A la mort de sa mère, Laurence Benaïm a pris la plume pour nous offrir un roman plein de tendresse. La narratrice éprouve le besoin de poursuivre le dialogue qu’elle a amorcé avec sa mère, car à présent, elle n’a plus aucune raison de la fuir. Sa maman est enfin tout à elle, un fil invisible les relie l’une à l’autre.
Nous assistons à la maladie de sa mère, à ses séjours dans les hôpitaux, dans un service de soin intensifs pour finir en soins palliatifs puis le départ pour l’au-delà. L’auteure relate ces faits douloureux, sans pathos, avec le calme, et la distance nécessaire.
C’est une sorte de lettre que l’auteure écrit à sa défunte mère Nicole, une petite fille Juive cachée pendant la seconde guerre mondiale. Mariée à Paul, un séfarade, médecin comme elle, Nicole a consacré la priorité de son temps à ses patients et n’a offert à ses enfants que ce qui lui restait. Un amour à feu doux, qui finit par brûler les cœurs.
L’auteure nous entraîne dans une vision un peu floue entre vie privée et vie professionnelle dans l’appartement qui abrite la famille et le cabinet médical, et surfe sur les petits riens du quotidien.
L’auteure découvre que sa mère a laissé en partant un journal intime racontant les épreuves qu’elle a subies, mais aussi beaucoup de non dits. Toute sa vie n’a été que silence. Des silences lourds que sa fille essaie de percer.
La narratrice remonte le temps, explore avec pudeur et justesse pour essayer de comprendre ce docteur du » Cœur » comme pour revivre, en accéléré, toutes ces années partagées ensemble, sans se parler. Laurence Benaïm évoque avec beaucoup de justesse son enfance, ses origines ashkénazes et séfarades, fille d’un couple de médecins passionnés par leur métier, évoque les conditions de la pratique de la médecine , dans les années 60 que lui décrit son père Paul.
Du Paris occupé, en passant par la Bourgogne ombrageuse, jusqu’à Oran, la narratrice cherche, inspecte et déplie ses souvenirs avec ses parents. Les albums photos sont épluchés , pour remettre à plat le puzzle de sa vie.
Pourquoi la grand-mère maternelle ashkénaze avait du mal à comprendre la douleur de son gendre, séfarade exclu du lycée parce que juif ? Tant de souffrances, celle des familles juives déportées et décimées, celle des Français d’Algérie massacrés, celle d’une fille accompagnant sa mère à l’hôpital, mais pourquoi si peu de mots et de dialogues, au nom de ce qu’il a fallu taire pour se reconstruire ?
C’est l’histoire de sa vie certes, mais en fait l’histoire de toute une génération qui a connu les mêmes souffrances lors de la disparition des parents, enfants de la shoah, qui s’étaient mués dans un silence assourdissant.
Difficile de parler de la Sidération sans avoir le cœur qui bat
Laurence Benaïm signe un roman écrit avec des mots justes.
Sylvie Bensaid
La Sidération de Laurence Benaïm aux éditions stock
Née en 1961 à Suresnes, Laurence Benaïm est journaliste. Elle est notamment l’auteure de la biographie d’Yves Saint Laurent (Grasset, 1993), Marie Laure de Noailles (Grasset, 2001) et Jean-Michel Frank (Grasset, 2017).
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