« Cessons d’être naïfs » face au lobbying islamiste

"Cessons d'être naïfs" : face au lobbying islamiste, la France promet une riposte européenne
La rencontre du 17 novembre entre la commissaire européenne Helena Dallil et la présidence de FEMYSO, à Bruxelles.
DR / Commission européenne

la France promet une riposte européenne

Lobbying

Par Hadrien Brachet et Jean-Loup Adenor

Publié le 23/11/2021 à 19:59

Marlène Schiappa s’est indignée de la rencontre entre une commissaire européenne et la présidente d’une association proche de la galaxie des Frères musulmans le 17 novembre dernier. Au Parlement européen, la France entend questionner la Commission sur cette association et les subventions qu’elle perçoit. « Nous sommes extrêmement déterminés », fait savoir la députée européenne Ilana Cicurel à « Marianne ».

La France tape du poing sur la table des nations européennes. Quelques semaines après la campagne du Conseil de l’Europe promouvant l’acceptation du port du hijab, Sonia Mabrouk interrogeait, lundi 22 novembre sur Europe 1, la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa sur l’enquête de Marianne visant l’association européenne coorganisatrice de cette campagne, FEMYSO (Forum of European Muslim Youth and Student Organisations).

Cette confédération de 32 organisations membres est considérée par plusieurs chercheurs comme la branche jeune et transnationale de l’émanation des Frères musulmans, l’Union des organisations islamiques d’Europe (UOIE)*. Or, le 17 novembre, Helena Dalli, commissaire européenne à l’Egalité, a rencontré publiquement les dirigeants de FEMYSO, pour une discussion sur la « situation des jeunes musulmans en Europe et des défis rencontrés en raison des stéréotypes, des discriminations et de la haine ». « Ça m’interpelle fortement », a jugé Marlène Schiappa, qualifiant FEMYSO de « faux nez de l’islamisme ».

Cette rencontre a aussi « particulièrement choqué » la députée Renaissance, membre de LREM, Ilana Cicurel, en charge du suivi du dossier pour la majorité. « Je ne comprends pas qu’elle puisse recevoir la présidente de FEMYSO, quand cette dernière accuse la France d’avoir « le racisme » pour principal produit d’exportation », poursuit l’élue. Elle s’étonne également qu’Helena Dalli n’ait pas demandé d’explication à FEMYSO sur ses liens avec la galaxie des Frères musulmans. « Cette même association a attaqué de façon extrêmement virulente la France au moment où on a dissous le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France)» Fin 2020, le ministre de l’Intérieur le qualifiait « d’officine islamiste » œuvrant « contre la République ». Une dissolution confirmée par le Conseil d’État le 24 septembre dernier malgré les protestations du CCIF.

DEMANDER DES COMPTES À LA COMMISSION

Comme l’a montré Marianne dans une enquête en deux volets, FEMYSO s’est lancée, peu après l’annulation de la campagne « Mon hijab mon choix », dans une série d’attaques contre la France dans les médias étrangers. Dans une vidéo diffusée par Al-Jazeera, l’association a dénoncé Paris comme la « capitale du préjugé occidental » ; un « public français hypocrite et des figures politiques qui continuent d’exercer un deux poids deux mesures au sujet des droits humains en promouvant la liberté seulement pour certains ».

L’organisation se borne, par ailleurs, à nier ses liens avec l’UOIE, qualifiant, sans aucun élément pour l’étayer, les travaux des chercheurs contactés par Marianne de « biaisés » ou « racistes ». « Un petit tour sur les réseaux sociaux de cette organisation permet de voir à quel point ils tiennent des propos agressifs vis-à-vis de la France. Pas uniquement du gouvernement mais aussi de la culture française, en blâmant la France et l’accablant de tous les maux », a déploré Marlène Schiappa sur Europe 1 lundi.

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« Tout le monde a compris que ces accusations de discrimination et de racisme relèvent de la manipulation. Nous sommes aujourd’hui extrêmement déterminés à interroger la Commission européenne sur cette organisation. Les réponses de la commission seront peut-être décevantes, mais elle a l’obligation de nous répondre », poursuit auprès de Marianne Ilana Cicurel. Elle assure qu’elle exigera un rendez-vous auprès d’Helena Dalli, la commissaire européenne qui a reçu FEMYSO. Marlène Schiappa a également annoncé avoir décidé, avec le secrétaire d’État chargé des Affaires européennes Clément Beaune, de saisir la commissaire européenne « pour qu’elle puisse nous apporter des éléments sur ce qui l’a amenée à recevoir cette organisation ».

