Entretien entre José Mª Sánchez Galera et Robert Redeker pour El Debate de Hoy (Fondation universitaire CEU, Madrid)
En préalable au verbatim de l’entretien, un paragraphe d’introduction donne envie d’en savoir plus : Robert Redeker est associé à » cette France où l’on n’allait pas à la messe en survêtement. De la France d’ Alain Barrière , Charles Aznavour , et même Fernandel. Cette France des vignes, des camionnettes Renault, des boulangeries qui parfument les rues. Des grands-mères qui font de la confiture pendant que le laitier frappe à la porte. » Est évoquée encore « son énorme capacité à comprendre les phénomènes anthropologiques et sociologiques, à les replacer dans leur contexte et à les interpréter…«
José Mª Sánchez Galera. La France est actuellement l’un des principaux foyers d’idées, en particulier d’opposition —très diversifiée— contre les doctrines imposées par le mondialisme, le progressisme, l’intelligentsia officielle, le politiquement correct ou peu importe comment vous voulez l’appeler. Modernité tardive, pourrait-on dire? Je pense à vous, à Fabrice Hadjadj, à Éric Zemmour, Chantal Delsol, Alain Finkielkraut, Michel Houellebecq …
Robert Redeker. Vous pourriez ajouter également Rémi Brague, Michel Onfray, et Jean-Pierre Le Goff, entre autres. Sans oublier mon ami Pierre-André Taguieff. L’hégémonie culturelle du camp qui s’autoproclame progressiste, bien qu’il ait favorisé de nombreuses régressions, comme la destruction de l’Ecole, le mépris de la nation, le refoulement du peuple, celui des valeurs populaires, celui du désir d’une identité nationale, s’effrite chaque jour un peu plus. Cette hégémonie, par laquelle la gauche et l’extrême-gauche se sont mises au service des intérêts du néocapitalisme mondialisé, qui s’est installé dans les années 70 et 80, enregistre des défaites. La principale est celle-ci : elle n’est plus en continuité avec l’état d’esprit de la nation. Elle domine encore dans le monde littéraire, dans le journalisme, dans l’enseignement, à l’Université, dans le show-business et le cinéma, mondes dans lesquels elle essaie d’exercer son terrorisme intellectuel, mais le reste de la population s’en est libéré. On parle de civilisation quand les œuvres de l’esprit expriment au niveau esthétique et intellectuel ce qu’une époque et un peuple ressentent profondément. Rien de plus merveilleux, rien de plus civilisé, de ce point de vue, que le XVIIème siècle français ! La France du XVIIème siècle était une civilisation en ce sens-là, comparable à Athènes en sa plus féconde période. La dichotomie actuelle entre le peuple et le monde culturel, lequel n’exprime ni n’exhibe plus rien que sa propre insularité, que sa sécession d’avec le pays, est un moment de décivilisation. L’on a parlé de civilisation française ; aujourd’hui, il faut parler de décivilisation française. Ou, plus justement : d’une façon générale la culture civilise, dans la France d’aujourd’hui, ceux qui se réclament de la culture décivilisent.
La « Nouvelle-France de ce siècle », c’est-à-dire, « la population d’implantation récente », comme vous dites —tout comme les « nouveaux Espagnols », tout comme la majorité des « nouveaux Européen »—, ne s’identifie pas à Jeanne d’Arc, ni à Vercingétorix, ni aux troubadours d’Avignon, ni Pasteur, ni de Gaulle, ni Napoléon, ni Zola, ni Chateaubriand … Évidemment, pas à Charles Martel, ou Charlemagne.
