L’œil de Marianneke
Soupçonné d’espionnage au profit du Maroc, l’imam principal d’une mosquée de Molenbeek, à Bruxelles, s’est fait retirer son permis de séjour. Ce qui n’a pas empêché certains élus de prendre sa défense, quitte à évoquer une décision « inique et totalement injustifiée ».
L’affaire a fait grand bruit cette semaine en Belgique : le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, Sammy Mahdi, a retiré son permis de séjour à Mohamed Toujgani, imam principal de la mosquée Al Khalil, à Molenbeek, à Bruxelles, créée en 1985 par la confrérie des Frères musulmans et qui est aujourd’hui la plus grande mosquée du pays. Elle chapeaute également deux écoles, dont une école primaire, « La Plume », reconnue et financée par la Fédération Wallonie-Bruxelles, et qui n’est autre que la mosquée que fréquentait Chakib Akrouh, qui a participé activement aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Mais qu’on se rassure : la mosquée Al Khalil n’a jamais demandé sa reconnaissance par l’État belge, et vit donc exclusivement des dons des fidèles…
Mais revenons à Mohamed Toujgani. Cet imam marocain polygame, particulièrement influent, résidait en Belgique depuis 1982, sans pour autant maîtriser aucune des langues nationales. Dans son communiqué, Sammy Mahdi explique qu’il a pris cette décision sur la base des informations provenant des services de sécurité « en raison de signes d’un grave danger pour la sécurité nationale ».
L’imam Toujgani est depuis de nombreuses années déjà l’objet de controverses. Mais si une lecture rapide de la presse belge peut donner l’impression que sa seule faute serait une vidéo de 2009 où il appelait à brûler les « sionistes oppresseurs », il suffit de creuser un peu pour découvrir que c’est en réalité loin d’être son seul fait d’armes. Les services de renseignements belges l’accusent aussi d’espionnage au profit du Maroc, d’extrémisme, d’ingérence, et enfin de propos haineux non seulement envers les juifs ou les chiites, mais aussi envers l’Occident.
« MESURE DE DÉPORTATION »
Un profil pour le moins inquiétant, s’agissant d’un homme qui participait jusqu’ici, en tant que président de la Ligue des imams de Belgique et membre du Conseil théologien, à la formation des futurs imams reconnus par l’État belge… Mais visiblement, tout ça n’est pas bien méchant aux yeux du conseiller communal molenbeekois Ahmed El Khannouss, qui a estimé la décision de Sammy Mahdi « inique et totalement injustifiée » et l’a qualifiée de « mesure de déportation ». Une déclaration à ce point outrancière qu’elle a poussé le comité de déontologie de son parti, le cdH [Centre démocrate humaniste], à se saisir du cas. Mais comment s’en étonner, de la part d’un élu qui appelait déjà en 2010, avec ses collègues Jamal Ikazban (PS) et Zoé Genot (Ecolo) à la libération d’Oussama Atar, le futur cerveau présumé des attentats de Bruxelles, alors emprisonné à Bagdad ?« Une banque de donnée répertorie plus de 700 personnes potentiellement menaçantes pour la sécurité nationale, dont plus de 600 sont des islamistes. »
Quant à la bourgmestre [maire] de Molenbeek, Catherine Moureaux, elle a tenu à s’interroger publiquement sur l’existence d’éléments nouveaux permettant d’expliquer cette décision d’expulsion. Devant l’affluence de réactions, pour la première fois, le secrétaire d’État Sammy Mahdi, qui est néerlandophone, a publié une carte blanche en français dans le quotidien Le Soir, intitulée « Il faut qu’on se parle ».
« L’Ali de service, faudra le chercher ailleurs », prévient ce fils de réfugié irakien, très contesté pour la fermeté de sa politique migratoire, avant de préciser : « Il y a les politologues qui pensent qu’il faut être d’extrême droite pour combattre d’autres extrêmes. J’ai toujours combattu tous les extrêmes, qu’ils soient d’extrême droite, d’extrême gauche ou religieux. Le même combat, toujours aussi acharné. »
Et le moins qu’on puisse dire est qu’il y a du boulot. La banque de donnée de l’OCAM (Organe de coordination pour l’analyse de la menace) répertorie en effet plus de 700 personnes potentiellement menaçantes pour la sécurité nationale, dont plus de 600 sont des islamistes. Une réalité dérangeante pour beaucoup, qui préfèrent fixer obstinément n’importe quelle paille plutôt que de reconnaître la croissance obstinée de la poutre islamiste.
© Nadia Geerts
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