Zemmour, la France et l’Orient simplifié

Philippe Karsenty et Pierre Lurçat –

13 novembre

Zemmour, la France et l’Orient simplifié
Une campagne d’affichage pour Eric Zemmour, Isère 31/7/2021 Mourad ALLILI/SIPA 01031273_000009

Une tribune libre de Philippe Karsenty et Pierre Lurçat


Au micro de Jean-Marc Morandini sur CNews, Éric Zemmour déclarait à son interlocutrice, une Franco-marocaine voilée de Drancy, « La France, c’est sacré ». Ces mots ne sont pas un slogan électoral : ils définissent le cœur de l’identité – et aussi du programme électoral – d’Éric Zemmour. Que ce programme soit incarné par un Français né de parents juifs d’Algérie est à la fois symbolique et anachronique. Oui, il y a sans doute quelque chose d’anachronique dans le discours de Zemmour, que ses détracteurs dépeignent injustement comme un « nostalgique de Pétain ».

Les juifs aussi ne s’assimilent plus vraiment

Anachronique, son éloge d’une assimilation sans partage, à laquelle n’adhèrent plus les représentants officiels du judaïsme français. Anachronique, et pourtant terriblement actuel. Pendant que les grands médias et tous ceux qui prétendent parler au nom du « camp du Bien » se délectent de comparaisons abusives et de « reductio ad hitlerum », expliquant doctement comment Zemmour entend « réhabiliter Vichy » et absoudre la France de tous ses crimes, celui-ci aborde, sans complexes et avec un langage que certains comparent à celui de l’ex-président des États-Unis Donald Trump, la réalité bien tangible de la vie quotidienne de millions de Français. Des Français écrasés d’impôts et humiliés dans leur fierté nationale, qui ne se reconnaissent plus dans le discours politique dominant, dont sont tellement absents les sujets tabous de l’immigration, de l’islam et de l’identité nationale.

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En réalité, pour appréhender le discours d’Éric Zemmour et comprendre les raisons de son succès, il faut se départir des clichés de la doxa médiatique, pour tenter d’entendre ce qu’il dit de la France – qu’il a mise au cœur du débat électoral, comme l’a observé Alain Finkielkraut – et ce qu’il dit aux Français. Le clivage qui s’est instauré depuis quelques semaines entre une France pro-Zemmour et une France anti-Zemmour, clivage qui a déjà donné lieu à de violentes manifestations des mal-nommés « Antifa », n’oppose pas « droite » et « gauche », concepts qui ont perdu depuis longtemps une grande partie de leur pertinence politique.

Anywheres contre Somewheres

Ce clivage oppose ce que l’essayiste britannique David Goodhart appelle les « gens de partout » (Anywheres) et le « peuple de quelque part » (Somewheres). Zemmour incarne de toute évidence ces Français qui se sentent appartenir à la terre de France et à son histoire et qui – pour reprendre ses propres termes – croient encore au Destin français, tout en se sentant exilés dans leur propre pays et en souffrant de voir bafouer les symboles de la France et ses représentants, lorsque son drapeau est piétiné ou que ses policiers sont agressés et insultés. Sa dénonciation du « Grand remplacement » est partagée par tous ceux qui le vivent au jour le jour.

Et les Français juifs ? Ils sont eux aussi, à l’instar de l’ensemble des Français, partagés entre les deux camps, celui des « gens de partout » et celui du « peuple de quelque part ». Zemmour, qui se dit « non sioniste » mais « pas antisioniste », a prononcé sur i24 des déclarations concernant Israël qui font de lui le plus pro-Israélien de tous les hommes politiques français, en déclarant qu’il n’y aurait pas d’État palestinien et que Jérusalem était la capitale d’Israël. Foulant aux pieds les principes de la politique arabe de la France depuis des lustres, il a montré que son patriotisme français n’était pas contradictoire avec une amitié véritable entre la France et Israël, bien au contraire (même s’il n’a apparemment pas vraiment pris la mesure de la menace iranienne).

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Ce qui n’empêche pas certains – et notamment le grand-rabbin de France Haïm Korsia – de l’accuser d’être « antisémite » après avoir mis en doute sa judéité. Ce faisant, ce dernier sort de sa fonction de rabbin pour devenir un acteur politique. Pour comprendre cette situation, il faut se rappeler que la politique française repose largement sur ce que le sociologue Shmuel Trigano appelle « l’adoration du corps de la victime », qui va de pair avec l’hostilité au peuple Juif vivant. C’est la même France officielle, qui depuis 25 ans verse ainsi des larmes de crocodile sur les victimes de la Shoah, tout en développant des politiques hostiles à Israël et en soutenant les organisations terroristes comme le Hamas et le FPLP, qui sont les pires assassins de Juifs des temps modernes.

