Georges Bensoussan. Réponse à la tribune parue dans Libération du 27 juillet 2021

Les « bons sentiments » sont le meilleur chemin de la mauvaise littérature pour paraphraser Gide, comme les « bonnes intentions » sont le meilleur aliment d’une histoire travestie en propagande. A fortiori lorsqu’est utilisé un argument d’autorité qui nous prévient que telle tribune a été signée par « 1000 personnalités internationalement reconnues » en oubliant qu’en faisant nombre, les intellectuels sont tout aussi grégaires que n’importe quel individu pris au hasard. Intellectuel se dit au singulier. Au pluriel, il vire rapidement à l’encasernement.

On lit dans cette tribune publiée par Libération qu’il faut dénoncer « l’état d’apartheid dans tout l’espace de la Palestine historique ». Ce qui inclut, on l’imagine, l’État d’Israël dans ses frontières du 4 juin 1967.

Apartheid en Israël ?  Illusion d’optique les députés arabes la Knesset,  le président de séance Ahmed Tibi, député arabe,  cette fin juillet 2021, illusion d’optique les noms des rues et les pancartes des bus en hébreu et en arabe, illusion d’optique le juge arabe membre de la Cour suprême, illusion d’optique les consuls et ambassadeurs arabes de l’Etat d’Israël dans le monde, illusion d’optique ma vision des fidèles musulmans faisant la prière dans les couloirs de l’hôpital Shaarei Tzedek à Jérusalem, illusion d’optique ces médecins et infirmiers arabes et juifs travaillant ensemble dans les hôpitaux israéliens.

Le mot apartheid comme le mot colonialisme fonctionne ici comme un outil de diabolisation. Il n’a plus aucune consistance historique mais fait seulement figure de repoussoir. C’est sa fonction. À cet étiage de la pensée, on songe au mot de Talleyrand, souvent cité, selon lequel « tout ce qui est exagéré est insignifiant ». Pauvre homme, il avait eu beau tout connaître de l’ancien régime à la restauration, il restait en deçà de ce que nous  endurons aujourd’hui.

La « Palestine historique »? Mais personne ne sait ce dont il s’agit puisque jusqu’aux années 1930, voire jusqu’à l’orée de la Seconde Guerre mondiale, les Arabes palestiniens eux-mêmes disaient, nombreux, appartenir à la « Syrie du sud » ( Suriya al Jannubiya).    Dans l’entre-deux-guerres, le mot Palestine renvoie majoritairement au Foyer national juif comme le montre la création en France, en 1926, de l’association pro-sioniste « France-Palestine ».

La « Palestine historique »? Personne n’en connaît les limites puisque dans le mandat de la SDN confié au Royaume Uni en juillet 1922, cette Palestine-là inclut la Jordanie actuelle. Peuplée présentement, majoritairement, de Palestiniens.  De quelle « Palestine historique » s’agit-il ? Celle des douze tribus d’Israël qui campaient sur les deux rives du Jourdain ? Celle de l’administration ottomane du XIX° siècle rattachée pour une part à Damas et pour une part à Beyrouth ?  On l’ignore.

Cette tribune est un appel au démantèlement de l’État d’Israël, désigné comme le paria de la planète

 Qu’on lise attentivement ces lignes et qu’on les relise. On en verra alors le poids des mots : cette tribune est un appel au démantèlement de l’État d’Israël.  De cet État désigné comme le paria de la planète, si l’affaire est avérée, le premier effort d’un intellectuel est de se demander pourquoi il est aux marges du monde civilisé. Comment un martèlement continu de haine sur plusieurs générations ( « Les Juifs sont nos chiens », « Égorgez les Juifs », Itbakh el Yahoud, criés dans les manifestations de 1920 à Jérusalem) a modelé la conscience israélienne et l’a orientée dans le seul souci de sa survie, puisque, à ce jour, cet État demeure le seul sur la planète dont le droit à l’existence est contesté par une partie de l’humanité qui n’entend pas partager le monde avec lui. 73 ans après sa fondation, l’existence de cet Etat est remise en cause par l’utilisation  du mot apartheid dont on sait qu’il vaut condamnation et appel à l’éradication.

