Vaulx-en–Velin : régler la violence urbaine par l’ultra-violence citoyenne?

At-on encore le loisir de se demander : que fait le gouvernement? Que fait la police?

Oeil pour oeil. La République a perdu ses territoires? Qu’à cela ne tienne. Les honnêtes citoyens d’un soir, en banlieue lyonnaise, se sont fait justice : à lire les récits des gazettes et à visionner la vidéo, les témoins d’un incendie volontaire de l’arrière d’un bus, à commencer par son chauffeur, se sont jetés sur le délinquant -apparemment seul- et l’ont roué de coups. Qui s’en plaindra? Je ne dis pas que c’est ce qu’il « faut faire », je dis que cela s’est passé « comme ça ».

Les Justiciers du petit écran, de Darmanin à Zemmour en passant par Marine, trop pris par leur devoir-deviser à vide durant les 7 mois de campagne qui leur restent, étaient aux abonnés absents.

Entre 18h30, heure des faits, et 13h le lendemain du lundi suivant, on ne sait toujours pas, sur le site Actu17 émanant du quotidien des forces de l’ordre, si le contrevenant, reçu comme il se doit, a ou non été interpellé.

Admettons que non. Cela donne une petite évaluation de l’abandon à soi du citoyen de base, qui, incidemment, vient de payer l’équivalent de 2,20 euros aux TCL (sauf si abonnement et tarifs réduits) pour se faire, éventuellement, incendier vivant par le premier lascar venu du « Mas-du-Taureau », qui avait Halloween sur la patate (ce n’est pas une fête pour les enfants et, surtout pas pour les esprits fragiles).

Le chauffeur local rôdé à tous les mauvais coups

Y a t-il une morale à cette histoire?

  • Soit c’est un fait divers qui aurait pu tourner au tragique sans la célérité du chauffeur veillant sur son bien le plus précieux, son outil de travail, et la vie de ses passagers. A Vaulx, on a le sens du service et c’est un sacerdoce qu’on accomplit sans sourciller. Là, tout est bien qui finit… d’une manière ou d’une autre et l’incident est clos.
  • Soit, on veut le monter en épingle pour en faire un fait de société à débattre : en l’absence d’Etat régalien probant, ces quartiers ne sont, finalement, pas si « perdus » que cela, puisque la justice s’exerce sur le tas, à coups d’embouts de chaussures de sécurité et de talons-aiguille. Comme la loi ne s’y exerce plus ou si rarement, ce sera : pas vu/pas pris

C’est, quoi qu’il en soit, un drame pittoresque fondé sur le caractère auto-destructeur de ces quartiers :

Une certaine jeunesse, en grande partie, immigrée de la énième génération sans la moindre tentative d’adaptation probante, en tout cas, sans résorbtion des toujours mêmes poches de survie mal rapiécées, ressent le fait d’y vivre comme un destin infligé qui n’est pas digne d’être vécu.

Prendre le bus, c’est déjà commencer d’échapper au territore imposé. Là tout se passe comme si le « djeun » en question voulait punir ses concitoyens d’oser en bouger. La destruction du bus avant même d’y monter démontre par l’absurde que, quoi qu’on fasse, on n’en sort jamais. Mektoub! La contre-culture de quartier, fortement mâtinée d’Islam, apporte sa réponse à la question superflue de la morale : tout doit être réduit en cendres avant même d’essayer « partir », décoller, tendre vers cet « ailleurs » qui n’appartient qu’aux autres.

Exemples de la Beurgeoisie et de refus d’intégration

Pourtant cette « jeunesse » qui raisonne comme les vieux ou les robots, n’a pas manqué d’exemples : des bons, comme Azoug Begag, de Villeurbanne, la porte à côté, qui a pas mal réussi sous Chirac en politique. De moins bons, comme Khaled Kelkal, l’artificier du GIA, qui faisait exploser les lignes de TGV (attentat raté) et la ligne du RER Saint-Michel (8 morts, 117 blessés) à Paris, tué un pistolet à la main par des membres de l’EGIPN.

De lui, Salim Bachi dira que Mohamed Merah partageait plus d’un trait commun. Cet auteur à décharge décrit ces assassins comme des victimes : normal, il faut les ramener à leur Mektoub et c’est forcément la faute de la France et des autres, s’ils en sont passés par là. Mais, contrairement à ces portraits complaisants et fatalistes, notons simplement que Kelkal a pu rejoindre une école bourgeoise de Lyon, à la Martinière Bonplaisir, en Première de chimie, grâce à un bon niveau scolaire, mais qu’il ne s’y est pas « senti à l’aise » :

« J’avais les capacités de réussir, mais j’avais pas ma place, parce que je me disais : l’intégration totale, c’est impossible ; oublier ma culture, manger du porc, je ne peux pas. Eux, ils n’avaient jamais vu dans leur classe un Arabe, comme ils disent […] et, quand ils m’ont connu, ils m’ont dit : « Tu es l’exception. » […] Au lycée, dans ma classe, il y avait que les riches. » (1).