Il faut alors se rappeler des mots de Jacques Chirac, en juillet 1995, s’apitoyant sur les Juifs morts de la Shoah pour mieux condamner et diaboliser ensuite les Juifs vivants en Israël, qui cherchaient à se défendre contre les organisations terroristes palestiniennes. Oint de son blanc-seing de défenseur des Juifs morts, Jacques Chirac se sentait alors d’autant plus libre d’armer ceux qui voulaient détruire l’État d’Israël. Il n’est pas étonnant de retrouver aujourd’hui du côté des anti-Zemmour des chiraquiens qui n’ont jamais su, ou voulu, s’opposer à ses politiques hostiles à Israël. Comme Haïm Korsia, qui a fait préfacer un de ses livres par Jacques Chirac, ou comme Frédéric Salat-Baroux, qui a embrassé le chiraquisme au point d’épouser la fille de l’ancien président.

C’est sans doute aussi pour dénoncer cette contradiction que le candidat Zemmour ne s’encombre d’aucun « politiquement correct » quand il aborde le sujet de Vichy. Réconcilier la France avec son passé et tout faire pour préserver son avenir, ce programme justifie aux yeux d’Éric Zemmour quelques entorses à la vérité historique et au langage trop lisse de ses adversaires politiques. Oui, il y a bien du Donald Trump en lui, car tout comme ce dernier voulait « Make America Great Again », Éric Zemmour affirme que la « France n’a pas dit son dernier mot ». Seul l’avenir nous dira s’il permettra de « Restaurer la grandeur de la France ».

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8 Comments

  1. Zemmour dit le réel ,il décrit ce que le peuple de ce pays vit et a sous les yeux, c est pourquoi la bronca ridicule de la classe dominante n aura aucune prise sur son public.
    Pour le contredire il faudrait prouver qu il ment et vous noterez, que personne, vraiment personne n est capable de le faire.
    La rupture entre les classes populaires, de toutes origines, et la nomenklatura macronienne est actée à travers ce personnage qui joue le rôle plutôt bienvenu de revelateur.

  2. Cet article avoue sa vacuité au moins deux fois :
    – « …ce programme justifie aux yeux d’Éric Zemmour quelques entorses à la vérité historique… ».
    – « …il y a sans doute quelque chose d’anachronique dans le discours de Zemmour… ».

    Les « entorses à la vérité historique » s’appelle des MENSONGES. Certains par omission, d’autres par exagération.
    « Qui oublie son passé est condamné à le revivre » ; et Zemmour oublie ; ou plutôt il cherche à nous faire oublier en pratiquant l’amnésie sélective.
    AUCUNE affirmation « historique » chez lui ne résiste à l’analyse, tout est bon pour nous induire en erreur. Comme historien Z est du niveau de Cyril Hanouna (pardon, Cyril…).

    « … anachronique… » ? C’est gentil, s’agissant de mensonges. CAR Zemmour est l’archétype du fanatique nostalgique d’une période passée qu’il considère comme un « âge d’or », (le temps de la « grandeur de la France »…) et à laquelle il voudrait revenir.

    MAIS à bien y regarder, c’était quand, exactement, cette « grandeur » ? Du temps de l’Empire colonial français qui n’avait RIEN de glorieux (euphémisme…) et qui est définitivement éteint depuis longtemps ?
    La France étant désormais un pays à peine moyen parmi des mastodontes dont certains furent jadis des « colonisés » ?
    La France sera-t-elle incarnée dorénavant par les rodomontades et les coups de menton d’un micro-Zemmour qui se tient sur les pointes des pieds pour paraitre plus « grand » ?

    Son adoration de Bonaparte en est un exemple.
    Bonaparte le mégalo qui a laissé la France plus petite, plus faible et plus pauvre qu’avant lui.
    Bonaparte qui a infligé au pays une défaite humiliante, avec Paris occupé par des armées étrangères.
    Bonaparte qui finit prisonnier de ses ennemis, exilé jusqu’à la fin de ses jours… Bonaparte auquel il ne manquait qu’une petite moustache…

    C’est ça, la « grandeur » d’après Zemmour ?

    Alors que le nerf de la guerre est ailleurs, dans des domaines dont Zemmour ignore TOUT.
    Sait-il seulement qu’on n’arrive même pas à équilibrer un budget sans s’endetter jusqu’aux oreilles ?
    Ni un commerce extérieur, contrairement à l’Allemagne qui nous parle, à juste titre, comme la fourmi à une cigale « Club Med » ?
    Zemmour qui chante en attendant que l’Allemagne lui dise « dansez, maintenant » ?

