Zemmour « antirépublicain »? Brûlot vallsien ou barrage incantatoire de l’ancien Premier?

Se mêler de la campagne quand on a fait le deuil de l’action politique ?

Selon Manuel Valls, maintenant chroniqueur sur diverses chaînes de radiotélévisions, Eric Zemmour « ment » effrontément. Mais il convainc une frange de plus en plus sceptique de l’opinion, et s’avère dangereux pour ses adversaires idéologiques et/ou électoraux les plus directs.

La plume de Valls surgirait comme un cavalier au bout de la nuit pour venger tous ces idéologues interdits, éberlués, ne parvenant plus à trouver les mots crédibles, face au succès relatif de « Z » : le danger ne serait pas qu’il l’emporte, mais plutôt qu’il ne constitue un courant durable et contagieux, au moins au niveau des idées qui passent dans le subconscient collectif, si on suit le raisonnement de l’ex-homme politique franco-barcelonais.

Il n’est pas dit qu’il parviendra au second tour, mais Valls est certain qu’il marquera des points dans la construction d’un bloc qualifié de réactionnaire aux législatives.

Le principal coup de dés se joue peut-être face à Marine Le Pen, qu’il menace à tout moment de déborder par la droite, et vis-à-vis de Valérie Pécresse, en étant plus dynamique, libéré des contraintes partisanes qu’elle, même flanquée d’Eric Ciotti, le Monsieur Sécurité de la droite classique.

Or, que constate-t-on ?  

Fissures au Front :

Sur le plan des idées, plutôt que de le combattre, comme autrefois le fameux « Front Républicain » anti-Le Pen, c’est plutôt l’inverse qui se passe : voilà que d’autres candidats puisent au Zemmourisme, comme autant de pâles copies d’un « original » (il n’est pas issu du sérail) : Zemmour semble sorti de nulle part, est difficilement classable, sauf à dire des « gros mots » comme « le Polémiste d’Extrêmmme-Droate », et ainsi de suite. Précisément, son parcours, ses origines-mêmes disqualifient comme par avance toutes les tentatives de le réduire au silence par estampillage. Ce qui marchait avec d’autres ne fonctionne plus…

Le livre-argumentaire de Valls n’en devient que plus « urgent », même s’il demeure l’incantation à un « combat » qui pourrait paraître anachronique, comme usé jusqu’à la corde.

Il semble qu’il n’y ait personne ou presque pour lui faire front dans la sphère politique, en panne de renouvellement du débat. D’où cette sortie livresque au débotté (ou « à point nommé »), à quatre mois de l’échéance présidentielle.

Ni gauche ni Droite, Z, la « troisième voie » qui zigzague?

Ne parlons pas de la gauche, décrédibilisée, en pleine impasse historique, à en croire l’ancien Premier Ministre de François Hollande.

Cette perte de crédit est idéologique et va bien plus loin qu’une panne électorale au démarrage, comme s’enlisent ceux qui s’y risquent, d’Anne Hidalgo, à la dernière sortie du chapeau, la grande prêtresse vaudou de la « Réconciliation » : Christiane Taubira. On peut même s’interroger pour savoir si la course en tête, faite à gauche et son extrême, par Jean-Luc Mélenchon, ne sert pas de levier à la « droite de la droite » intellectuelle pour faire triompher certaines idées réputées « sulfureuses » : le simple mouvement action-réaction amène une droite plus dure à porter la réplique à une gauche de plus en plus « Woke », « islamogauchiste » et d’autant plus « décentrée ». Si la droite de la droite n’est plus tout à fait considérée comme partie intégrante de l’hémicycle démocratique, sinon qu’elle participe, « borderline », du même processus électoral, par effet-miroir, peut-on dire que cette « gauche » sectaire serait, elle, encore « républicaine » ? Ou doit-on la loger à la même enseigne de « l’extrême » ?  

Ce naufrage concerne aussi bien l’absence de réponse sociale qu’identitaire, ce pour quoi Manuel Valls en appelle les autres candidats « fréquentables » à un réel contrat de confiance à refonder : à condition d’être particulièrement exigeants sur les valeurs.