On connaît la suite : Il apprend le Coran, fréquente la mosquée Bilel, dans le quartier de la Grappinière (quartier connexe du Mas) et se lie aux milieux islamistes. Il fait la connaissance d’Ali Touchent, soupçonné d’être un agent recruteur des services secrets algériens. De la case prison à la « sale guerre », il fait son « chemin » jusqu’au coup de théâtre final.

Donc, les murs, le lieux de naissance ou de résidence ne surdéterminent pas les destins, comme essaient de nous le faire croire ces acharnés de l’auto-exclusion volontaire, au nom de tel ou telle cause, souvent la même, mais qui ne fait pas l’objet de ce « fait divers », sinon pour son discours implicite sur la fatalité.

Mythologie du Développement Urbain

Quand est-ce que « cela a mal tourné », dans ce quartier? N’importe quel urbaniste un brin honnête vous dira : dès le début! Quand on a commencé à entasser les premiers harkis et autres infréquentables justement dans cette même Grappinière, juste à côté, dans les années de fin de guerre d’Algérie.

Pour situer l’endroit, le lieu-dit « Mas-du-Taureau » n’a rien de vacances aux Saintes-Maries de la-Mer en Camargue et tout de l’impasse sociale dans les filets de laquelle il ne fallait justement pas tomber.

Pourtant, la République n’a eu de cesse de se faire faire les poches pour ne pas le perdre, ce territoire. Je me souviens des déplacements « d’experts » comme Adil Jazouli, le grand copain de Roland Castro (mitterrandiens des premières heures tendance Fidel ou Che), le champion de « Banlieuescopie », qui, depuis le temps, a bien dû rendre sa copie, aussi blanche et vide qu’elle avait commencé… Il voulait alors créer des réseaux de « grands-frères révolutionnaires », convaincus de la faute du pays d’accueil dans les manquements à l’intégration des petits frères. Oui, il suffisait d’investir et d’investir et d’investir encore et encore… La hauteur des diplômes ne garantit pas contre l’escroquerie…

La Mairie communiste rénovatrice de l’époque, il y a à peu près 30 ans, quand j’ai, moi-même, quitté l’endroit pour aller vivre à l’autre bout de l’Hexagone, y avait dressé un mur d’escalade et devinez où? Sur la façade de l’immeuble le plus haut, tout un symbole de l’ascenseur social à grimper à la force du poignet :

Cela n’avait pas, pour autant, fait baisser la température, puisqu’en octobre 1990 -toutes ces « années de braise  » se jouent dans un mouchoir de poche, Kelkal signifiant une petite apogée dans la modélisation-, les « jeunes » et usagers de l’Intermarché du coin l’incendiaient copieusement, suite à la mort d’un gone (argot lyonnais) à moto :

Le 6 octobre 1990, une moto se renverse au niveau d’un barrage de police qui cherche à la stopper (au lieu d’obtempérer). La mort du passager, un jeune handicapé dénué de casque, Thomas Claudio, déclenche la colère des « jeunes » de Vaulx-en-Velin. Des affrontements avec la police ont lieu, suivi d’un incendie et de pillages du centre commercial. 

Un carrefour des soixante années de politiques urbaines

Ce « Mas-du-Taureau » est donc une « pierre blanche », ou plutôt noire de fumée, dans la campagne dite du « Malaise des Banlieues » :

elle a débuté dix ans plus tôt, par les explosions insurrectionnelles des « trois V » : Vaulx en- Velin-Villeurbanne-Vénissieux » (les Minguettes). A l’autre bout du réseau de signification, on trouve, 15 ans plus tard, les événements à l’automne 2005, autour de Clichy-sous-Bois. Le problème n’a ensuite fait que s’enkyster, avec, parmi les « réponses » identitaires, le glissement de la petite délinquance au banditisme (rôle des mafias dans le trafic de drogue à outrance, acheminé entre Marseille-Genève-Amsterdam, la Capitale…) et de celui-ci vers le terrorisme islamiste, plus répandu depuis ces mêmes années 2005 (Al Qaïda en Irak) à 2015-22 (Daesh d’Irak ou du Khorasan-). Mais les racines sont plus profondes, puisqu’on a évoqué Kelkal et, aux arrêts de bus, on voyait déjà des types aux vêtements afghans qui semblaient surveiller les allées et venues dans le quartier… L’image est, depuis, restée figée.