Cette tribune aux allures progressistes reprend point par point  les arguments des brûlots racistes-antijuifs de la fin du XIXe siècle

   Le « peuple élu de la haine universelle » dont parlait Léon Pinsker en 1882 a glissé sur l’Etat d’Israël aujourd’hui. Cette tribune aux allures progressistes reprend point par point  les arguments des brûlots racistes-antijuifs de la fin du XIXe siècle, quand le « signe juif » figurait au centre des péchés du monde.  Au nom de la chrétienté, de l’Occident ou de la race, il fallait l’extirper. Aujourd’hui c’est au nom du progrès, de la liberté et de l’égalité entre les peuples qu’il faut démanteler ce régime. Lire : démanteler cet État.

Il n’y a pas de position politique sur ce conflit sans une connaissance impeccable de ses origines

La solution d’un problème est dans son origine, et la masquer revient à conforter l’oppresseur dans son rôle. Il n’y a pas de position politique sur ce conflit sans une connaissance impeccable de ses origines depuis 140 ans au moins. Et même plus loin en amont tant il faut prendre en compte ce que représente dans l’économie psychique des théodicées du monde chrétien et du monde musulman un signe juif souverain sur la « terre des ancêtres » : un quasi scandale ontologique.

Ce type de tribune condamne quinze millions d’hommes et de femmes, israéliens et palestiniens, à la haine perpétuelle

  C’est comprendre une situation qui importe et non de condamner tel ou tel dans des textes suintant le ressentiment et, pour certains des signataires, la cure analytique qui leur aura fait défaut. Une occupation militaire ? C’est vrai et c’est condamnable, parce qu’elle génère de l’oppression. Reste qu’en comprendre l’origine aidera à trouver la solution alors qu’une mise au pilori, quelle qu’en soit la victime, alimente la haine et aggrave le conflit.

Cette tribune fait état de rapports des Nations unies. Certes. Mais ils commenceront d’être pris au sérieux lorsque des Etats criminels cesseront de siéger à la commission des droits de l’homme. Les dernières lignes de ce texte évoquent la Nakba de 1948, la « loi fondamentale » de 2018, le « régime d’apartheid imposé au peuple palestinien résidant en Israël Palestine », et pour finir « le droit au retour de tous les exilés depuis la création de l’État d’Israël ».  Cette accumulation ferait sourire s’il ne s’agissait de l’avenir concret de près de quinze millions d’hommes et de femmes, israéliens et palestiniens, condamnés à vivre ensemble et que ce type de tribune condamne à la haine perpétuelle. Les Palestiniens reconnaissent eux-mêmes que les exilés de 1948 (dont l’immense majorité sont aujourd’hui disparus) ne sauraient revenir dans l’État d’Israël. Que nul n’est « exilé de père en fils » (de même qu’on n’est pas « déporté de père en fils »).

Cette proposition « du retour » a un but, et un seul: espérer la fin d’Israël par la submersion démographique

Cette proposition « du retour » a un but, et un seul, espérer la fin d’Israël par la submersion démographique. Le « retour des exilés » ?  Nul n’use de cette formulation à propos des douze millions d’Allemands expulsés en 1945 des Sudètes, de Pologne, des États baltes, de Russie et d’Ukraine. Nul ne la reprend au sujet des dix millions d’Indiens et de Pakistanais de 1947. Nul ne l’évoque à propos des dizaines et des dizaines d’exodes survenus depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale puisqu’on estime à plusieurs centaines de millions le nombre de réfugiés dans le monde. Les 750 000 réfugiés palestiniens de 1948 sont les seuls à disposer depuis 1949 d’une agence spécialisée de l’ONU (UNRWA). Et pourquoi, sinon comme l’exhibition d’un « péché originel » qui empêcherait à tout jamais cet État d’exister.

 Enfin, si « retour des exilés » il devait y avoir, il faudrait commencer par les 130 000 Juifs d’Irak condamnés à quitter leur patrie, brutalisés, torturés, et se retrouvant tous du jour au lendemain dans un État d’Israël qu’ils ne souhaitaient pas gagner. Il faudra continuer par les Juifs de Syrie, par ceux de Libye et par ceux d’Égypte condamnés aux mêmes souffrances et dont les descendants, leurs petits-enfants, sont aujourd’hui en grande majorité citoyens de l’État d’Israël, n’exhibant pas de carte d' »exilé », n’émargeant à aucun budget des Nations unies, et n’ayant jamais perçu le moindre dollar d’aide internationale.

