Alexandre del Valle revient cette semaine sur un sujet qui fait rarement la Une de l’actualité de l’islamisme radical, accaparée par le terrorisme jihadiste, mais qui participe du large phénomène, complémentaire, qu’est l’islamisation douce, sociétale, institutionnelle et donc progressive de la société et, en l’occurrence du monde des entreprises, gangrenés peu à peu par les réseaux, prédicateurs, juristes et activites de l’islam radical.
L’islamisme vise de plus en plus les entreprises via certains réseaux et des activistes de l’islam radical.
Ce livre, que j’ai eu le plaisir de co-signer et auquel j’ai contribué sous la forme d’un article, est surtout le fruit d’un énorme travail de recherches effectuées par Leslie. J. Shaw, professeur à ESCP Business School et Président du Forum on Islamic Radicalism and Management (FIRM), sur l’impact croissant de l’islam politique sur le lieu de travail.
Ce chercheur irlandais, qui travaille depuis plus de dix ans sur ce thème et qui a pour cela rencontré tous les acteurs, analystes, chercheurs, entrepreneurs témoins de ce phénomène, a décrit de façon inédite et unique les stratégies et tactiques des associations et activistes islamistes déployées contre et dans le monde de l’entreprise.
Car la stratégie de l’infiltration des Frères musulmans – que nous avions étudiée dans notre ouvrage précédent, Le Projet – prend ici toute son sens. Elle est plus que corroborrée par des témoignages de terrains incontestables. Les auteurs, qui ont collectivement contribué à l’ouvrage-enquête, fruit également d’un colloque remarqué au Sénat, révèlent comment les relations organisationnelles sont progressivement bouleversées par les stratégies de pénétration islamistes afin de renverser l’autorité de l’employeur dans le cadre d’une véritable « guerre des représentations » parfaitement organisés, alimentés par des ressources financières massives et utilisant notre appareil judiciaire et législatif puis notre mauvaise conscience pour faire avancer leur programme néo-impérial, suprémaciste et obscurantiste.
La poussée planifiée de pratiques religieuses islamiques a commencé dans le secteur de la construction automobile au milieu des années 1980. Elle touche aujourd’hui tous les secteurs d’activités : transports, administrations, grandes surfaces, sociétés de sécurité, milieux associatifs, syndicats, aéroport…
Les lois et la jurisprudence placent l’entreprise dans une logique d’accommodement raisonnable, où l’employeur doit concilier l’efficience de son organisation et les convictions religieuses de ses salariés. Ce que les Italiens appellent les « atténuants culturels ».
Fondé sur des sources documentaires irréprochables, des entretiens et témoignages effectués auprès de cadres de grandes entreprises et d’analystes aguérris, implacable dans ses constatations, le présent travail de Leslie Shaw permet de comprendre cette inquiétante dérive mais aussi donne des pistes pour l’enrayer, à terme. Entretien avec le meilleur spécialiste européen et occidental de ce fait de société.
Alexandre del Valle : Vous travaillez sur ces questions depuis plus de 10 ans déjà, vous avez publié une version en anglais de cet ouvrage et vous avez même effectué maints colloques et work shops sur ce sujet. Pouvez-vous nous expliquer comment un économiste irlandais s’est intéressé à ce point et en détails à la question de la montée de l’islamisme dans les entreprises françaises, assez peu connue du grand public ?
Leslie Shaw : Depuis 35 ans, ma clientèle professionnelle est le secteur des entreprises françaises, à travers mes activités de formation dans les domaines de la négociation, du management interculturel et du travail en équipe. En 2016, j’ai rencontré le colonel Sébastien Forja, du GIGN, lorsqu’il a donné une conférence sur le djihad à l’ESCP Business School. Nous avons discuté des conséquences de ce phénomène sur le secteur des entreprises, ce qui m’a amené à réaliser une enquête pour mesurer l’impact du radicalisme islamique sur le lieu de travail.