J’avais quitté cette ville avec un fort sentiment de soulagement, quand on vient bruyamment de claquer la porte. Mon premier « saut » fut pour Israël, comme pour me laver l’âme au Kotel, après une mauvaise rixe…

C’était la fin d’une de ces périodes transitoires qui durent, puisque j’y étais venu compléter un DEA de sociologie sur les violences urbaines et que mon pif juif ne m’avait pas trompé :

un vrai bonheur pour l’enquêteur, ce même quartier qui, -je le parie, n’a pas changé d’un iota, hormis la réfection des boîtes aux lettres dessoudées et les tonnes outrancières de peinture sur la façade, un peu comme ces péripaticiennes qui commencent à vieillir, mais n’ont pas l’intention de raccrocher les bas-résille-

Se faire prédire l’avenir des villes dans les lignes de transport

Tout est encore et toujours à reprendre de zéro. Certains penseront que Zemmour est arrivé et que tout va changer. Permettons-nous d’en douter, si on sonde un instant la profondeur des trente années à peine esquissées…

Ce quartier a été hier, le théâtre de l’incident qui va suivre : dans le feu de l’action, cela semblait être la seule bonne chose à faire. Est-ce que cela traduit une « tendance »? Est-ce que cela sera la réplique au besoin d’ordre qui s’étiole, en cet endroit comme en d’autres « territoires perdus »?

Est-ce, à Vaulx en- Velin, ville liseuse de bonaventure avec ses noms de quartiers à consonnance « gitane », l’avenir d’un pays dont la police n’est plus respectée et où les Juges laissent faire, faute de place dans les zonzons ou d’attrait pour la nécessaire sanction? La population laissée à elle-même doit bien appliquer ses propres règles, à un moment donné, quand il n’y en a plus d’autres, ou vivre dans la destruction et l’Omerta tant décriées…

Ou est-ce déjà ce que notre amie Danielle appelle « la guerre civile à bas bruit »? Les débuts de la « violence légitime privatisée » faute de mieux?

L’incident d’hier n’est qu’un épiphénomène. Le Quotidien du quartier se décrit mieux par les événements qui se sont déroulés les 11 et 12 juin derniers, il y a moins de 6 mois (vidéo ci-dessus).

L’ironie, dans l’épisode qui suit, survient parmi les témoins les plus passifs qui crient : « Appelez la Police! »… On peut croire que, pour le coup et jusqu’au lendemain, c’est… déjà trop tard.

(Marc Brzustowski)

Vaulx-en-Velin : Un homme tente d’incendier un bus, il est roué de coups par des témoins

Actu17 – 1 novembre 2021, 12h59 │ MAJ : 1 novembre 2021, 13h00

Un homme a tenté d’incendier un bus TCL de la ligne C3 à Vaulx-en-Velin, dans la métropole de Lyon, ce dimanche soir. Il a été roué de coups par des témoins.

Soirée de violences pour Halloween, dans le Rhône. Un homme a tenté d’incendier un bus TCL à Vaulx-en-Velin sur la ligne C3, au Mas-du-Taureau, mais sa tentative s’est terminée par un passage à tabac. Il était 18h30 au moment des faits indique LyonMag. Une partie de la scène a été filmée et la vidéo diffusée sur le réseaux sociaux.

Le suspect a lancé un objet en feu, qui semble être un morceau de carton, dans le bus. Le chauffeur est rapidement intervenu pour l’extraire. L’auteur qui s’était déjà éloigné, pensant avoir réussi son coup, a fait demi-tour puis est revenu remettre le morceau de carton enflammé, dans le bus. Le chauffeur est intervenu une seconde fois.

« Appelez les flics ! »

Sur la seconde séquence de cette vidéo, l’auteur présumé des faits est roué de coups. Certains passants tentent d’intervenir pour calmer les esprits, d’autres s’en prennent au suspect qui finit par recevoir un coup de pied en plein visage, le mettant KO. « Appelez les flics ! » lancent plusieurs personnes. Pour l’heure, on ne sait pas si le mis en cause a été interpellé ou conduit à l’hôpital. Il n’y a pas de blessé à déplorer dans le bus, et l’intérieur du véhicule n’a été que légèrement endommagé.

Au cours de la nuit, 17 véhicules et 15 containers poubelles ont été incendiés en zone police, notamment à Givors, Rillieux-la-Pape et Villefranche-sur-Saône selon Le Progrès.

(1 : «Moi j’espère, Inch Allah, retourner dans mon pays» En octobre 1992, Khaled Kelkal avait été longuement interviewé par un universitaire allemand. » [archive], sur Libération.fr (consulté le 21 décembre 2015)

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