crois que je l’aimais. Nos parents nous enseignaient ce qui était bien et ce qui était mal. Caïn qui explique le ressentiment qui enfla en lui. Qui devint une colère. Colère qui l’aveugla. Telle celle qui entraîne le jeune terroriste à se faire exploser quand passa une petite fille avec une visionneuse rouge. Caïn qui nous dit comment on cherche à expliquer. A minimiser. A relativiser. Qui cherche des explications à la colère. Raconte sa lutte contre elle. Qui tua son frère parce qu’il trouva son sourire narquois : Depuis, je vois souvent le regard étonné de mon frère qui me fixe parfois le jour, souvent la nuit, pendant mon sommeil. L’œil de mon frère. Caïn qui évoque ces hommes en colère parfois manipulés par une idéologie mortifère : Ces générations d’assassins. Les plus fous étant ceux qui croient entendre Dieu. 

Les folies des hommes sont nombreuses, les plus importantes sont l’orgueil et l’indifférence. Sur la terre, les hommes s’adonnaient à toutes sortes d’égarement. Indifférence et iniquités régnaient. En mer de Chine, des réfugiés, tout un peuple sur des bateaux de fortune, j’ai rencontré un médecin éternellement révolté… Ces médecins qui allaient avec conscience au secours de leurs frères tentaient probablement de réparer mes errements et s’adressaient, au-delà de leur action, au monde entier. Ils ont agi et mis sous les feux de l’actualité une île sans lumière. Une île sans lumière.

Caïn qui interroge : Les hommes droits n’engendrent pas que des hommes bons et justes. […] le consensus en pensée unique est un danger mortel. Sans diversité d’opinion, une société peut-elle être libre et égalitaire ? Que peut signifier l’égalité entre les hommes en dehors de l’égalité de droits et d’abord le droit de penser ? Pourtant, même dans ce monde réparé de la pensée unique, les yeux ronds d’enfants affamés du Biafra, comme l’œil qui partout me suit, regardent sans comprendre et s’invitent à l’heure du dîner sur les téléviseurs. Personne ne veut rien voir. Chacun tente de se protéger avec le rire ou l’indignation stérile. 

En conclusion, sombrement lucide, Caïn-Richard Rossin rappelle qu’il n’y a pas d’innocence ontologique. Qu’Il n’y a pas d’acte ou de parole ni de silence innocent. Qu’Il ne reste qu’à tenter de se comporter le plus justement possible. 

Caïn évoquant encore cet être croisé qui affirmait que ne rien faire, quand il y a des assassinés, rendait coupable et qu’ainsi, il n’y avait pas d’innocence possible : Il n’avait pas de remords comme moi. Aucun œil ne le tourmentait perpétuellement. Il avait participé à la création d’une de ces innombrables associations où l’on s’englue de bons sentiments sans aller plus loin et de palabres interminables pour en arriver à faire un peu n’importe quoi au nom de l’impression abusive d’être bon. Il est dans une posture d’indigné qui met son indignation au profit de l’image qu’il voudrait avoir de lui… Face à la souffrance d’autrui, les choses sont plus compliquées que l’indignation, même militante. Caïn parle d’une indifférence intrinsèquement bruyante. 

Mais si Chacun de nous peut changer le monde, selon Vaclav Havel, la jeune fille darfourie qui essaya vainement à Genève d’ouvrir les yeux des délégués de ces Nations unies en leur proposant des lunettes restera la petite marchande de lunettes.

Il y a plusieurs façons de lire le livre de Richard Rossin , écrivait mon ami Pierre Lurçat, évoquant à raison la possibilité réductrice d’une lecture linéaire, sorte de litanie de l’horreur contemporaine.  

Il n’en est à notre sens qu’une, celle qui part du poème de Hugo, et nous oblige : Dans La Conscience, extrait de La Légende Des Siècles, recueil où Hugo réaffirme sa foi en l’Homme qu’il croit capable d’un immense mouvement d’ascension vers la lumière, le poète, en faisant naître de la culpabilité, des remords et une conscience jusque-là absents dans le mythe originel, humanisait Caïn et faisait de lui un emblème de l’Humanité.

Rossin, en convoquant cete figure biblique, compose une Œuvre qui nous oblige à recevoir de front les Mémoires du co-fondateur de Médecins sans Frontières, cette forme de bilan, de témoignage et d’introspection, les doutes de ce témoin majuscule de son siècle, mais encore nos échecs et lâchetés à tous, in fine gagnés par la tentation de l’indignation stérile et par cette horreur nommée Indifférence.

Figure d’une vie sur le terrain, médecin qui s’est engagé pour les hommes et non contre les drames, Richard Rossin, s’il nous met encore en garde contre ces idéologies assassines auxquelles nous succombons, nous amène encore à interroger cette régression d’un monde dont les drames humains sont tous conséquence de sociétés à la dérive. 

La référence essentielle à Caïn prend alors tout son sens par le fait qu’il pose la question éthique de savoir s’il est le gardien de son frère.

Qui sont les victimes et qui sont les bourreaux ? Les choses sont toujours moins faciles qu’il n’y paraît au simple élan naïf du cœur. Voilà qui nous oblige à changer de logiciel, l’auteur nous offrant, forme de transmission intrinsèque au judaïsme, ce message essentiel: Ne pas transmettre est tuer, faire disparaitre de l’Histoire et donc des Hommes pour une seconde fois.

Sarah Cattan


L’indifférence et autres horreurs. Richard Rossin. Editions Balland. 2021

Pour rappel : Des édits d’expulsion des Juifs de France. Editions BoDet. 2021

Richard Rossin est Docteur en médecine ; ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique assistant des hôpitaux de Paris. Ancien Secrétaire Général de Médecins Sans Frontière. Cofondateur de Médecins Du Monde. Cofondateur du Comité Un bateau pour le Vietnam. Membre de l’American Association for Ethiopian Jews. Ancien délégué général du Collectif Urgence Darfour. Ancien Vice-Président de l’Académie Européenne de Géopolitique. Conseiller du Président du Mouvement de Libération du Soudan. Ancien Président du Mouvement Contre le Terrorisme et pour la paix.


[1] In Le Testament d’un poète juif assassiné.

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1 Comment

  1. Quand on rend hommage aux « MSF… Médecins Sans frontières ou Sans Foi ? Pour prendre le narratif du hamas à la lettre et propager le mensonge et le désinformation dans le monde contre israël, quelle serait la qualité de vos récits Mr. Rossin ?

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