Ça s’est passé aujourd’hui – 10 juillet 1947 : L’Exodus prend le large

Dans la nuit du 10 au 11 juillet 1947 commençait le périple de l’Exodus. Le peuple juif embarque alors le cœur plein d’espoir et vogue vers sa liberté retrouvée.

Dans la nuit du 10 au 11 juillet 1947 commençait le périple de l’Exodus.

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux survivants de la Shoah cherchent à émigrer clandestinement d’Europe vers la Palestine, alors sous mandat britannique. L’immigration juive y est alors énormément régulée, afin notamment d’éviter les tensions avec les populations arabes.

Le navire quitte le port de Sète, en France, le 11 juillet 1947 avec 4 500 personnes à bord, tous rescapés de la Shoah. Destination : la liberté retrouvée

Le cap est alors mis sur la Palestine mandataire.

Le mercredi 16 juillet, cinq contre-torpilleurs sont désormais dans le sillage de l’Exodus. Leur message est clair : faire demi-tour avant d’arriver en eaux territoriales de la Palestine mandataire. La marine royale britannique prend en chasse le navire et l’arraisonne à mesure qu’il approche des côtes de la Palestine.

Les passagers de l’Exodus sont alors envoyés à Chypre, puis chargés sur trois navires, chargés de les ramener à leur point de départ. Le mercredi 23 juillet, le conseil des ministres du gouvernement français se réunit au château de Rambouillet, et ajoutent au dernier moment à l’ordre du jour l’affaire de l’Exodus dont la discussion durera deux heures. À la fin de cette réunion, le porte-parole du gouvernement, François Mitterrand fait la déclaration suivante : « Dans le cas douloureux, simple du point de vue du droit international, mais compliqué si l’on s’en réfère à l’enchevêtrement des faits, la France a l’intention d’adopter une attitude d’humanité. Si les navires qui transportent les émigrants touchent à nouveau un de ses ports, la France n’a pas l’intention de leur fermer ses portes, mais elle ne les contraindra pas non plus à descendre sur terre. Elle adoptera à leur égard une position humaine en fournissant des secours immédiats à ceux qui voudront demeurer sur son sol. »

Le 29 juillet dans la matinée, les bateaux stoppent devant Port-de-Bouc, mais devant le refus des prisonniers de débarquer et les pourparlers franco-britanniques qui s’éternisent, ceux-ci demeurent inertes jusqu’au 23 août. Le gouvernement français communique : « Le gouvernement français fait savoir aux immigrants de l’Exodus 47 qu’avec leur consentement, il leur sera donné asile sur le sol français où ils jouiront de toutes leurs libertés. » Une commission d’enquête internationale de l’ONU est alors mise en place. Le nombre d’émigrants qui ont débarqué sur le sol français en près de 4 semaines s’élève à 138. Les autres refusent catégoriquement et répliquent : « Nous sommes sensibles à l’offre de la France mais nous désirons nous rendre en Palestine, on ne nous débarquera ici que morts. »

Vers l’Allemagne

Le 29 août entre 7 et 9 h du matin, les trois bateaux cages appareillent et aperçoivent l’estuaire de l’Elbe le 6 septembre dans la soirée. L’Ocean Vigour accoste le dimanche 7 septembre au soir au quai 29 à Hambourg mais le débarquement ne commence que le lendemain à 6 h du matin. Tout est prévu sur le quai no 29 pour accueillir les prisonniers : forces militaires et policières, lances à incendie, grenades lacrymogènes, ambulances de la Croix-Rouge et présence de l’office internationale des réfugiés, cette opération est baptisée Oasis.

Le gouvernement français offre aux émigrants l’hospitalité de la France en attendant l’admission légale en Palestine mais sous trois conditions : qu’ils y reviennent volontairement, que leur admission ne constitue pas un précédent pour l’admission ultérieure d’autres personnes déplacées venant d’Allemagne et que le chiffre des réfugiés accueillis reste dans les limites du contingent de 8 000 immigrants acceptés par la France.