Tout est fait pour rendre impossible cette identification, sans laquelle pourtant il ne peut y avoir de peuple. L’identification réussie est une double incorporation : le nouvel arrivant incorpore le pays et son histoire, fait sienne cette histoire, quand en retour la nation incorpore ce nouvel arrivant, le digère, le mêle à sa propre chair. L’identification est un phénomène charnel. La nation est ma chair, ma chair participe à la chair nationale. L’incorporation peut se dire ainsi : entrer dans un corps, s’assimiler à lui, et laisser ce corps entrer en soi, le laisser m’assimiler. Le but du processus d’identification, d’assimilation, est le suivant : voir la nation et son histoire comme un prolongement de soi-même. C’est à l’Ecole, tout particulièrement aux cours de langue, de littérature, et d’histoire, que revient l’office de réaliser ce travail d’identification. L’Ecole, désormais, refuse d’enseigner les grandes figures de l’histoire de France dont vous venez de citer les noms. Les professeurs d’histoire, dans les classes, accusent la France de graves forfaits, favorisent la haine de la France, de même qu’ils s’excusent au nom de la France pour son passé, dont, selon eux, il faudrait avoir honte. Les professeurs de français, de leur côté, refusent d’enseigner la richesse et la complexité de la langue. Participant au processus de décivilisation, les uns et les autres valorisent, inversement, afin de flatter ces populations d’implantation récente, l’histoire arabo-musulmane et africaine, offrant aux élèves des mythes nationaux exotiques à opposer violemment au récit national français. A cause de cette perversion de l’enseignement, une partie non négligeable des nouveaux Français refuse d’intérioriser la civilisation française, de se fondre en elle, de se l’approprier et de se laisser approprier par elle, prenant la posture de l’opposition. Non pas l’opposition à un gouvernement, ce qui pourrait être compréhensible, mais l’opposition à la France en soi, à sa civilisation.
Dans Les Sentinelles d’humanité, vous exaltez, parmi de nombreux autres héros et saints, les « Poilus », l’infanterie au sol, de la Grande Guerre. À qui importent aujourd’hui ces héros simples, vulgaires et roturiers?
La doxa officielle, répercutée en particulier par notre chef de l’Etat lors des cérémonies commémorant le 11 novembre, cherche à les faire passer pour des victimes de la guerre. Ce mot renvoie à une passivité. Toute victime l’est involontairement. Par ce choix de vocabulaire on enlève à ces hommes du peuple, de la France d’en bas, paysans et ouvriers, la dignité de la volonté – or, ils voulaient sincèrement défendre la patrie, ils avaient un sentiment national, bien que, comme tout un chacun, ils haïssaient la guerre. Mais leur volonté et leur amour de la patrie étaient plus fortes que cette haine. D’autre part, il est significatif que l’Etat français fête la fin de la guerre, l’armistice, censurant le mot de victoire. L’on ne fête plus la victoire de 1918, mais l’armistice. La France officielle a honte de la victoire, dont les Poilus, tous les tombés de Verdun, et le soldat inconnu, eussent été fiers. Au moyen de cette astuce sémantique, l’on trahit ceux qui ont donné leur vie pour que la France continue d’exister. Derrière ces deux travestissements, changer les héros en victimes et la victoire en un armistice, se cache la honte et la haine de soi. L’élite française est possédée par la haine de la France (d’où sa fascination pour les rappeurs, braillards et vulgaires, chez qui la haine de la France est un thème récurrent, qui déclament vouloir la brûler, par exemple le choix consternant du pitoyable Youssoupha pour la chanson mascotte de l’équipe de France de football à l’Euro 2021), et en a honte. Ces soldats de la guerre de 14, ces innombrables anonymes, ces « petites gens », étaient le peuple. Ils étaient le sel de la terre de France, enfants d’une longue histoire. Ils étaient ce que nous avions de meilleur. Ils étaient ces « Gaulois réfractaires« , comme les appelle de façon méprisante Emmanuel Macron. Le vocabulaire politiquement correct employé pour parler d’eux en victimes trahit la haine du peuple propre aux élites françaises contemporaines.
Vous appelez « messe satanique » ces rituels, ces cérémonies nocturnes de fleurs, de bougies organisées dans les rues européennes, après chaque attaque islamique.
Oui, c’est un rituel que l’on pourrait ranger dans le registre de la sorcellerie. L’on s’offre au Mal. A travers ces cérémonies, nous nous excusons devant le Mal d’être ce que nous sommes. Nous exhibons devant lui notre faiblesse, pour qu’il nous prenne, pour qu’il allume l’incendie qui nous consumera. Nous nous prosternons devant lui. Nous lui indiquons que nous continuerons à nous laisser massacrer. Nous lui adressons un message : nous ne nous défendrons pas. Cette mascarade est un moyen détourné pour dire au Mal que l’approuvons, tant nous sommes convaincus que nous, Occidentaux, sommes les véritables mauvais, que le Mal, au fond, c’est nous. Tant nous sommes, dans les tréfonds de notre inconscient collectif, convaincus que nous sommes parvenus au stade de la juste punition, dont l’islamisme est le bourreau. Ces sinistres cérémonies nocturnes sont des messes noires au moyens desquelles, pour nous soulager de notre culpabilité, pour donner libre-cours à notre lâcheté, nous pactisons avec le Diable, lui montrant le feu vert pour d’autres attentats.
