Olivia Cattan, en direct d’Israël. L’administration israélienne : un frein à l’alya des personnes en situation de handicap

Une mère et son fils autiste photographié par Nikos Aliagas dans le cadre de l’exposition « Je suis autiste et alors ?« 

Yohan a été reconnu handicapé en France avec un taux de 100%. Il ne peut pas marcher plus de 400 mètres ayant une grande fatigabilité. Il fait quotidiennement des crises de colère ou de panique lorsqu’il se trouve dans des lieux publics. Il a de nombreux TOCS envahissants. Ce n’est pas de l’autisme mais son cerveau a été privé d’oxygène à sa naissance, et a endommagé son système nerveux.

Voici son histoire et celle de sa famille.

Témoignage

Il y a 9 ans, Liza, ses trois filles et son fils Yohan, en situation de handicap, montaient en Israël pour faire leur Alya. Mère de 4 enfants, Liza partait en Terre Promise afin d’offrir un avenir meilleur à sa famille, et surtout une prise en charge d’excellence à Yohan puisque de nombreux articles vantaient « l’inclusion à l’israélienne ».

Mais lorsqu’elle arriva en Israël, et qu’elle se servit pour la première fois de la carte handicap de son fils pour ne pas faire la queue dans les différentes administrations, on lui expliqua que cette carte n’était pas reconnue ici.

Elle se dit naïvement qu’elle récupèrerait la carte israélienne de handicap en même temps que son passeport. Mais la surprise de Liza fut de taille lorsque l’administration lui expliqua qu’elle devait refaire un dossier handicap complet.

Il lui fallait aller voir deux spécialistes afin d’établir un diagnostic, une psychologue et d’autres médecins pour différents tests.

Il y avait aussi tout un dossier en hébreu à remplir avec une assistante sociale.

Une fois que toutes les pièces seraient réunies, Liza passerait en Commission pour défendre les droits de son fils.

Etrangement, l’Agence juive s’était bien gardée de lui en parler…

Mais on la rassura lui parlant d’un délai de quelques mois seulement.

Devenir israélien, même lorsque l’on est handicapé, devait sans doute se mériter

Alors comme la plupart des Juifs de France, elle se persuada que devenir israélien, même lorsque l’on est handicapé, devait sans doute se mériter. Alors qu’elle cherchait un emploi et un logement, qu’elle gérait l’inscription de ses enfants à l’école, qu’elle apprenait l’hébreu à l’oulpan, qu’elle se démenait dans les administrations israéliennes pour avoir entre autres des droits en matière de santé, un compte en banque…, elle dut chercher des médecins francophones toute seule puisqu’aucune liste ne lui fut communiquée malgré la pléthore d’Associations censées aider tous les olims.

Elle chercha également une assistante sociale parlant français afin de l’aider à remplir le dossier.

Elle alla voir une première psychologue qui fit passer des tests psychodidactiques à son fils.

Elle déboursa 4000 shekels et renvoya ce premier élément. Mais cette pièce fut refusée parce que la psychologue n’avait pas l’agrément appelé « sémel mossad ».

Elle dut donc recommencer ses recherches afin de trouver une psychologue francophone « agréée ».

Mais les questions que celle-ci posait à son fils portaient sur la culture israélienne. Des questions auxquelles Yohan n’avait aucune chance de répondre, ayant toujours vécu en France. Les résultats de ce test seraient donc faussés, ne témoignant pas des réelles compétences de son fils.

Alors Liza demanda à ce que ces tests soient adaptés mais la psychologue refusa et Elisabeth dut chercher à nouveau un nouveau thérapeute.

Elle le trouva enfin mais ce qu’elle ignorait, c’est qu’il fallait attendre plusieurs mois afin que son fils puisse repasser ces tests.

Alors les mois passèrent sans que Yohan ait la moindre prise en charge. Parfois lorsque son fils faisait de grosses crises, Liza se garait sur une place handicap. Elle mettait sa carte française avec un petit mot pour expliquer la situation mais elle se prenait amendes sur amendes alors elle finit par limiter les déplacements avec son fils.

Au bout de plusieurs mois, cette « maman courage », ayant enfin réussi à réunir toutes les pièces, passa devant la Commission habilitée à lui délivrer une Carte Handicap et à définir son taux d’invalidité.