    Honte à lui. Honte à ceux qui l’écoutent. Honte à Karsenty et Lurçat.

    • Cher Alex .P
      J ai ete , moi aussi plus que troublé par les saillies de Zemmour qui m ont fait hurler !
      Apres reflexion , je dois constater deux points :
      1/ ces sorties incongrues lui ont permis d  » embarquer  » les politiques dans des reponses maladroites , voire ridicules car , evidemment , aucun n a vu le piege
      2/ la cible visée par le discour zemmourien est totalement insensible a ces sujets , car elle fait une autre lecture des declarations de zemmour ; en effet les classes populaires  » entendent  » la description de leur quotidien et l evocation de leurs angoisses de declassement pour la premiere fois de leur vie , et cela est une arme fatale .
      Apres cela , les accusations , justifiées , proferées a l encontre de zemmour , par une flopée de petits technocrates macroniens issus de la bonne societe urbaine sont vecus par la France profonde comme un gazouiilli inaudible , voire , avec des ricanements de satisfaction .

      • Cher T. Amouyal.

        Des « saillies » de Zemmour vous font hurler. Bienvenu au club.
        Et comme vous je serais tenté de lui reconnaitre le mérite d’avoir placé l’immigration et l’identité au cœur du débat.

        MAIS c’est tout. Car fallait-il récupérer Merah, Pétain et le Bataclan (je dois en oublier…) pour caresser une opinion publique (fantasmée ; car existe-t-elle vraiment ?) dans le sens du poil ?

        Avec force approximations diffamatoires : rappelons par exemple que Merah, contrairement à ce que laisse entendre Zemmour, n’est PAS enterré en Algérie ; et que l’immense majorité des Juifs qui décèdent en France y sont enterrés ; chose que Zemmour NE PEUT PAS ignorer.

        Zemmour nous fourgue du rêve. MAIS dans l’isoloir il ne faut surtout pas rêver.

        Par ailleurs, quelles sont vos lettres de créance pour parler au nom des « classes populaires » et de « la France profonde » ? Il y a des raisons pour penser que ces segments démographiques sont d’abord motivés par leurs fragiles fins de mois…

        Moi qui accuse Zemmour je ne me reconnais pas DU TOUT dans votre définition « petits technocrates macroniens ».
        Petit peut-être (et vous ?…) mais ni technocrate ni particulièrement macronien….

        • Cher Alex p
          Je ne dis pas que zemmour cible quelqu un avec ses saillies mais plutot qu il detourne l attention .
          Je ne represente personne , pas plus que vous , j imagine , mais cela n empeche pas l analyse .
          La majeure partie des troupes de macron semble sortie du meme moule :
          Jeunes , plutot bourgeois , bien pourvus en diplomes , et pas trop proches de la  » France profonde  » , c est une constatation qui n engage que moi , mais qui me semble partagée .
          Je ne suis pas responsable politique , et je ne vote plus depuis la pantalonnade des presidentielles de 2017 , donc chacun fera ce qu il voudra dans l isoloir , s il decide de s y rendre .

  3. Alex.P.
    Deux choses m ‘ont surtout choqué chez Z. : son histoire de prénom à donner aux enfants à la naissance, son comportement grossier ( c est le moins que l ‘on puisse dire ) vis à vis de la famille Sandler.
    Pour le reste c ‘est plus compliqué.
    La France des colonies était grande, c ‘est un fait. Le régime colonial était imposé par la force, c ‘est incontestable. Les Arabes dans les années 700 après J.C., les Ottomans, …. n ‘ont guère fait mieux.
    Napoléon a stabilisé la Révolution , il a donné des institutions à la France. C ‘est vrai que sa mégalomanie a causé des nombreux morts. Mais c ‘est lui, entre autre, qui a propagé l ‘idée de Nation. Il a été une des grandeurs de la France, que cela plaise ou non.
    Z. existe car depuis 50 ans rien n ‘a été fait pour permettre à la France de réguler son immigration. On ne pouvait rien dire sur l ‘immigration sans être traité de facho. Résultat : c ‘est la panique chez les citoyens qui n ‘en peuvent plus. Je crois que c ‘est Z. qui a été condamné pour avoir dit une vérité officielle : il existe un lien entre délinquance et immigration ( https://www.senat.fr/rap/r01-340-1/r01-340-117.html ).
    Z. est le produit du mépris des élites envers le peuple. Il dit des bêtise, mais pas que. Il a le mérite, et le courage, de dire des vérités. Pour cela il doit, à mon sens, ‘être soutenu.

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