Le Manuel bleu contre l’antisémitisme et la désinformation
Extrait de la semaine
Jérusalem
Jérusalem est la quintessence de l’identité juive. Beaucoup ont cherché à en priver ceux qui s’en réclament, croyant que Jérusalem pouvait être conquise. Alors qu’elle doit être méritée.
1. En dehors de la Bible, les premières mentions connues de Jérusalem se trouvent dans des textes égyptiens datant d’autour -2000. Etymologiquement, ce terme provient de deux racines chaldéennes : yeru (ville ou demeure) et shalem (complétude), ancêtre du shalom hébreu et du salam arabe. Il apparaît 660 fois comme tel dans le Tanach (Ancien Testament), à quoi s’ajoutent d’autres dénominations, telles que ‘cité de David’ ou ‘fille de Sion’. On le retrouve 146 fois dans le Nouveau Testament. Et nulle part dans le Coran, bien que la ville soit considérée comme le troisième lieu saint de l’Islam (après La Mecque et Médine).
2. Pour les Juifs, le mont Sion sur lequel la ville sera bâtie est un endroit privilégié depuis les temps bibliques, en tant que point de rencontre entre le Ciel et la terre. Dieu y parle aux patriarches. La ville qui s’y élèvera sera tant le centre religieux du judaïsme que la capitale politique du royaume hébreu. Le peuple d’Israël avait coutume de s’y rendre en pèlerinage trois fois l’an, lors des trois grandes fêtes de Pessah (Pâque), Souccot (Tabernacles), Chavouot (Pentecôte). Durant leur long exil, les Juifs affirmeront et seront persuadés que Jérusalem leur sera rendue et qu’ils y célébreront à nouveau ces fêtes qu’ils clôturent par le célèbre souhait de «l’an prochain à Jérusalem». Trois fois par jour, les Juifs pratiquants se tournent en direction de Jérusalem pour la bénir et chanter le retour en son sein.
3. Le rapport des Chrétiens à Jérusalem est surtout lié aux étapes de la vie de Jésus (montée au Temple, Crucifixion, Résurrection) et des apôtres. Empereurs romains et byzantins y érigeront de nombreux sanctuaires et lieux de culte. Elle sera la capitale du Royaume latin de Jérusalem de 1099 à 1187. Les croisades en Terre sainte entraîneront des milliers de pèlerins chrétiens dans leur sillage, qui continueront d’affluer bien après l’ère des croisés. Et Jérusalem détiendra le statut de patriarcat au même titre que Rome, Antioche, Alexandrie, et Constantinople.
4. C’est de Jérusalem que le prophète Mahomet, monté sur son cheval, s’est envolé pour son périple nocturne au Ciel. Et c’est à Jérusalem que les Musulmans s’assembleront le jour du Jugement Dernier. Au cours de son histoire, Jérusalem fut plusieurs fois dominée par des dynasties islamiques sans qu’aucune ne la prenne toutefois pour capitale. De même que le Mont du Temple pour les Juifs ou le Saint-Sépulcre pour les Chrétiens, al-Aqsa, la grande mosquée de Jérusalem, est un haut lieu de pèlerinage pour les Musulmans.
5. En 1948, le grand Mufti de Jérusalem appelle aux massacres des Juifs. A la fin de la guerre qui s’ensuit, la partie occidentale de la ville demeure aux mains des Israéliens qui en font la capitale de leur état (1949), alors que la partie orientale tombe sous occupation jordanienne. Durant cette domination jordanienne, les lieux juifs seront systématiquement détruits, dont des dizaines de synagogues et centres d’étude. Mais aussi des cimetières dont les pierres tombales seront utilisées comme matériau de construction.
6. En 1967, lors de la guerre des Six Jours, l’armée israélienne s’empare de l’est de Jérusalem. Réunifiée, la ville se retrouve entièrement sous contrôle israélien. Toutefois, la tenue des lieux saints musulmans restera confiée au Waqf (fondation religieuse musulmane) et placée sous l’égide de la royauté jordanienne. Cet engagement sera renouvelé en 1994, lors de la signature du traité de paix entre la Jordanie et Israël.