Mais elle parlait très mal l’hébreu et personne ne parlait français. Donc ce fut un dialogue de sourds qui ne dura pas plus de 5 minutes.

Elle obtint enfin le document tant attendu mais s’aperçut que le taux d’invalidité de son fils ne s’élevait qu’à 40%.

On lui conseilla alors de faire appel de cette décision et de prendre un avocat dont le tarif avoisinait les 20 000 Shekels.

Mais Liza n’avait pas les moyens financiers et surtout l’envie de prendre un avocat, estimant que « son fils n’avait rien fait de mal » !

Alors elle fit toutes les démarches toute seule mais n’obtint pas gain de cause.

Son fils resta donc avec un taux de handicap à 40% et Liza, prise par sa vie de mère, son travail et son intégration, finit par accepter ou plutôt subir cette situation.

Les choses se compliquèrent lorsque que Yohan eut l’âge d’aller à l’armée. Il fut convoqué et sa mère l’accompagna. La jeune fille qui les reçut dit à sa mère qu’il était hors de question qu’elle entre avec lui puisque cela n’était pas notifié sur la carte. La maman tenta d’expliquer la situation mais la jeune femme refusa de l’écouter lui disant que « Yohan faisait de la comédie et qu’il surjouait son handicap ».

Yohan, qui n’est pas autonome et qui était sans cesse accompagné par un adulte, paniqua et se mit à faire une terrible crise. Sa mère put le ramener chez elle mais la jeune femme la menaça lui expliquant que « l’Armée viendrait le chercher s’il ne se présentait pas à la prochaine convocation ».

Liza était en panique, ne sachant plus quoi faire…

Sa vie était désormais ici, ses filles étaient heureuses et venaient de rentrer à l’Université de Jérusalem et elle avait fait tant de sacrifices qu’il était impensable de repartir en France.

Elle se renseigna auprès de plusieurs médecins et finit par apprendre qu’elle pouvait prétexter un changement dans le handicap de son fils pour avoir le droit de refaire son dossier.

Sa fille s’occupa de tout et Liza repassa devant la Commission. Ayant été échaudée la première fois, la maman de Yohan avait préparé un document, une sorte de tableau qui présentait les compétences de son fils et ses fragilités.

La Commission statua donc une nouvelle fois et décida d’accorda un taux d’invalidité à 100%. Un pourcentage qui tenait compte à la fois de ses fragilités physiques mais aussi cognitives.

Ce parcours de mère face au handicap de Yohan n’avait eu aucune trêve mais le parcours du combattant contre les administrations israéliennes prenait fin, après des années de lutte pour la reconnaissance des droits de son fils.

Aujourd’hui, la famille vit dans la banlieue de Tel Aviv et toutes ces galères sont enfin derrière eux. Yohan a 20 ans et parle hébreu presque comme un israélien. Il est entré dans une Unité spéciale de l’armée où il se rend une journée par semaine. Il est heureux, se sent intégré et utile à son pays puisqu’il est considéré comme les autres.

Il fait de la voile et du vélo grâce à des Associations spécialisées. Il s’est même fait quelques amis…

Liza a mis plusieurs années à comprendre le fonctionnement et la prise en compte du handicap en Israël, m’expliquant que « ce sont plusieurs organismes différents qui s’en occupent, la caisse d’assurance maladie, le Bitouah Leumi, le Misrad harichouï… »

Elle a versé beaucoup de larmes au cours de cette lutte administrative incessante tout en se battant pour que son fils ait la meilleure des prises en charge. Elle dit « avoir mis beaucoup de temps à se sentir vraiment chez elle ».

Elle s’est faite aussi à l’idée « qu’Israël est un pays comme les autres avec ses qualités et ses défauts, ses administrations bornées, froides et déshumanisées, et que ce petit pays de rocailles a encore beaucoup de progrès à faire en matière d’intégration des olims français surtout lorsque ceux-ci sont fragilisés par un handicap ».

Note : Pour des raisons professionnelles, le prénom de la maman et du petit garçon a été changé.

© Olivia Cattan

Olivia Cattan. Préfacé par Marina Carrère d’Encausse. Le livre noir de l’autisme. Editions du Cherche Midi. Septembre 2020.

Olivia Cattan. L’école de la discorde. Editions Max Milo. Octobre 2021

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