Sarah Cattan. Restitution d’un Klimt à une famille juive hongroise

Rosiers sous les arbres. Klimt

Le musée d’Orsay va devoir se séparer d’une de ses œuvres majeures : « Rosiers sous les arbres » de Gustav Klimt, la seule œuvre du maître autrichien en possession de la France, se révèle être un tableau spolié peu après l’Anschluss, en 1938 et va revenir aux ayants droit de Nora Stiasny, famille juive spoliée.

« Rosiers sous les arbres » est une petite huile sur toile de 110 cm sur 110 cm, conservée au Musée d’Orsay depuis les années 80, suite à une acquisition sur le marché de l’art qui avait obtenu un feu vert des musées nationaux sur la base des informations alors accessibles. Mais la toile de Klimt a été spoliée par les nazis et la ministre de la Culture a officiellement annoncé ce lundi sa future restitution par le biais d’un projet de loi en préparation pour permettre la procédure.

Rosiers sous les arbres a été acquis pour le Musée d’Orsay en 1980 auprès de la galerie Peter Nathan de Zurich : à l’époque de l’achat par le musée, la provenance semblait irréprochable et ça n’est que bien plus tard que l’intermédiaire qui avait fourni la toile à la galerie Nathan s’est révélé avoir été ce sympathisant nazi autrichien qui avait lui-même acheté, en 1938 et pour une bouchée de pain le tableau à Nora Stiasny. Rosiers sous les arbres a donc été achetée sur le marché de l’art international le plus légalement du monde.

Il aura fallu l’ouverture récente d’archives en Autriche et le travail d’historiens pour retracer précisément l’origine de cette oeuvre par Klimt en 1904 ou 1905.

On sait désormais que la toile a été achetée en 1911 par le collectionneur juif autrichien Viktor Zuckerkandl, sous le nom de  »Roses » (« Rosen«  en allemand), avant qu’elle ne s’appelât « Pommiers avec des roses«  ou encore « Paysages« .

Au moment de l’Anschluss ou annexion de l’Autriche en mars 1938, quand les nazis s’installent au pouvoir, le tableau appartient à sa nièce Nora, laquelle, persécutée en tant que juive et ruinée par « l’aryanisation des biens », doit à l’âge de 40 ans se plier à une vente forcée pour une somme dérisoire par rapport à sa valeur, avant que d’être déportée avec mère, époux et fils en Pologne et d’y être tous assassinés.

Nous savons désormais qui oeuvra à ladite spoliation : Philipp Häusler, artiste qui eut une liaison  avec Nora Stiasny, avant d’adhérer au parti nazi dès 1933.

Les ayant droits de Nora Stiasny obtinrent en 2001 du musée d’art Belvédère de Vienne la restitution d’un autre Klimt,  « Pommier II« , avant que les autorités autrichiennes eurent à conclure en juillet 2017 à une erreur. 

Pour info : Ruth Pleyer, chercheuse autrichienne qui travaille depuis plus de vingt ans sur les spoliations dont fut victime la famille de l’industriel juif Victor Zuckerkandl, premier acheteur de la toile, et celle de sa nièce Nora Stiasny, qui en hérita, a salué le geste du gouvernement français et l’a qualifié d’extraordinaire, parlant d’un gouvernement  sourcilleux du droit des  et répétant à l’envi que le Musée d’Orsay n’avait commis aucune faute.

Roselyne Bachelot, pour sa part, déclare : Cette décision est notre honneur et l’accomplissement de notre devoir face à l’histoire.

A noter : Honneur et devoir devront passer la barrière parlementaire : l’œuvre acquise légalement par un musée français est inaliénable, et députés comme sénateurs devront se prononcer sur le destin du numéro RF 1980 195 de l’inventaire des musées nationaux. La ministre de la culture va ainsi élaborer un projet de loi rien que pour cette œuvre, afin que celle-ci puisse être restituée.

Les ayants droit sont les descendants de la sœur de Nora Stiasny, Hermine Müller-Hofmann, qui avait pu échapper à l’Holocauste en Bavière.

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

1 Comment

  1. Ces magnifiques « rosiers sous les arbres » de Gustav Klimt, va retrouver la place qui lui est dûe dans la famille de Nora Stiasny. Ce n’est que justice après toutes ces années. Combien de familles Juives ont été ainsi dépossèdées de leurs biens…. Et les survivants de la déportation dont la maison a été volée . A leur retour, il ne leur restait rien.

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*