Il ne changeait rien à ses habitudes pendant le mois sacré. Il se levait comme tous les jours à l’aube naissante, faisait sa prière dans le silence feutré de sa chambre puis descendait pour dételer l’âne. Il se rendait aux champs sans avoir réveillé personne.
Il prenait soin de ses arbres et ses terres encaissées entre les Ath Aissi et les Ath Yenni, à un jet de pierre de Takhoukhth. L’endroit était magnifique, bordé par la rivière qui prenait sa source quelque part dans la montagne, si éloignée par la distance, si proche par le regard. Il revenait le soir, et on voyait sa silhouette derrière laquelle le voile de l’ombre vespérale rampait progressivement. Alors, tous les paysans situés sur les hauteurs, femmes et hommes, l’apercevant, se préparaient à rentrer.
Il advenait souvent qu’il arrivât à la maison alors que l’amravedh, de sa voix nue, avait déjà appelé à la rupture du jeûne. Il nous trouvait alors tous attablés et moi ou un de mes frères nous levions pour l’aider à décharger la bête.
Ce n’est qu’une fois qu’il avait donné à manger à l’âne et qu’il s’était lavé, qu’il se mettait à table. Jamais il ne montrait le moindre signe d’impatience devant les longues journées où la soif et la faim tenaillaient jusqu’ à la rupture du jeune.
Sobre et calme était son ramadan.
Une fois, je devais avoir vingt deux ans, il me demanda à brûle pourpoint, avec un certain sourire :
-As-tu fait le ramadan?
Quelques secondes d’hésitation et je répondis:
-Oui
À cette question, on ne pouvait pas répondre « non » à son grand-père.
© Mustapha Amarouche
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