ADV : En quoi vos recherches diffèrent-elles des études de l’OFRE [Observatoire du Fait Religieux en Entreprise] ?
LS : Le terme « fait religieux » est une façade qui masque le vrai problème, qui est la montée des revendications des employés musulmans. Je préfère une approche frontale, et la première question que j’ai posée concerne l’attitude des dirigeants d’entreprise face à la manifestation de pratiques religieuses au travail. Une écrasante majorité de répondants se déclarent opposés à l’affichage et à la pratique des croyances religieuses islamiques. Cette opposition est plus marquée en France : 96% des répondants comparé à 80% dans les autres pays occidentaux. En France, 57% des personnes interrogées déclarent avoir déjà rencontré des problèmes se rapportant à l’islam, comparé à 44% ailleurs. En ce qui concerne l’impact sur les collaborateurs non musulmans, les chiffres sont 37% pour la France et 26% pour les autres pays.
Les enquêtes de l’OFRE ignorent une question fondamentale, à savoir le risque sécuritaire lié à l’islamisme, un sujet qui préoccupe 9 professionnels sur 10 dans le monde de l’entreprise. Ces enquêtes, menées tous les ans depuis 2012 par l’OFRE en collaboration avec l’Institut Randstad et plus récemment l’Institut Montaigne, cherchent à éluder et minimiser la menace que l’islamisme pose pour le monde des entreprises, en se cachant derrière la notion de « fait religieux » et en posant la question en termes de liberté de conscience et de vivre-ensemble. Ceci est illustré par le titre du sondage 2020-21 – Religion au travail : croire au dialogue. Il ne s’agit pas de dialoguer avec des adversaires qui cherchent à imposer des normes islamiques dans les entreprises. Il s’agit d’endiguer ce mouvement.
En termes de méthodologie, l’enquête de l’OFRE est une véritable usine à gaz : il y a trop de questions et j’estime qu’il faudrait au moins deux heures pour le remplir. Il est diffusé auprès de 25.000 entreprises, mais le taux de réponse tourne autour de 4,5%. Par ailleurs, Lionel Honoré publie son questionnaire sur son profil LinkedIn, ce qui le rend accessible aux membres de son réseau – par exemple, des étudiants – qui ne sont pas représentatifs du monde professionnel.
ADV : Les livres, les études académiques et surtout les articles de presse sur le fait religieux et l’entrisme islamique ne manquent pas. Quelle est la spécificité de vos travaux par rapport à des publications existantes ?
LS : Les recherches et enquêtes traitant de la religiosité au travail sont, de manière générale, effectuées par des sociologues, des journalistes et des organismes professionnels des ressources humaines. Ces travaux ont un intérêt limité en ce qu’elles sont trop générales et tournent autour du sujet principal sans l’aborder, qui est la menace grandissante que pose l’islamisme. Le terme « religion » est utilisé comme un masque occultant la réalité. Les enquêtes sont également trop générales et superficielles pour refléter les soucis réels du monde de l’entreprise et la menace sécuritaire est notable par son absence. Les articles académiques consacrés aux sujets comme le port du voile ou les pauses prières au travail sont légion et en général favorables à ces pratiques, au nom de la diversité et l’inclusion. Ceci n’est pas étonnant si on considère que le milieu universitaire et des grandes écoles est totalement gagné par une idéologie obsédée par la justice sociale, l’égalité raciale et religieuse et la supposée oppression des minorités. Dans ces circonstances, une analyse détachée de l’impact des revendications musulmanes dans les entreprises est quasiment impossible, parce que la vaste majorité des universitaires adhèrent à cette idéologie, et ceux qui n’y adhèrent pas craignent des représailles s’ils s’aventureraient à examiner ce sujet. Je connais des confrères économistes qui se sont déjà heurté à ce problème, notamment en ce que cela représente en termes de menace sur l’avancement de leurs carrières. J’ai eu moi-même des reproches comme quoi mes publications ne seraient pas en phase avec les valeurs éthiques, humanistes et d’ouverture de mon employeur. On m’a aussi accusé d’avoir mis en danger les étudiants et le personnel de mon école en publiant des articles sur l’islam politique.
