Cet antisémitisme qui s’éternise…
« Il faut quand même admettre que les juifs… » sort un beau jour lors d’un déjeuner entre vieux copains un ami de trente ans en se goinfrant de brochettes dans le jardin de cette belle maison ancienne des Pyrénées…
« Ah mais je ne savais pas que vous étiez israélite« , sursaute cette élégante collègue au moment où, dans la complice moiteur d’un soir d’été la conversation prenait un tour plus tendre…
« Ah, ceux-là, je les passerais au bazooka« , s’exclame au passage de Juifs en schtreimel une personne replète cherchant à se faire reconnaître comme juive au nom d’un arrière grand père polonais…
Un président, puis un autre, dans une rue de Tel Aviv ou de Jérusalem, fait quasiment le coup de poing sous les caméras afin de bien prouver qu’il est français, lui. Le tout avec des mots plutôt süssauer…
Israël, Israël, écrit trois fois le candidat dictateur en un tweet de six lignes évoquant Pegasus…
« Oui, mais quand même, ce sont les juifs qui ont tué Jésus« , dit très naturellement la dame du gîte rural noté six girolles en vous faisant visiter, clef de fer en main, l’abside romane voisine avant le dîner servi à la chaleureuse table d’hôtes…
Sans oublier les courageux rebelles qui un samedi d’été troquaient le gilet jaune pour une étoile jaune afin de mieux crier leur refus d’un vaccin destiné, selon eux, à enrichir les ploutocrates cosmopolites…
Cosmopolite, se disait la carte du restaurant juif de notre enfance. Cosmopolite est notre culture, notre enracinement au monde, notre cuisine, notre vision de l’histoire, notre façon de vivre, d’aimer, de penser… Cosmopolite était déjà Jacob poussant chèvres et brebis sur une terre d’Égypte où d’entrée de jeu on lui dit que « ici » on n’aimait pas les bergers « venus d’ailleurs« .
« C’est pas d’ici ces petits cheveux frisés« , disait affectueusement l’institutrice.
« Ah, mon fils – me disait un jour mon père – Ah, mon fils, ton grand-père se faisait injurier comme Juif et baissait la tête, moi je me faisais injurier comme Juif et je donnais un coup de poing, toi tu frapperas avant qu’on ne t’injurie…«
Quand je vois le monde comme il est, combien je suis heureux et fier de savoir qu’il existe, même si de partout menacée, cette petite nation, Israël, son armée, ses tanks et ses avions… Quelle exaltation, vingt-deux ans après la chute et l’écrasement du nazisme, que ce jour de juin soixante-sept où Jérusalem fut enfin libérée, réunie…
Même si, même si, sournoisement, têtu, bête, stupide, méchant, cet affreusement tenace antisémitisme est toujours là, couvant, prêt à exploser, entre les pavés des rues ou les grains de sable d’une plage normande.
© Jacques Neuburger
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