La Chronique de Michèle Chabelski. « Il veut pas »

Bon

 Lundi

 Si tu veux on peut prendre un café la semaine prochaine…

   …..

Silence

      Apparemment il ne veut pas…

  Ah ! Tu aimes le cinéma asiatique ?

Y a un film japonais, on pourrait y aller ensemble…

  ….

  Silence

   Ben non…

On pourrait pas…

   Après m’être cassé les incisives sur d’éloquents silences, je m’interroge…

   Ai-je émis une indécente proposition ?

   Ai-je opté pour une voix sucrée, un ton luxurieux, une intention libidineuse subliminale ?

  Quel signal lubrique ai-je infusé à ma proposition de partager un film?

    Je l’ignore…

  L’ombre d’une dissolution quelconque s’est-elle glissée dans mon offre que je croyais plus proche de la bourrade amicale que de de l’invite susurrée sur le macadam d’une rue mal famée?

     Je m’en ouvre à une amie.

    Vous savez l’amie qui est toujours là quand on a besoin d’elle, celle qui détresse l’écheveau parfois douloureux de l’incompréhension , qui détorsade les tortillons de l’incrédulité et rend claires les ombres du silence…

   Bref la vraie copine , quoi…

      Qui développe sa théorie de l’amitié homme/ femme…

    Ce sentiment paisible et délicieux ne peut toucher que ceux qui ont vécu dans une mixité de fratrie qui a compris très jeune que les filles sont des garçons comme les autres avec lesquelles on peut jouer au foot en privilégiant une cristallisation érotique unique …

  Ceux qui ont assez tôt vécu une relation mixte lavée de toute sensualité, ceux qui ont compris qu’on pouvait partager avec un autre humain , une femme par exemple, des instants libérés des scores triomphants des matches de foot ou rincés de la tension hormonale qui fait galoper l’imaginaire et hisser haut les couleurs du désir…

  Bref ceux qui savent qu’une fille c’est aussi un pote , une oreille, des fous rires et des coups bus en terrasse dans le soleil rasant d’un soir d’été…

  C’est à dire presque tous les jeunes élevés très tôt au biberon de la mixité scolaire …

  Mais les plus âgés, baby-boomers retraités et golfeurs, qui n’avaient d’autre choix que de mater les filles en loucedé et rêver de leurs seins naissants dans des boums aux effluves d’une concupiscence explosive, ils ont plus de mal à envisager la relation mixte comme amicale …

  Et quand une vieille dame indigne leur propose le café copain, ils effectuent illico une traduction simultanée du genre ah !!! Mon Adonis, Que fus je sans toi tout ce temps, et saurais-tu être celui qui fermera mes yeux dans un dernier élan orgasmique appelé petite mort et qui , vu mon âge, pourrait bien devenir la grande…

  Et peu désireux d’avoir à refuser ce qu’ils prennent pour des avances , au risque de passer , au mieux pour des goujats, au pire pour des impotents, et vu qu’ils guignent la jambe fuselée , le sein insolent et le regard effronté, ils ne voient pas pourquoi ils iraient perdre un temps devenu précieux à siroter un café en compagnie d’une grand-mère libérée du joug d’une libido désormais diluée dans les Kinders et les trottinettes…

 La grand-mère est un produit périmé, coincée entre la coéquipière professionnelle et la partenaire voluptueuse, elle se traîne en dernière place au box – office du lien social, la raideur articulaire et la ride incrustée n’attendrissent plus que les loulous qui interrogent parfois avec inquiétude sur l’obsolescence programmée de la mamie chaleureusement chérie…

  Voilà ce que détaille l’amie experte consultée…

Elle délire?

  Ah bon!!

  Bah, c’est pas grave en fait…

   Car les coteries de mères-grands partageant fous rires,  voyages, cinés , restos et mojitos sirotés au soleil rasant d’une belle soirée d’été demeurent une unité de plaisir à l’aune de laquelle meurent les rebuffades muettes de ceux qui ont discrètement pincé le nez…

  Pas de généralisation hâtive naturellement…

  Et puis je connais des grands-pères et des grands-mères qui ont traversé le temps sans se lâcher la main et qui sont restés de tendres amis en lieu et place des fougueux amants d’autrefois…

  Que cette journée qui sent la fin de la parenthèse estivale vous soit douce et active dans les préparatifs d’une rentrée qu’on prévoit chaotique…

      Je vous embrasse

 PS: j’ai mentionné le cinéma asiatique pour faire genre Je comprends quelque chose aux arcanes artistiques des réalisateurs de lointaines contrées…

 Hier j’ai vu un film où Oncle Vania se jouait en japonais, en mandarin, en coréen et en langage des signes … En même temps…

Oui oui…

© Michèle Chabelski

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2 Comments

  1. … peut-être que votre interlocuteur (ou trice) n’était tout simplement pas vacciné et donc ne pouvait pas aller au café ou au cinéma ou ou ou … dans ce monde de fou où les choses les plus simples deviennent compliquées… il vous reste la soirée « vidéo » sympa avec rétro-projecteur pour faire « grand écran » et coca dans le frigidaire et des bons fauteuils…

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