VERS UNE LAÏCITÉ EUROPÉENNE ?

Que faut-il réellement espérer de l’Union européenne et de ses représentants ? À en croire Ilana Cicurel, une prise de conscience serait en cours au sein de l’institution. « Il y a une candeur de la commission, mais on sait aujourd’hui qu’il y a une manipulation des droits fondamentaux européens pour servir une forme d’entrisme islamiste. Ces associations sont parfaitement identifiées comme appartenant à la galaxie islamiste. Il faut cesser d’être naïfs », fustige la députée. Ilana Cicurel annonce également le lancement, en janvier prochain, d’un « événement européen de réflexion sur les questions de laïcité et de liberté religieuse au niveau de l’Union ».

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La France apparaît pourtant bien seule sur cette question. Personne, parmi ses partenaires européens, ne semble disposé à prendre le risque de cette discussion. « La France a été à l’initiative de ce travail de retrait [de la campagne pro-hijab] et c’est vrai qu’assez peu d’Etats se sont mobilisés ou émus », reconnaissait le secrétaire d’État à l’Europe Clément Beaune le 15 novembre, lors d’une réunion du think-tank de Jean-Michel Blanquer sur ce sujet à laquelle Marianne a assisté. « Nous ne sommes pas isolés, assure Ilana Cicurel à Marianne. Je peux déjà vous confirmer que la Belgique, les Pays-Bas et la Grèce seront nos alliés en janvier dans la préparation de ce socle commun sur la question des libertés religieuses en Europe. L’idée n’est pas d’exporter la laïcité telle quelle – même si je pense qu’à terme tout le monde pourrait y venir – mais de poser le cadre du débat », rétorque la députée à Marianne. Elle ajoute : « On ne peut pas comprendre ce qui se joue en ce moment au niveau européen si on ne rappelle pas qu’on est dans un contexte de guerre : l’entrisme islamiste est dans une forme de guerre contre nous. »

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Reste que FEMYSO et les organisations installées à Bruxelles gravitant autour de l’UOIE continuent de percevoir des dizaines de milliers d’euros de subventions venues de l’Union européenne. « Je m’interroge de voir des organisations que nous voulons voir dissoudre en France et qui sont dissoutes » aillent « taper à la porte des bureaux européens pour recevoir de l’argent et des subventions », relevait Marlène Schiappa sur Europe 1 lundi.

UN COUP DE COM’ ?

Faut-il craindre que l’exécutif ne s’offre, à quelques mois de la présidentielle, un joli coup de com’ à peu de frais ? Ilana Cicurel le promet, les subventions européennes sont « l’autre chantier que je vais suivre de près. En tant que parlementaire, nous avons un rôle de suivi et de contrôle de l’utilisation du budget. Il faut mener un travail sérieux et mettre à plat la situation et la réalité de ces organisations. » En effet, selon les informations que Marianne révélait la semaine dernière, FEMYSO a reçu, à elle seule, des dizaines de milliers d’euros de la Commission européenne. Pour le projet « Combattre les violations humaines associées à l’islamophobie », l’association a, par exemple, touché 30 000 euros de subventions en tant que coordinateur. « Le projet avait pour but de combattre l’islamophobie en amenant des organisations de 8 pays européens à travailler ensemble pour assister les victimes d’actes islamophobes », avait indiqué une source au sein des institutions européennes à Marianne.

Dans le cadre d’un autre projet, le MEET, qui vise à « prévenir l’islamophobie contre les femmes et les filles en Europe », la Commission a prévu une contribution pour FEMYSO pouvant s’élever jusqu’à 14 397 euros. « Aujourd’hui, il est plus facile d’obtenir des subventions pour un projet appelé, par exemple, « Islam, tolérance et fraternité », porté par des personnes identifiées comme proches des courants fondamentalistes, que d’obtenir des subventions pour un travail de recherche sur l’islam politique », regrette Ilana Cicurel. La députée poursuit : « Et pourtant, on a grand besoin de travaux sérieux sur l’influence de cet islam politique en Europe. »

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*L’Union des organisations islamiques européennes est devenue, en 2020, le Conseil des musulmans européens (CME)

Par Hadrien Brachet

Par Jean-Loup Adenor

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