Le grand écart, impossible à droite

Et c’est à ce front -dont il ne pourrait plus que rêver- que servirait la dénonciation des thèmes agités par l’épouvantail Zemmour. En quelques mots brefs : Zemmour, comme le Joker, réduirait le front républicain d’antan à l’état de ruine, justement parce qu’il parviendrait ou risquerait de parvenir, à l’inouï depuis 1945 :

  • Ressouder les rangs de l’ancienne extrême-droite, diabolisée jusque sous Jean-Marie Le Pen, plus ou moins respectabilisée sous sa fille Marine, mais toujours infréquentable, précisément pour des raisons historiquement fondées dont elle hérite malgré elle,
  • et la droite « classique » ou d’origine gaulliste, figure impériale de la lutte contre le Nazisme à Londres et dé-constructeur du Colonialisme française en Afrique, que le Grand Charles a réduite à l’état de puzzle géopolitique quasi insignifiant.
  • Les thèmes qu’il manipule n’ont pas vocation à dire le vrai -comme les Crétois, c’est un « menteur »-, mais à servir de mots-clés, de mots-valise et de raccord in extremis, entre deux pôles inconciliables du politique, jusqu’à son apparition…

La nouvelle coqueluche de la droite intellectuelle se ficherait comme d’une guigne d’être ou non « cohérent ». Il mêlerait la provocation à l’idéal du repli sur soi. Mais le déclarer « Antirépublicain », dans sa présumée manipulation de l’histoire, de Dreyfus à Vichy, en passant par les lieux de sépulture des victimes juives de la dernière vague d’islamo-fascisme, ne suffira pas et c’est un peu comme traiter ce Berbère Juif « d’antisémite » : on risque de tomber à plat devant « l’évidence du contraire ».

Eric Zemmour surferait sur « l’insécurité culturelle » chère au regretté Laurent Bouvet (cofondateur du Printemps Républicain). Il serait le symptôme « de nos échecs passés » (dixit MV). Le voilà même consacré champion d’un « Antihumanisme » et par extension : « antirépublicain ». Mais le démasquer sous ce jour est encore peu efficace : en effet, il sait aussi prendre des accents gaulliens, à réécouter la bande-vidéo de lancement de sa campagne, en forme de « Ici Radio-Londres ».

  • Même s’il agite tous les hochets dont se sont distraits les antidreyfusards d’avant-Première-guerre-mondiale,
  • même s’il faisait se retourner le Maréchal, par tant de flatteries, en sa tombe du Cimetière de Port-Joinville, à l’Île D’Yeu, toujours adossée aux autres, en signe d’indignité nationale,
  • même s’il défend les tortionnaires de l’Algérie Française, parce qu’ils sauvaient les vies de ceux menacés d’attentats,
  • même s’il affiche tout son manque de respect envers les enfants juifs que les familles ont choisis de protéger en un pays cent fois plus sûr pour les tombes juives et les vivants,
  • même s’il discrimine par avance les enfants autistes, qu’il re-fagote de blouses grises désuètes les élèves du primaire et des lycées, à l’heure de Benetton, de Star-Wars et de PlayStation,

 il parvient à séduire et surtout à fidéliser cette marge captivée, errant entre 12, 5 et 15% d’un électorat bercé aux vents du « déclinisme ».

Un Juif improbable pour marginaliser la dynastie du Paquebot ?

Zemmour s’avérerait-il plus rusé que la famille Le Pen de père en fille (et même en nièce, -Marion s’avérant assez proche de lui, sur le plan idéologique-)?

C’était… il y a longtemps

Peut-il réussir là où ce clan de la droite « radicale » échoue, pour de clairs motifs historiques, comme autant de repoussoirs efficaces, qui vont de l’Affaire de l’officier juif taxé un peu vite de « trahison », à l’Appel du général à se soulever et à résister, depuis Londres, ou au même grand homme démantelant l’Algérie française ?

