Courez voir BAC Nord, le film de Cédric Jimenez. Le premier vrai film non pas sur la banlieue, mais sur la manière dont la hiérarchie policière et la justice empêchent les policiers de faire leur métier.
Le film a pour base narrative une affaire authentique de policiers soit disant ripoux. En 2012, des policiers de la Brigade anti criminalité des quartiers nord de Marseille, avaient été accusés de racketter les dealers pour leur propre compte. La police des polices avait monté un dossier et un juge avait embastillé les policiers. Ils n’ont pu s’en sortir qu’en cédant au chantage de la justice et en balançant à leur tour, leur informateur.
La réalité est que pour démanteler un réseau de trafiquants de drogue, les policiers avaient besoin de cinq kilos de H. Ces 5 kilos devaient servir à rémunérer un informateur. La hiérarchie policière ayant refusé d’autoriser un prélèvement sur les prises de drogue antérieures, les policiers ont improvisé. Pour rémunérer leur informateur, ils ont racketté les clients qui venaient s’approvisionner dans les cités Nord de Marseille.
Leur hiérarchie le savait et lorsque les cinq kilos de H ont été réunis, le démantèlement du réseau marseillais a pu avoir lieu avec un parfait succès. La hiérarchie policière a bénéficié évidemment du démantèlement du circuit de drogue, mais quand la police des polices s’en est melée, ils ont lâché leurs subordonnés et les collègues aussi. Ils ne pouvaient apparaître comme ayant couvert un agissement « illégal ».
Ce film montre de bout en bout que la société vit sur une fiction. Les flics ripoux à l’ancienne, ceux qui se rémunèrent sur le trafic de drogue, ne peuvent le faire que quand le rapport de forces est à leur avantage. Pour ne pas aller en tôle, les trafiquants partagent leurs gains avec la police et les juges.
Mais aujourd’hui, le rapport de forces s’est inversé. Les trafiquants qui règnent en banlieue méprisent la police. Ils n’en ont pas peur, n’ont pas besoin de la payer, et balayent toute résistance légale à coups de cocktails molotovs et de kalachnikov. Le rapport de forces est à leur avantage et ils le savent. Les scènes du raid sur la cité des quartiers nord de Marseille dans le film BAC Nord sont un moment d’anthologie du cinéma d’action. On plonge dans Mad Max avec Mel Gibson.
Le film BAC Nord montre de manière très crue que, aujourd’hui, le fonctionnement de la justice et de la police des polices profite au trafic de drogue. Pour sauvegarder la fiction d’un fonctionnement « normal » de la société, le régalien (police/justice) vole sans arrêt au secours des trafiquants contre les policiers qui contournent les barrières légales pour faire leur métier.
La question est posée par les policiers dès les premières minutes du film: « mais à quoi on sert ? »
Yves Mamou
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