Christophe Dansette était là, depuis le 4 avril 2017. Sarah Halimi. Ces questions sans réponse

Nous nous étions, il me l’a rappelé, rencontrés à la Première conférence de Presse, dan sles Bureaux de Maître Buchinger. Puis nous nous perdîmes de vue.

Je suis heureuse de le mettre à l’honneur aujourd’hui, Lui qui s’intéressa dès le 4 avril à ce que les media voulaient nous vendre comme un fait divers et dont Il saisit d’emblée l’importance.

« Je me souviens de ce 4 avril 2017. Plusieurs voitures de police stationnées à l’angle des rues Vaucouleurs et Fontaine au Roi, alors que j’emmenais ma fille à la crèche.

Le Parisien avait fait un papier qui disait en substance « une chinoise défenestrée ».

Quelques jours plus tard, un mail envoyé par Sammy Ghozlan donnait pour la première fois une version toute différente de celle du Parisien. Ce n’était pas un « chinois » qui avait été tué, mais une femme juive et la dimension antisémite était soulevée.

Comment un journal aussi bien installé et d’habitude rigoureux avait-il pu faire une telle erreur ? Pourquoi un tel silence de la presse ?

J’étais indigné et je commençais à m’intéresser à l’Affaire. J’ai alors proposé à ma rédaction, qui d’habitude ne traite jamais de « faits divers », de faire un reportage, une enquête, en expliquant qu’on était là au-delà du fait divers et que de nouveau, après l’assassinat d’Ilan Halimi, après l’attentat de Toulouse et l’HyperCacher, on tuait, en France, une personne juive parce qu’elle était juive.

Nous n’étions alors qu’une poignée de journalistes à nous intéresser à cette affaire.

Je faisais alors la rencontre de William Attal. Le début d’une amitié et d’une grande admiration pour lui, pour son combat. Il était intimement persuadé de la dimension antisémite du crime.

Mon enquête allait me conduire à interroger un grand nombre de voisins de l’ensemble du pâté de maisons donnant sur le balcon.

Beaucoup ont assisté à ces longues minutes de cris et d’agonie.

Peu ont accepté de témoigner devant notre caméra, mais j’allais m’apercevoir d’une chose : l’enquête de police était incomplète. La plupart d’entre eux, et notamment certains témoins-clé, n’avaient pas été convoqués par les enquêteurs.

Tous soulignaient la dimension antisémite du crime, du discours.

Tous me relataient aussi la présence des policiers, puis des lampes-torches, très puissantes et les rayons lasers des fusils d’autres Forces de l’Ordre qui s’étaient placés dans l’immeuble d’en face, celui de la rue du Moulin Joly, pointés sur le balcon.

Pourquoi ces policiers ne sont-ils pas intervenus ?

Auraient-ils pu, auraient-ils dû sauver Sarah Halimi qui se faisait massacrer ?

Cette question restera à jamais sans réponse.

Pourquoi ensuite cette enquête fut-elle à ce point bâclée ?

Pourquoi le Parquet Antiterroriste ne fut-il pas saisi sur le moment, comme c’est pourtant le cas aujourd’hui lorsqu’on se trouve face à quelqu’un qui invoque des sourates du Coran, qui crie « Allah Ouakbar » en commettant son crime.

Il y a quelques jours, lorsqu’un terroriste s’en est pris à Stéphanie Monfermé, cette policière égorgée à Rambouillet, le Parquet Antiterroriste a été très vite saisi. L’auteur pourtant était lui aussi « fou ».

L’enquête, on le voit, est très différente. D’une grande efficacité. L’ensemble de son entourage a immédiatement été placé en garde à vue. Impossible pour la famille de mettre en place une stratégie de défense.

Je ne conteste pas le fait que K. Traoré ait eu une « bouffée délirante aigue ». Les experts sont tous d’accord sur ce point. Mais, néanmoins, force est de constater qu’entre le moment de son arrestation, celui de son premier interrogatoire, le 10 juillet, plus d’un mois après le crime, et celui de la première convocation de ses proches, il avait eu le temps de réfléchir à la mise au point d’une telle stratégie. Là encore un point d’ombre.

La tuerie de Toulouse, en 2012, s’était produite en pleine campagne présidentielle. Une campagne présidentielle même brièvement interrompue à l’époque. Cette fois, cette question me hantera : la proximité de l’élection présidentielle de 2017 a-t-elle eu un impact négatif sur l’enquête. Là encore cette question restera sans réponse.

Toutes ces questions sans réponse auraient pourtant pu être abordées dans le cadre d’un procès qui n’aura pas lieu. Ce qui arrange bien un certain nombre des acteurs de ce dossier, qui restera comme une tache indélébile de l’histoire de la France. »

Christophe a réalisé en mai 2017 pour la chaîne France 24 un reportage sur l’Affaire Sarah Halimi: Sarah Halimi a-t-elle été tuée parce qu’elle était juive?

Christophe Dansette, Journaliste

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