D’après moi, l’idée dominante de la séparation de l’Église et de l’État est que son objectif principal est d’empêcher le gouvernement de promouvoir ou de retarder la religion – ou, en termes économiques, de subventionner ou de taxer la religion. Les économistes sont experts dans le discernement de l’existence, parfois fortement déguisée, de taxes et de subventions.
Pour un économiste, il n’y a aucune différence entre une nuisance – par exemple, la pollution atmosphérique – qui inflige des coûts à des tiers supérieurs aux avantages pour les transacteurs, et une religion – quelle quelle soit – qui inflige des coûts aux non-adhérents qu’ils seraient prêts à payer quelque chose, peut-être beaucoup, pour supprimer. Même la condition selon laquelle la majorité doit être prête à payer suffisamment pour compenser la minorité (que la compensation soit effectivement versée ou non) n’est pas sûre. Elle suppose que les membres de la religion minoritaire ont, en quelque sorte, un droit de propriété sur leurs croyances religieuses, de sorte que la majorité doit acheter ce droit à la minorité. Mais cette hypothèse est loin d’être certaine ; si l’analogie avec les nuisances est poursuivie sans relâche, il se peut que la minorité doive être considérée comme imposant à la majorité un coût qu’elle doit d’une manière ou d’une autre indemniser pour le supporter.
Une externalité négative est un coût qu’un individu, un groupe ou une entreprise impose aux autres sans leur consentement. Si je brûle des feuilles dans mon jardin, la fumée qui s’échappe sur le terrain de mon voisin est une externalité négative. Un gouvernement est justifié d’empêcher l’imposition d’une externalité négative aux personnes extérieures à une communauté religieuse, même si cela impose une charge beaucoup plus lourde à l’exercice du culte. Je n’ai pas le droit de traverser le terrain de mon voisin sans sa permission, peu importe que ce soit vital pour ma religion ou que ce soit une imposition mineure pour mon voisin. Le libre exercice d’un culte ne permet pas aux croyants de transférer le coût de leurs pratiques religieuses sur les autres.
Une charge sur le libre exercice d’un culte prend donc la forme suivante : soit vous renoncez à vos pratiques religieuses, soit vous supportez une charge plus lourde que celle que doivent supporter les autres membres de la société. Si le choix d’une croyance religieuse est protégé, la neutralité exige que les autres choix, fondés sur des raisons non religieuses, bénéficient d’une protection similaire.
La revendication musulmane en entreprise peut être maîtrisée. Indépendamment des polémiques au sujet de la liberté religieuse, la revendication islamique outrepasse souvent les pratiques d’autres confessions. Par exemple, exiger du temps de prière, utiliser un local ou réclamer une alimentation halal constituent autant de coûts indus ; l’entreprise n’ayant pas vocation à financer un culte, quel qu’il soit. Une chose est d’avoir cette croyance ; une autre est d’exiger qu’autrui la paye.
Le problème aujourd’hui est d’abord managérial. Les dirigeants d’entreprises manquent souvent de courage et sont tétanisés à la seule idée de tenir un discours ferme. En revanche, les groupes communautaires ont réussi à se former aux techniques de confrontation et, dans certaines entreprises, les salariés musulmans sont tous inscrits dans le même syndicat et ont donc un certain pouvoir. En face, on trouve souvent un énorme manque d’assertivité. Or, si des musulmans viennent travailler dans une entreprise, ils doivent en accepter les règles. Le chef d’entreprise n’a pas à ménager des musulmans mais à manager des salariés et, à ce titre, son rôle est de fixer les objectifs de l’entreprise et d’assurer les conditions qui permettront de les atteindre. Mais la stratégie des dirigeants d’entreprises est déterminée par les DRH, les consultants externes et les juristes, qui ont pour objectif principal d’éviter les conflits et les procédures. Ceci met les entreprises en posture de soumission.