Cet acte d’accusation

Et s’il fallait reprendre point par point cet acte d’accusation, il faudrait en premier lieu interroger ce qui s’est passé en Israël/Palestine en 1948, telle l’image inversée d’une purification ethnique souhaitée par l’un des deux camps. Aujourd’hui, la partie arabe considère comme allant de soi l’élimination de toute présence juive dans les territoires sous sa juridiction, et estime tout aussi évidente une présence arabe dans les territoires sous juridiction juive. Enfin, si l’on compte douze députés arabes à la Knesset, on se prend à rêver aux députés juifs qui auraient dû normalement prendre la parole dans les parlements des pays arabes où vivaient jadis leurs communautés.

« Purification ethnique » ? Décidément, notait Proust, les faits ne pénètrent pas dans l’univers des croyances.

© Georges Bensoussan

Historien

Dernier ouvrage paru : L’Alliance israélite universelle (1860-2020). Juifs d’Orient, Lumières d’Occident, Albin Michel, 2020.

https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/pour-que-2021-soit-lannee-de-la-fin-de-lapartheid-en-israel-20210727_DRP24UOQRFB7TBR3KZFVYEEG6A/

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35 Comments

  1. Bravo mon cher Georges bensoussan tu as tout dit et tout résumé et je n’ai rien a rajouter très bel article ! Libération raconte n’importe quoi et libération c’est un torchon de plumitifs qui écrivent n’importe quoi !

    • Libé a eu ce texte en mains. L’auteur a eu la loyauté de l’envoyer à Libé, diffuseur de la « Tribune ».
      Allez savoir pourquoi: ces 2 pages n’ont pas eu les faveurs du journal, lequel a choisi de donner la parole à Denis Charbit.
      Qu’ici nous ne relayerons pas: le texte de Georges Bensoussan nous paraissant exhaustif et honnête.

  2. Cher Monsieur,
    J’ai lu La Tribune de Libération et j’ai eu envie de vomir de tant de bêtises, de mensonges, de graves erreurs historiques.
    Que de haine insensée envers Israël. Que de haine insensée et depuis si longtemps envers le peuple juif qui ne demande qu’à vivre en paix. Vous êtes dans mon cœur et je vous aime. Une vieille française de souche.

  3. Libé est un torchon racialiste et antisioniste donc raciste et antisémite. Proche des fachos du PIR (comme Le Monde) et fondé parJean paul sartre le fasciste qui appelait à assassiner les Blancs et qui applaudissait des deux mains après l’attentat de Munich qui s’est soldée par l’assassinat de 11 membres de l’équipe olympique d’Israël.

  4. Cher Georges
    Toi seul possède les compétences historiques et le talent littéraire pour répondre à ce brûlot truffé de mensonges qui décrédibilise une fois encore Libé .
    Merci au nom de l’état d’Israel. Affectueux souvenir.

  5. Pourquoi s’inquiéter?
    Quand l’administration US est démocrate, les islamonazis en profite, quand l’administration est conservatrice, ils se taisent.
    Actuellement l’idée de séparatisme traverse lesprit de + en + damericains et bientot nous aurons 2 amériques du nord, dont les plus puissants à nos cotés.
    Ne vous inquietez pas.

  6. M.Bensoussan votre réponse à cette tribune de Libération reveillera, je l’espère, les consciences et obligera ces « intellectuels » à revoir leur copie et surtout à réouvrir leurs livres d’histoire. Il serait bon de publier le nom des signataires de cette tribune. Edgar Morin-Nahum signataire, sert-il de cache-….. en tant que juif renégat ?

  7. Ce que vous racontez est vérifiable ! Israël depuis sa création essaye de dialoguer, secourir, distribue l’eau, l’électricité, opère et soigne et tant de choses ! Au nom de quoi ? Et cela depuis 70 ans , l’Arabe est libre de circuler en Israël, le contraire le juif ne peut rentrer dans un village arabe ! Sans parler des pays arabes en général, je fais aussi un parallèle avec la France : nous nous sommes sauvé de l’algérie avec pertes et fracas , et les algériens font la loi en France , je ne parle pas de ce torchon libération aux abois pour avoir une clientèle de jaloux ou de naïfs

  8. 1000 falsificateurs de l’Histoire!
    Ou des vrais ignares ignorants ?
    Ou des faux ignares qui abdiquent leur intelligence et leur esprit critique et tout morale à « La Cause »!
    Jusqu’en 1967, Israël était perçu comme le petit David face au Goliath Arabe qui voulait le détruire je m’en souviens c’était Avant le concept du « pauvre peuple palestinien »
    Quelle époustouflante réussite marketing !