Selon vous, les héros sont désormais « les joueurs de football et les stars du show-business ». Ils sont aussi des prototypes de la nouvelle humanité; connectés sans cesser à leurs smartphones, posant sans cesser devant écrans et caméras.
J’ai la nostalgie de Platini, du Brésil de 1970 (sans doute la meilleure équipe jamais vue), des coupes d’Europe des clubs par élimination directe. Le temps du football heureux et insouciant, libre, est bien loin maintenant. Produits manufacturés par les industries mondialisées du divertissement, les stars du football contemporain sont des prototypes anthropologiques, des modélisations de ce que l’humain futur est appelé à devenir. Les joueurs de football sont très différents des champions des autres sports, par exemple les joueurs de rugby ou les coureurs cyclistes, qui sont encore des humains, avec qui l’on peut s’identifier, car ils nous ressemblent. Les grands footballeurs, eux, sont déjà des transhumains, vivant dans un monde parallèle, presque virtuel : humains extraterrestres évoluant dans une sorte de quatrième dimension. A ces « galactiques », comme il fut dit du temps de Zidane au Real, je préfère Federico Bahamontes, l’Aigle de Tolède, qui est pour moi un homme, un vrai. Ou Gino Bartali. Et surtout, le plus romanesque et romantique de tous les champions, le plus chevaleresque, Luis Ocaña. J’ai eu le cœur pincé d’émotion quand, il y a quelques années, à Tolède, je suis passé devant la maison qu’habite Bahamontes. Je vois avant tout les joueurs de football comme des ersatz de héros, jouant au sein de notre « présent liquide », pour reprendre un schéma de Zygmunt Baumann, le rôle que jouaient les véritables héros au temps où régnait, non pas le vide comme aujourd’hui, mais son contraire, le sens. « Le vide qui pénètre tout (…) représente une menace pour l’humanité actuelle, non la seule, mais du moins la plus grande » a constaté le philosophe tchèque, grande figure de la dissidence, Karel Kosik.
Pensez-vous que le vrai cheval de Troie du transhumanisme est-il la vie virtuelle? Maintenant, nous sommes obligés d’avoir de plus en plus de vie virtuelle. Même, il y a le désir, l’attrait, le projet d’éliminer l’argent liquide, pour que toute notre existence soit virtuelle, sans aucune liberté analogique.
« Pourquoi tout n’a-t-il pas encore disparu ?« , demandait, sur un mode leibnizien (« Pourquoi y’a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » était la grande question de Leibniz), Jean Baudrillard dans une de ses dernières publications. Mais tandis que Leibniz est le philosophe de la création, Baudrillard est celui de la disparition. Ce dont vous parlez, c’est d’une évaporation du monde. La déréalisation, la virtualisation, dont Jean Baudrillard a été à la fin du siècle dernier l’un des penseurs les plus incisifs, n’est que la propédeutique à l’étape suivante, dont les technologies numériques seront les outils, son évaporation. L’évaporation du monde et l’évaporation de l’homme figurent l’horizon de l’âge numérique. Le transhumanisme est exactement cette disparition de l’homme par évaporation. Le fait que l’on pourra sous peu, au moyen d’hologrammes, remettre sur scène Caruso, Callas, et les Beatles, pour des concerts « live », est le plus exact index de cette évaporation. L’hologramme, autrement dit l’inconsistant, l’impalpable, réplicable à l’infini, se confondra avec son modèle, que l’on ne pourra plus vraiment appeler la réalité, l’homme réel, de chair et d’os. L’hologramme entrera en réversibilité avec lui, autrement dit la réalité humaine aura disparu dans la vapeur.
La pensée conservatrice comprend que l’origine de cette contexte sociologique et culturel est dans la perte de la notion de limite. En fait, les pays adoptent des lois transsexuelles qui nient la réalité du sexe biologique, puisqu’elles superposent le concept de »genr » à volonté. Si nous pouvons être des hommes, des femmes ou des asexués, sur un coup de tête, pourquoi ne pas être un cyborg?
