Jean Tamalet. Je boutonne ma robe. Je lutte pour retenir mes larmes. Procès des attentats du 13/11.2015

Parfois, lorsque nous boutonnons notre robe, nous savons que le combat va être rude, que la journée ne sera pas facile.

Quelques fois aussi, nous savons que nous nous apprêtons à écouter des victimes ou des témoins, à rester silencieux, à respecter consciencieusement la douleur et à observer un effacement que commande la décence mais aussi l’humilité.

L’audience de ce jour au procès des attentats du 13/11/15 était dure, particulièrement dure, comme à pu être celle d’hier.

Je n’éprouve pas la moindre honte à dire que j’ai lutté, par respect pour les parties civiles, pour retenir des larmes.

Ce que j’en retiendrai? La dignité incroyable des victimes. Leur résilience. Mais aussi leur profonde souffrance et leurs cicatrices dont je sais bien qu’elles ne se refermeront jamais.

Des survivants. Des héros

D’ailleurs je ne devrais pas les appeler victimes car ils détestent cette étiquette. Ce sont des survivants. Ils sont cassés mais ont triomphé. Aujourd’hui j’ai vu des héros. Qui se tiennent droit. De ceux qui ont toisé la mort dans les yeux, ont traversé les enfers, y ont laissé un proche, un amoureux, une amoureuse, un membre, une vie, et se sont tant bien que mal relevés.

Je retiendrai les gueules cassées, défiguréss comme les poilus des tranchées de Verdun. Les dizaines d’opérations. Les années de thérapie.

Je retiendrai les cicatrices à vie des blessés psychiques, fendus en deux entre culpabilité du survivant et développement de syndromes post traumatiques graves.

Je retiendrai l’odeur du sang et de la poudre, les râles des mourants, la matière organique dans les cheveux, la dévastation des corps, le supplice des innocents, les pleurs, les peurs, les courages ultimes et rayonnants,

Les regards vides et exempts d’empathie et même d’émotion des principaux accusés dans le box

Mais aussi la détermination froide et déshumanisée des terroristes ce jour-là … Les regards vides et exempts d’empathie et même d’émotion des principaux accusés dans le box…

Aujourd’hui Je retiendrai cette invocation de mon client, cette invitation à la réflexion sur les origines, les racines du mal, les causes de cette haine et la nécessaire autocritique que seuls les survivants des plus horribles drames et leurs parents sont légitimes à évoquer quand on parle de leurs bourreaux.

Comment en sommes nous arrivés là?

© Jean Tamalet

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