7. En 1980, un vote de la Knesset (le Parlement israélien) institue Jérusalem comme capitale « permanente et indivisible » de l’Etat d’Israël. Mais la communauté internationale ne reconnaît ni l’annexion ni le statut de capitale votés par le gouvernement d’Israël. De fait, aucune ambassade étrangère (hormis les USA, en 2018) ne s’établit à Jérusalem dont la partie orientale est considérée comme occupée, et non annexée. Cette attitude constitue une atteinte à la souveraineté d’Israël et une ingérence dans sa politique interne. De son côté, l’Autorité palestinienne vote puis ratifie une loi établissant Jérusalem comme capitale d’un futur état palestinien (2002).
8. Les accords d’Oslo stipulent que la question du statut et de l’éventuel partage de Jérusalem n’est à régler qu’à la phase finale du processus de paix. Elle ne peut donc figurer comme condition préalable à la poursuite de négociations. Pour la simple raison qu’elle est une source de tensions et pose un frein à toute tentative de dialogue. Comme le montre les incidents récurrents de l’esplanade des mosquées, édifiée sur le Mont du Temple, juste au-dessus du Mur des Lamentations.
9. Il existe un fragile statu quo quant à la réglementation des prières et visites qui ont lieu sur cette esplanade. Le Rabbinat d’Israël en interdit l’accès aux Juifs dans la mesure où y marcher, c’est risquer de fouler au pied les restes du sanctuaire de l’Arche d’Alliance qu’abritait le Temple. Certains Juifs pratiquants adoptent une position inverse, prêchant le devoir de réaffirmer le caractère juif de l’endroit et d’y bâtir le ‘troisième Temple’. Leurs visites sur l’esplanade donnent lieu à des heurts avec les fidèles musulmans. Ces visites ne sont pas interdites d’un point de vue légal. Mais elles peuvent faire l’objet de restrictions tant par décret du Waqf que par décision des services de sécurité. Bien qu’autorisée et s’étant déroulée sans incident, la visite que fera le député Ariel Sharon sur cette esplanade, en septembre 2000, sera suivie de violentes émeutes qui donneront le coup d’envoi à la seconde Intifada. Depuis quelques années, la recrudescence du djihadisme donne lieu à l’exploitation de ces tensions dans un but d’échauffement des esprits et d’appel à la violence émeutière, voire terroriste. Malgré tout cela, une constatation s’impose. Jérusalem jouit aujourd’hui d’une liberté absolue de culte, comme elle n’en a jamais connu au cours de son histoire.
10. Au quotidien, la grande majorité des habitants de Jérusalem, toutes confessions confondues, vivent en paix et se côtoient sans heurt. Tous fréquentent les mêmes commerces, les mêmes parcs, en une coexistence de fait. Certains quartiers, tel Abu Tor, sont mixtes. A l’instar du reste d’Israël, le personnel hospitalier ou bien municipal, la population estudiantine ou enseignante des campus, sont composés de Juifs comme d’Arabes, apprenant et travaillant ensemble. Il existe aussi aujourd’hui de multiples initiatives de dialogue et de rapprochement, inclus entre israéliens et palestiniens, et des projets conjoints tant culturels et artistiques que médicaux et éducatifs. C’est sur cette réalité de tous les jours que se basent les espoirs de paix, bien plus que sur les pourparlers de salon. Montrant que Jérusalem, plutôt que d’en être la raison, est en fait la clef du problème.
C’est sans doute dans un même esprit de paix et de dialogue que, le 13 octobre 2016, l’UNESCO a adopté une résolution niant tout lien entre les Juifs et le mont du Temple de Jérusalem. Cette résolution est si saugrenue que l’on se demande ce qui a bien pu la motiver.
La réponse est simple : l’antisémitisme ! Cette plaie et d’où elle vient, ce sera le sujet de notre prochain chapitre.
© Raphaël Jerusalmy
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Diplômé de l’Ecole Normale Supérieure, Raphaël Jerusalmy a fait carrière au sein des services de renseignements militaires israéliens avant de mener des actions humanitaires puis de devenir Marchand de Livres anciens à Tel-Aviv. Il est aujourd’hui écrivain, auteur de plusieurs romans publiés chez Acte Sud. Il est également expert sur la chaîne de télévision i24news.
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