Le 8 septembre à 17 h, l’Empire Rival s’amarre à son tour devant le dock 29. Le lendemain, le débarquement de l’Empire Rival se déroule presque sans difficulté, il n’y a pas de résistance de la part des migrants, ils refusent juste la nourriture au débarquement. Cette résignation semble désemparer les autorités qui s’attendaient à une vive opposition, mais une bombe à retardement prévue au quartier général de la Royal Navy avait été placée dans le navire pour éclater l’après-midi. Certains de l’Empire Rival savaient qu’une bombe avait été déposée dans le fond de la cale et c’était la raison de leur débarquement sans résistance.

Au débarquement du troisième navire, le Runnymede Park, les immigrants refusent de descendre et se retranchent dans les cales. Un ultimatum leur est communiqué mais en vain, ceux-ci démolissent les derniers escaliers d’accès. Le plan Oasis est alors appliqué, les soldats chargent sous des projectiles de toutes sortes et les prisonniers s’organisent dans le refus et le combat. Les passagers sont tout de même débarqués, à 13 h 30, c’est le dernier départ, l’opération Oasis est terminée, mais le bilan s’est soldé par 27 blessés, dix sept hommes et sept femmes dont trois soldats britanniques et une cinquantaine d’arrestations.

Les trains bondés d’immigrants se dirigent vers les camps allemands de Poppendorf et d’Amstau, près de Lübeck. Les émigrants de l’Empire Rival sont envoyés dans le camp d’Amstau pour leur « bonne conduite » lors du débarquement. Les convois ferroviaires organisés pour le transfert aux camps de la région de Lubeck sont de véritables wagons prisons.

Les internés déclarent des identités de fantaisie et le recensement se heurte à leur résistance passive. Les Anglais renoncent alors à établir un fichier et font appel une nouvelle fois à la France. Le jeudi 25 septembre, visite du consul général de France en zone britannique nord pour renouveler l’invitation du gouvernement français. Les Anglais affirment alors que si les Juifs refusent de se rendre en France, il sera entendu qu’ils restent en Allemagne de leur plein gré, ils verront alors leurs rations réduites. Pourtant seules quatre demandes sont enregistrées. La semaine suivante, la nourriture est diminuée de moitié et les internés n’ont ni chauffage, ni vêtements d’hiver. La presse du monde entier et en particulier britannique se déchaîne en termes violents, en faisant le parallèle avec les camps allemands et s’indigne du traitement infligé aux Juifs de l’Exodus. Le Manchester Guardian écrit le 10 septembre : « On ne s’attendait pas à une telle conduite de la part d’un gouvernement britannique encore moins d’un gouvernement travailliste. »

Finalement, quelques mois plus tard, tous les passagers de l’Exodus pourront atteindre la Terre Sainte. Certains reçoivent des visas légaux qui leur permettent de franchir la frontière à Strasbourg et d’embarquer au titre du quota d’immigration, à bord du paquebot Transylvania à destination d’Haïfa. D’autres embarquent à bord d’un caboteur, le Haportzin et 10 jours plus tard arrivent en Palestine. De plus, les internés de l’Exodus, ayant refusé de se faire faire des documents, commencèrent à s’évader et de nouveaux réfugiés, souvent venus de l’Est, s’installèrent à leur place dans les camps. C’est ainsi que la presque totalité des émigrants de l’Exodus quitta l’Allemagne. Par exemple, le 28 juillet, le New York Herald Tribune faisait paraître un reportage intitulé : Les Juifs de l’Exodus « sont chez eux », le reporter précise que « S’il reste encore en Allemagne quelques réfugiés de l’Exodus, il est impossible de les déceler. Les protestations anglaises sont mal et surtout tard venues ». Le 7 septembre, les derniers immigrants de l’Exodus ont été sortis d’Allemagne avec la montée des soixante-dix passagers du bateau Kadimah. Quant au bateau lui-même, en août 1952 il sombra à Haïfa, détruit par un incendie. Le capitaine du navire, Ike Aronowicz, né en 1923, est mort le 23 décembre 2009.

Des années après l’Exodus, la loi du Retour est votée le 5 juillet 1950 par le Parlement de Jérusalem : « Tout Juif, où qu’il se trouve dans le monde, a le droit d’immigrer dans la patrie historique du peuple d’Israël ».

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