Sans doute est-ce cet homme évaporé que vous appelez le cyborg, une vapeur d’homme ? Le mépris pour la limite est le sentiment-type (un peu comme Max Weber parle d’idéal-type) de la modernité. Le fanatisme de la transgression, cet opium des intellectuels du XXème siècle, est le corollaire nécessaire de cette hostilité fondatrice à la limite. Dans le domaine artistique, toute transgression (fût-elle de la pure escroquerie) est présentée comme un acte d’héroïsme. Lorsque les médias veulent présenter favorablement un politicien, ils disent qu’il s’apprête à « casser les codes« , comprenons : à transgresser. Les médias et les courtisans se sont servis de cette rhétorique transgressive pour flatter Emmanuel Macron, faisant miroiter sa modernité, au moment de son élection en 2017. Mais dans la dernière décennie cette sympathie idéologique pour la transgression, liée à l’essence de la modernité, a pris pour cible les fondements anthropologiques de l’existence humaine, afin, vraisemblablement, de subvertir le mode occidental d’existence. L’alliance, au nom de l’intersectionnalité des luttes, entre les mouvements radicaux de destruction des barrières anthropologiques, où l’on trouve les néo-féministes, les mouvements LGBT+ les plus radicaux, les antisémites de gauche, et certains courants islamistes, n’est pas une rencontre de hasard : la subversion de l’Occident est leur but commun, malgré leurs motivations opposées, souvent logiquement incompatibles. Pourtant les uns (néoféministes, militants du genre, etc.) sont dans le refus de la limite, quand les autres (islamistes et écologistes radicaux) ne jurent que par les limites. Notons un paradoxe supplémentaire : les mêmes qui vouent un culte quasi fétichiste à la nature, au naturel, combattent, à travers la théorie du genre, les délires queer et trans, la naturalité de la sexualité humaine, promeuvent des gestes techniques antinaturels comme l’avortement et l’euthanasie, livrant la sexualité et la vie biologique à la technique. De nombreux pays occidentaux, comme le Canada, qui sert de modèle, promulguent en même temps des lois de protection de la nature et des lois de destruction de la naturalité des conditions anthropologiques.
Face à ce nouveau monde, vous revendiquez les saints et les héros, qui nous évitent de tomber dans la bestialité. Avant la bestialité animale, maintenant la bestialité technologique.
Je pourrais dire trois choses à leur sujet. D’abord, ils ont des ancres qui nous amarrent à la réalité et au bon sens. De ce fait, nous trouverons en eux les antidotes à l’évaporation de l’homme et du monde dont nous avons parlé. Personne n’est plus nuisible à la bêtise que les héros et les saints. Ensuite, ils sont des éclaireurs qui nous indiquent le chemin de la transcendance. Ils nous permettent alors de jeter l’ancre dans le Ciel, pour nous élever vers lui. Enfin, ils nous ramènent à nous-mêmes, donnant l’exemple de ce qu’un homme doit être, figurant notre devoir (la dignité que nous allons évoquer dans un instant), le mettant en images. C’est en ce sens qu’ils sont nos vrais maîtres. En gardant notre regard fixé vers eux, nous nous mettons en état de vivre selon ce que nous sommes par essence : ni bêtes (matérialisme), ni machines (transhumanisme), mais hommes.
Les classiques, les anciens disaient déjà que l’homme n’est ni dieu ni bête.
Ni ange non plus. La dignité humaine consiste à tenir son rang parmi les êtres vivants, lesquels se répartissent en trois classes : les anges, les hommes, et les bêtes. Les hommes sont des animaux dotés d’une âme, ce qui les rapproche des anges, et qui leur permet de communiquer avec l’univers invisible, mélangée à une composante biologique, le corps, ce qui les rapproche des bêtes. Mais ce n’est qu’un rapprochement métaphorique, leur corps étant promis à la résurrection. Quant à leur âme, elle est immortelle.
Quelle est-elle la cause de la plus grande ruine : oublier les traditions des grands-parents —de la prière du chapelet ou de la nourriture maison, ne dépenser que ce qui est nécessaire ou la piété envers le père et la mère— ou bannir le canon classique des plans d’étude, en le remplaçant par le »canon de la diversité »?
