Richard Prasquier. Avril, le printemps des génocides

Cent ans de négationnisme du génocide arménien, ça suffit

Avril, où s’ouvrent les bourgeons quand la nature renaît, est aussi le mois des génocides. Cette année, le contexte des commémorations interpelle à divers titres sur les aléas de la mémoire.

Yom ha Hashoah, c’était  le 8 avril qui correspondait au 27 Nissan. Une date de compromis établie par la Knesset en 1951 . Les socialistes voulaient le 14, anniversaire de la révolte du ghetto de Varsovie, c’était inacceptable pour les religieux puisque veille de Pessah. Mais cette journée ne trouva pas sa place dans la société israélienne, car les victimes rappelaient une époque où les Juifs étaient faibles et se berçaient d’illusions. Vingt ans après le début de la guerre, Israël, en dehors de quelques lieux particuliers, ne voulait pas commémorer la Shoah, mais la seule résistance juive. C’est le  procès Eichmann qui a ouvert la parole et évité une schizophrénie mémorielle. Reste la constatation que dans un pays où presque chacun avait un membre de sa famille assassiné par les nazis, la volonté de commémorer ne s’est pas imposée d’emblée comme une évidence.

Cette année, la Marche des vivants -virtuelle bien sûr- d’Auschwitz à Birkenau, qui a lieu Yom Hashoah, a invité le PDG de Pfizer, Albert Bourla, qui a baigné dans les récits de ses parents, rares survivants de la  communauté juive de Salonique. 

Le monde en général et Israël en particulier doivent beaucoup à l’alliance entre ce Juif grec installé aux Etats-Unis et son associé, le patron de Bio NTech, musulman turc installé en Allemagne. Les migrations peuvent avoir du bon…

Le  7 avril 1994, c’est le début du génocide des Tutsi au Rwanda: 800 000 personnes au moins assassinées en 100 jours. Pour ceux qui comme moi ont fait le voyage au Rwanda,  vu les ossements, entendu les survivants et en sont marqués pour la vie, le terme même de génocide rwandais, sans parler de double génocide, était suspect. Il rappelle  les  dirigeants turcs qui  parlent de massacres intercommunautaires. Le rapport de la commission historique présidée par Vincent Duclert sur demande du Président est terrible. La France n’a pas voulu voir qu’elle soutenait des dirigeants Hutus qui planifiaient le génocide des Tutsi et  l’ont effectué alors que les soldats français sur place ne sont pas intervenus sur ordre de leur hiérarchie. C’est  la responsabilité de François Mitterrand, obnubilé par la concurrence avec les Anglais et la volonté de s’appuyer à l’ONU sur une France-Afrique . Elle fut relayée par l’aveuglement de la diplomatie, l’activisme de certains militaires, mais aussi la carence de ceux qui pouvaient protester et ne l’ont pas fait. Éclairage tardif mais impitoyable sur le monopole du pouvoir,  les phénomènes de Cour et la lâcheté individuelle. Dans une réaction d’une totale mauvaise foi, Hubert Védrine, Secrétaire général de l’Elysée à l’époque, ne voit pas de quoi la France devrait s’excuser. Vingt sept ans après, il n’admet pas s’être trompé…

Le 24 avril 1915, le dimanche rouge arménien fut le début de ce que Jo Biden a été  le premier président américain à appeler génocide. Les enfants turcs n’entendent parler à l’école que des horreurs commises par les Arméniens contre les Turcs. C’était pourtant  une commission d’enquête turque qui avait en 1919 recueilli les preuves du caractère organisé des massacres qui ont tué  I million cinq cent mille arméniens. Ses auteurs, on l’imagine, ne sont pas devenus populaires. Erdogan,  expert en victimisation, attaque évidemment Biden. Cela  ravive sa popularité. L’homme préfère la fierté à la vérité et trouve rarement sa fierté dans la vérité. Qu’aurait été la mémoire de la Shoah si l’Allemagne n’avait pas capitulé sans conditions? 

Cent ans de négationnisme du génocide arménien, ça suffit.

 © Richard Prasquier

Chronique du 28 mars sur Radio J

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2 Comments

  1. Je connais tres bien la famille du general Gouraud,le heros de 14-18,qui avait organise un plan pour sauver les Grecs et liberer Constantinoiple.On lui a repondu qu il fallait prioritairement financer les JO et que cela comptait plus que de venger son bras,qu il avait perdu aux Dardanelles…Et il remit sa demission.

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