À l’extrémité de notre « modèle » infantilisant se dresse l’irresponsabilité des antivaccins. La faiblesse de l’État pourrait nous coûter très cher.
Le dernier épisode du mauvais feuilleton de la vaccination contre le coronavirus n’est pas, cette fois, imputable au gouvernement mais aux Français eux-mêmes. Si fiasco il y a, il montre les limites d’un système où l’esprit civique et le sens du collectif sont en voie de disparition.
Tels sont les effets du nihilisme et du chacun pour soi. Un homme d’État ne peut pas accepter que tant de Français refusent, pour une raison ou une autre, les injonctions à se faire vacciner. Nous sommes là au bout de notre « modèle » infantilisant : une société à irresponsabilité illimitée où chacun fait ce qui lui plaît, aux frais de la princesse.
Les Français ne supportent le pouvoir qu’à condition qu’il ne s’exerce pas. Observez comme l’État semble désemparé devant les « réfractaires » au vaccin, qui, pouvant être contaminés à tout moment, mettent en danger la vie de leurs proches et en péril la perspective d’un retour du pays à la vie normale, sans Covid. Il ne faut pas les discriminer, paraît-il.
Eh bien, stigmatisons-les : le cauchemar d’un nouveau confinement se profile pour l’automne. Quand plus de 60 % d’une population est vaccinée avec au moins une première dose, elle est encore loin d’avoir atteint le stade de l’immunité collective, que l’Institut Pasteur vient de relever à 90 %, à cause du variant Delta, nettement plus contagieux que le virus ordinaire.
« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres » : toute société digne de ce nom est fondée sur ce principe édicté par John Stuart Mill, philosophe et économiste britannique du XIXe siècle, féministe avant l’heure, père du socialisme libéral. Que reste-t-il du sacro-saint « vivre ensemble » quand cette règle élémentaire est piétinée ?
Homme d’État du quinquennat, Bruno Le Maire s’est prononcé en faveur de l’obligation de la vaccination, au moins pour les catégories les plus exposées de la population, comme les personnels soignants. François Bayrou est, lui, partisan de la vaccination obligatoire pour tous. Et il rappelle que chaque bébé reçoit 11 vaccins à sa naissance. En voilà deux qui ont bien mérité de la patrie.
Les « réfractaires » nous condamnent au confinement à perpétuité, catastrophe économique et psychologique. Sous prétexte de préserver la liberté vaccinale d’une minorité réticente, il faudrait donc se résoudre, dans quelques semaines, à de nouvelles restrictions sur la liberté de circulation du plus grand nombre !
Dans son infinie bonté, l’État-maman assure la gratuité des tests PCR et antigéniques, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des pays du monde. Soit 100 millions par jour et 5 milliards par an. Avant d’en venir à l’extrémité de l’obligation vaccinale, n’est-il pas temps de mettre fin à tous ces avantages pour ceux qui n’ont pas voulu se faire piquer ?
L’État doit se faire respecter et c’est son épuisement non dénué de faiblesse, voire de veulerie, qui crée dans le pays ce sentiment de délitement. Une nouvelle preuve en a été donnée avec la stupéfiante perquisition au ministère de la Justice, jeudi dernier. Enquêtant sur deux affaires où Éric Dupond-Moretti aurait pu être « en conflit d’intérêts » sous prétexte qu’elles étaient en rapport avec ses anciennes activités d’avocat, trois magistrats déchaînés de la Cour de justice ont vidé de leur contenu les portables du garde des Sceaux et de ses collaborateurs avant de faire éventrer deux coffres-forts, qui se sont révélés… vides.
Pourquoi ce déploiement et ce dévoiement de moyens quand on sait que, dans les deux affaires, les procédures administratives avaient déjà été déclenchées par Nicole Belloubet, qui a précédé Me Dupond-Moretti à ce poste ? Parce que la magistrature veut faire oublier qu’il avait fait l’objet, comme beaucoup d’autres avocats, d’écoutes téléphoniques illégales dans le cadre d’une enquête sur Sarkozy. Des mœurs de république bananière sur lesquelles la hiérarchie judiciaire a décidé de mettre un mouchoir. Circulez, il n’y a rien à voir, il s’agit maintenant de faire passer la victime pour un coupable ! Chacun fait ce qui lui plaît, on vous le dit. La justice aussi. L’information judiciaire contre Éric Dupond-Moretti a été ouverte par François Molins, procureur général près la Cour de cassation, qui doit sa carrière à Sarkozy et cherche à le faire oublier. Un peu auparavant, le même avait pourtant demandé in fine la tête du garde des Sceaux dans une tribune du Monde. Curieux, non ?
François Molins ne s’est pas senti étouffé par un quelconque « conflit d’intérêts ». Où est le droit ? Au rancart. Encore une illustration du « tout pour ma gueule ». En attendant que des juges surexcités perquisitionnent, pour Dieu sait quelle raison, le bureau de Macron à l’Élysée ? §
Illustration : DUSAULT pour « LE POINT »
Source : Le Point
Poster un Commentaire