Le péril des attentats islamistes des années 2015 à aujourd’hui, la faiblesse de la classe clientéliste politique, encore présumée « républicaine », mais qui vendrait ses villes pour quelques dollars qataris de plus, prête à édifier n’importe quel minaret consacré à la France algérienne ou frériste (ex -UOIF alias « Musulmans de France » qui pilote la majorité des mosquées de ce pays), auraient-ils définitivement endormi la grenouille française dans l’eau tiède, au point que seul un électrochoc du type extra-terrestre ou l’éclair d’un- Z comme Zemmour pourrait encore la tirer de sa torpeur ?

La « France Algérienne »? On s’en rapprocherait dangereusement à observer le pilotage à géométrie variable d’un certain Ministre des Cultes

Toutes les lois anti-séparatistes, les fermetures de mosquées salafistes par dizaines resteraient-elles comme autant de coups d’épée dans l’eau?

Voilà quelques bonnes questions qu’on peut se poser, après la lecture de ce portrait sans la moindre concession du tribun, ancien journaliste, réalisé par l’ancien politique, nouveau chroniqueur, comme s’ils se croisaient dans les coulisses.

Cette critique pourrait même être fondée qu’il est peu probable qu’elle atteigne le résultat escompté : la refondation des valeurs de la France, telle que l’a rêvée Manuel Carlos Valls Galfetti, le fils naturalisé d’Espagnols, de mère suisse du Tessin et descendant de Marranes des Baléares. Lui, l’Assimilé par excellence… Comme Zemmour du reste.

Elle peut, certes, apporter des billes aux adversaires de Zemmour, en ce qu’elle dénonce des travers, réels ou supposés, plus déstabilisants pour le « système » depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale que n’a pu les incarner le clan Le Pen.

Le paradoxe français est que cette famille longtemps régnante sur les non-dits de notre histoire est trop marquée par ses origines issues de l’extrême-droite traditionaliste : royalisme façon Action Française, pétainisme franc et massif, Algérie française, OAS, ex-ligues des facs de droit faisant le coup de poing, humour négationniste caustique, antisémitisme railleur…

Un Paradoxe français : Antiracistes dans la collaboration, Antisémites dans la résistance
Simon EPSTEIN : à relire d’urgence si on veut comprendre quand et comment la gauche s’est discréditée, avant de hurler à « l’extrême-Drouatte »

… puis une fille, Marine, contrainte d’effacer l’ardoise au point d’en devenir incolore, inodore et sans réelle saveur pour ses propres adeptes ?

Quel avenir pour cette page inédite qui s’écrit en 2022 ? Zemmour peut-il occuper l’espace d’un Wilders aux Pays-Bas, d’un Pegida (mouvement anti-Islam) ou d’un AfD allemand, ou encore des partis nationalistes de l’ancien « bloc de l’Est » ? Va-t-il marcher d’un même pas, ou peut-il aller plus loin, quitte à démobiliser une grande partie de la droite dite « républicaine » et servir d’aspirateur, en se situant en pleine zone franche, ni vraiment à Droite, ni vraiment « à l’extrême-droite », dans un « ailleurs » qui redistribue les cartes, en période de crise de longue durée ?

Avec l’intrusion de l’islamisme dans nos vies, la dissolution accélérée des notions partisanes de « droite » et de « gauche », constitutives de l’espace parlementaire, du centrisme macronien à tout crin, les points de repères d’après-guerre n’ont plus cours et les mutations du champ politique suivent un long fleuve intranquille, perturbateur. Il faudra rapidement en prendre note et sortir du cadre, réinventer le débat.

Valls pose-t-il de bonnes questions sans apporter de véritables réponses ?

(Merci à Laurent Fabius pour cette tirade qui aura la vie longue :

« L’extrême-droite, ce sont de fausses réponses à de vraies questions« ).

Recension et digressions :  ©️ Marc Brzustowski

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1 Comment

  1. Manuel Valls copine avec la LICRA : ça veut tout dire…
    Article intéressant pour l’essentiel. Fait digne de retenir l’attention : si Georges Marchais (qui fut le dernier vrai leader de gauche et que les gens de ma génération n’ont hélas pas connu) vivait aujourd’hui, il serait très probablement qualifié de « zemmourien » et d’homme d’extrême droaaaate par les idiots qui dominent l’espace public.

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