L’oubli des traditions, leur abandon – en fait, il s’agit d’un rejet organisé -, ou leur folklorisation, qui est l’oubli esthétisé, est l’autre face du fanatisme de la diversité qui dissout les sociétés occidentales de la modernité tardive. Aux yeux des prosélytes de la diversité, les traditions évoquent un monde clos. Ainsi, la haine des limites, de la finitude, la néophilie frénétique, poussent-elles aussi à cet abandon. Dans les milieux artistiques une obligation est apparue : faire l’éloge de la diversité et du métissage, de l’altérité, publier sa profession de foi antiraciste, antifasciste, antipatriarcale, gayfriendly, etc…. Ceux qui ne se plient pas à cette règle, qui refusent ce conformisme, ce folklore ridicule, qui n’entonnent pas cette prière sanglotante et repentante de l’homme blanc contemporain, sont impitoyablement éliminés de la scène publique. Tout dernièrement encore (en 2019), un collectif d’artistes et de poètes a, en France, apporté son soutien à l’assassin, le terroriste Cesare Battisti. Plus anciennement, il y a 20 ans, soutenir ce criminel qui à une certaine époque paraissait assoiffé de sang était plus ou moins obligatoire, si l’on tenait à continuer à travailler dans ces professions dites « culurelles ».
Un groupe musical folk québécois, Mes Aïeux, avait une chanson très célèbre, Dégénérations. Ils chantaient : « Ton arrière-grand-père, il a labouré la terre | Pis ton père il l’a vendue pour devenir fonctionnaire | Dans ton p’tit 3 1/2, bin trop cher, frette en hiver, il te vient des envies de devenir propriétaire ».
Un siècle résumé en un couplet !
Malgré tout, dans cette modernité tardive, comme vous les Français l’appelez, y a-t-il de l’espoir ?
Souvenons-nous de la philosophie de l’Histoire de Hegel. Les individus et les peuples agissent en fonction de buts qu’ils se représentent, mais à la fin, c’est autre chose, à quoi ils n’avaient pas pensé, qui se réalise. Je me permets de citer Hegel : « dans l’histoire universelle, il résulte des actions des hommes, quelque chose d’autre que ce qu’ils ont projeté ou atteint, que ce qu’ils savent et veulent immédiatement« . Cette structure de développement de l’Histoire, Hegel l’appelle « la ruse de la Raison« . Les hommes, par leur action, à leur insu et inconsciemment, seraient les instruments des fins voulues par la Raison. Marx, de son côté, a organisé son eschatologie révolutionnaire selon ce moule hégélien. La vérité est différente : il existe peut-être une Providence dans l’Histoire, qui interviendrait de temps à autres (l’on pourrait sans absurdité voir en De Gaulle et Jean-Paul II des envoyés de la Providence pour redresser le cours désespéré de l’Histoire), mais il n’y a absolument pas ce que Hegel appelait une Raison, qui la dirigerait de A à Z selon un plan, la conduisant vers son accomplissement. Cependant, nous rencontrons dans cette théorie un élément plein de vérité. Nous sommes conscients de ce que nous faisons, des buts que nous poursuivons, mais restons inconscients de ce qui en résultera, qui sera très différent de ce que nous aurons voulu, qui nous est aujourd’hui inconnu. L’espoir, c’est cet inconnu. Du présent nous ne pouvons déduire l’avenir. J’ajouterai, par un argument inductif, un autre motif d’espoir, tiré de l’expérience récente : l’Empire le plus puissant qu’ait engendré l’histoire, l’URSS, s’est effondré au bout de seulement 70 ans, renversé par les forces de l’esprit, dont le plus grand homme du XXème siècle, Jean-Paul II, fut le porteur.
Juin 2021.
Philosophe, Robert Redeker est auteur notamment de L’école fantôme ( 2016 chez Descléee de Brouwer ) et L’Eclipse de la mort ( 2017, Editions Desclée de Brouwer ).
https://eldebatedehoy.es/noticia/entrevista/30/06/2021/robert-redeker/
Entretien mené pour El Debate de Hoy par José Mª Sánchez Galera, écrivain, journaliste, consultant. Master en Marketing, Docteur en Sciences Humaines.
Les soi-disant « progressistes » sont en réalité les obsédés pathologiques de la « race » de l’identité et du genre. Donc des ultraréactionnaires.
« Political correctness is fascism pretending to be manners » (George Carlin). C’est à prendre au pied de la lettre.