Prenons un exemple concret. Il est très déroutant pour des collaborateurs de voir leurs collègues musulmans se laver les pieds dans le lave-mains des toilettes. La question n’est pas la nécessité de prier ni la pertinence des ablutions. Ces sujets n’ont rien à faire dans l’entreprise. La seule question qu’il convient de poser est la suivante : est-ce qu’un lave-mains est un lave-pieds ? La réponse est évidemment non. Mais il y a des entreprises qui, suivant les conseils des DRH et des juristes, règlent le problème en installant des laves-pieds pour une utilisation exclusive des employés musulmans.
Puisque de plus en plus de musulmans se salafisent, il y a forcément une présence salafiste plus importante dans les entreprises. Cette conversion génère des tensions avec les employeurs et plus encore avec les collègues de travail. Puisqu’il est difficile sinon impossible pour un employé salafiste de demeurer durablement dans une entreprise où la pratique de l’islam est exclue, les cadres dirigeants, afin d’éviter un conflit ouvert, préfèrent accorder des accommodements.
Si un groupe d’employés musulmans arrêtent de travailler à la levée du ramadan pour faire la prière, cela équivaut à une grève sans préavis. Autre cas concret : celui d’une entreprise dans laquelle les employés musulmans refusent le réaménagement d’une pièce qu’ils utilisent comme salle de prière. On leur avait auparavant octroyé ce lieu pour faire leur prière et ils le considèrent donc comme un territoire de l’Islam. Dans ces circonstances l’entreprise n’est plus maîtresse de son espace.
Le port du voile apparaît comme une réponse à la plus grande intégration économique des femmes, qui ne veulent pas faire face à la désapprobation sociale si elles viennent d’un milieu plus traditionnel, et c’est une pratique qui pourrait empêcher l’agent de s’engager dans un comportement qui est religieusement interdit. L’une des principales contributions est également de modéliser le type de l’agent comme étant déterminé de manière endogène par son identité sociale. Ainsi, à mesure que les valeurs religieuses se répandent, même les types laïques peuvent se conformer à des normes plus religieuses en matière de comportement de port du voile.
Oosterbeek et van der Klaauw (2013) ont étudié l’effet du ramadan sur les résultats scolaires des étudiants musulmans en économie aux Pays-Bas, où les dates d’enseignement et d’examen ne sont pas ajustées pour la période de jeûne, comme c’est le cas dans les pays musulmans. On s’attend à ce que le jeûne réduise les résultats scolaires parce que les étudiants consomment moins de nourriture et sont donc moins capables de se concentrer et d’étudier. Les auteurs examinent les données sur cinq années universitaires de 2003 à 2008. Si les étudiants observent le ramadan, cela a un impact négatif sur leurs résultats scolaires, réduisant les notes finales des étudiants musulmans d’environ 10 %. Le ramadan a aussi un impact négatif sur la productivité. Un article paru dans le journal saoudien Arab News en 2013 affirmait que la productivité décroissait entre 35 et 50 % durant le ramadan.
L’entreprise n’a pas vocation à être un agent politique du pouvoir en place. C’est pourtant ce qu’elle devient via l’attribution de fonds publics. De ce fait, le contribuable finance malgré lui cet embrigadement politique où le multiculturalisme lui est imposé. C’est littéralement du parasitage du lieu de travail au profit, finalement, d’activistes musulmans. Complices objectifs, trop de DRH leur ouvrent la voie en imposant des guides de conduite en phase avec les exigences islamiques. C’est une faute majeure de stratégie, car cela établit le prosélytisme musulman au sein, et aux frais, de l’entreprise.
Source: Atlantico
Poster un Commentaire