    • Oui, réussite marketing directement liée à la venimeuse déclaration du Général de Gaulle peu après la Guerre des Six Jours, à savoir : « le peuple juif est un peuple d’élite, sûr de lui et dominateur ».
      Le Grand Rabbin de France à l’époque, (Kaplan), s’est permis de demander audience au Président pour lui faire remarquer que ses quelques mots risquaient d’être exploités par les antisémites en France, dans les pays arabes et partout ailleurs, mais le hautin Général n’en a pas tenu compte et ne s’est pas excusé.
      L.

  9. Merci M.Bensoussan,vos analyses sont comme toujours nettes claires précises et historiquement argumentées . Bravo! mais que faire il n’y
    pas plus (sourd) menteur et tricheur que celui qui ne veux rien entendre.

  10. Merci pour ce texte.

    Vous auriez pu, aussi, citer l’occupation de Chypre par la Turquie, sans acun droit historique, qui laisse nos gauchistes totalements indifférents …

    • A l’époque la Grèce n’était pas encore dans le « Marché Commun » et la Turquie était l’alliée des Etats Unis. L’invasion a fait grand bruit, il y eut des mouvements navals en direction de l’ile, mais personne n’a eu envie de tirer le moindre coup de semonce. Aujourd’hui la République Turque de Chypre du Nord, reconnue par la seule Turquie, est devenue un refuge d’exilés fiscaux.

  11. oui en France la pensée gauchisante qui s’est infiltrée dans les médias a tendance à critiquer Israël et à le diaboliser par une guerre de la communication. A force de dire chaque jour que les Palestiniens sont des victimes les lecteurs du Monde et de Libération ont intégré cela comme une vérité. Nous avons laissé faire pensant que ces excès ne seraient pas pris en considération. C’était une erreur. Les Arabo musulmans bénéficient de la même mansuétude au regard de l’esclavage qu’ils ont pratiqué pendant plusieurs siècles Se reporter au livre de Tidiane N’diaye Le génocide voilé. Sans oublier l’occupation de tous les territoires de l’Afrique du Nord pris aux Berbères, aux kabyles, aux Coptes etc.

  12. Quand les musulmans demanderont-ils pardon pour l’esclavage des chrétiens et des noirs qu’ils castraient ainsi que pour tous les massacres des peuples qu’ils occupaient et soumettaient comme l’Espagne pendant 800ans? Pourquoi eux ne font jamais repentance ?

    • La repentance c’est réservé aux Français blancs et cathos qui en redemandent sans cesse et l’offrent même à ceux qui n’en ont que faire.

  13. Avec tous mes respects pour Mr Bensoussan,
    Non les 750 000 exilés palestiniens de 1948 n’ont pas disparu. Ils sont pour la majorité avec leur enfants au Liban et contribuent avec le million de réfugiés syriens à alourdir la souffrance de ce pays. Puisque le Liban grand comme l’île de France, accueille entre 700 000 et 1 million de réfugiés palestiniens et autant de Syriens sans aucune aide internationale.
    Alors, non on ne peut pas les rayer ainsi en un paragraphe dans cet article.

  14. Respect pour vous Monsieur Bensoussan , car il doit être éreintant de remettre sur la table les faits , rien que les faits historiques , tordus , tronqués, par ceux , et ils sont nombreux , qui crient à l’Hallali , qui ont sous couvert de défendre l’injustice , certes regrettable que vivent certains palestiniens, la rage de détruire cet Israél , de se battre contre ces juifs du dedans et du dehors , trop présents , partout. Qu’il doit être exténuant , le rôle que vous prenez à cœur de défendre . Merci.

  15. Il ne faut plus lire les torchons antisémites : l’Abération et l’Immonde.
    Les journamerdes de ces torchons bavent de haine en voyant ce qu’est la Réalité Israelienne.
    Ils se disent : « Mais où sont NOS juifs à l’échine courbé, où sont NOS juifs souffre-douleurs, où sont NOS juifs soumis qu’on puissent les plaindre, ….. ».
    Messieurs les journamerdes antisémites de l’Abération et de l’Immonde, CES juifs que vous regrettez n’existent plus. Et il ne reste que vos yeux pour pleurer.
    Vous êtes 2 ventres merdiatiques d’où la bête immonde peut encore surgir.
    Messeiurs les journamerde de l’Abération et de l’Immonde, le moment venu, j’irai cracher sur vos tombes.

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