Valérie Toranian. César 2021 ou le triomphe de l’extrême gauche caca-paillettes

Illustration : Corinne Masiero et Marina Foïs lors de la 46e cérémonie des César, le 12 mars 2021, à l’Olympia, à Paris. Photo : Bertrand Guay/Pool/ABACAPRESS.COM.

Arielle Dombasle avait eu un jour une géniale formule pour définir le football : un rassemblement de millionnaires courant derrière un ballon. On pourrait décrire la cérémonie des César 2021 comme un défilé de victimes du cinéma subventionné demandant la peau de l’État qui les nourrit. Ou comme un collectif de rebelles en tenue de soirée égrenant des merde/putain/bite (ô audace, ô esprit de résistance), pour bien marquer leur refus du système. Le tout en conformité avec l’air du temps dans ce qu’il a de pire. Dans le genre happening paroxystique, la cérémonie des César de l’année dernière avait au moins du panache. Symboliquement, ça saignait vraiment. Pas besoin de se mettre à poil maculé de mercurochrome avec des Tampax aux oreilles comme Corinne Masiero dans un exercice de pseudo-provocation pitoyable.

Ah ! cette dramatique sortie de salle d’Adèle Haenel (« La honte ! ») pour protester contre le César de Roman Polanski récompensé pour son film J’accuse. Le happening faisait crépiter les comptes Twitter et Instagram. L’histoire, la vraie, était en marche et nous en étions les témoins ! Dehors, les néo-féministes demandaient que le réalisateur rescapé du ghetto de Varsovie soit « gazé ». La violence et la radicalité signaient, authentifiaient même la démarche critique. Désormais il n’y aurait plus d’autre façon de s’opposer car la nuance est synonyme de trahison et de soumission au systèm. Virginie Despentes, grande prêtresse du combat contre le mâle blanc prédateur et admiratrice des frères Kouachi (la violence terroriste du bad boy islamiste déclenche en elle une sorte de transe fascinée), avait célébré l’irruption d’une ère nouvelle dans un texte exalté : « On se lève et on se casse ». Depuis, le monde du cinéma fait gaffe et se la ferme.

« Les nouveaux représentants de la profession, auxquels les médias enamourés ouvrent grand leurs colonnes, pensent avoir pris en main le destin du cinéma pour le sortir de son obscurantisme occidentalo-patriarcal. »

Difficile de trouver des professionnels de la profession qui acceptent de témoigner publiquement de leur écœurement devant l’étalage de médiocrité et de vulgarité que durent subir 1,6 million de téléspectateurs (le plus mauvais score depuis dix ans), lors de la cérémonie animée par Marina Foïs. En off, en revanche, les langues se délient. Beaucoup des récents élus à la nouvelle académie des César avouent leur déception. « On devait lutter contre l’opacité, il y en a toujours. Avant on critiquait Terzian seul maître à bord des César, mais maintenant le système est dominé par quelques-uns qui font la pluie et le beau temps sans l’esprit de concertation qui avait été promis. Mais au nom de quoi décident-ils ? Au nom d’une morale, d’un “camp du bien” dont ils sont les seuls à connaître les critères ? La diversité tout le monde est pour. Mais la diversité désormais c’est une certaine bande d’acteurs et réalisateurs. Pourquoi eux et pas d’autres ? »

Le business et la promotion de la diversité ont été pris en main par quelques-uns et personne n’ose moufter. Ces nouveaux représentants de la profession, auxquels les médias enamourés ouvrent grand leurs colonnes, pensent avoir pris en main le destin du cinéma pour le sortir de son obscurantisme occidentalo-patriarcal.

Pour parodier Saint-Just, le bonheur est une idée neuve dans le septième art ! En regardant l’hommage à Claude Sautet, Jean-Loup Dabadie, Guy Bedos, Jean-Claude Carrère (mais curieusement pas l’excellente Tonie Marshall scandaleusement oubliée), on se disait qu’un sacré nombre de pépites était tout de même sorti de cet obscurantisme archaïque. Mais je m’en veux déjà d’avoir écrit une phrase aussi bêtement réactionnaire. C’est aussi mauvais esprit que de regretter le temps où les César étaient un défilé de glam, de talent, de belles gueules, de débutantes « meilleur espoir féminin » sans que cela pose un problème aux obsédés du genre et aux non-binaires.

« Cette année nous fûmes non seulement privés de rêves mais soumis à la torture de la médiocrité moralisatrice. »

Le ministre de la Culture en place n’était pas épargné, mais au moins son mauvais quart d’heure ne durait pas quatre heures trente. Les films populaires étaient toujours absents des palmarès, mais après tout on acceptait que cela soit la règle : le succès est toujours mal vu au pays de Rousseau, de Bourdieu et de l’égalitarisme, c’est un vieil atavisme. L’usine à rêves fonctionnait, elle n’était pas encore une expression de la culture des dominants à remiser au placard.

Cette année nous fûmes non seulement privés de rêves mais soumis à la torture de la médiocrité moralisatrice. Il est amusant de voir à quel point les remettantes, pourtant d’excellentes actrices, avaient du mal à dire leur texte. Comme si la professionnelle en elles, tout en faisant bonne figure, se révoltait à l’idée de jouer dans un film gore de série B. Adama Traoré fut chaleureusement applaudi. Adama Traoré, martyr national de la « police raciste » sans que cela soit jamais prouvé, et par ailleurs prédateur sexuel de son codétenu en prison qui lui a pratiqué une fellation sous la menace d’une fourchette.

Inutile de rapporter la litanie des blagues à deux balles, foireuses et juste pas drôles. Mais une mention spéciale tout de même à celle de Vincent Dedienne sur Hitler. Il cite une phrase du Führer : « Les guerres passent. Seules les œuvres de la culture ne passent pas. D’où mon amour de l’art. La musique, l’architecture ne sont-elles pas les forces qui montrent le chemin à l’humanité montante ? ». L’humoriste veut faire passer le message à tous ceux qui dénoncent la cancel culture qu’ils ont tort. Car si on doit séparer l’homme de son œuvre, alors on doit accepter d’entendre les « bonnes » phrases d’Hitler sur la culture : CQFD. La référence à Hitler est censée nous choquer. Marina Foïs feint de l’être. Le sketch est nul et mal joué. Et l’intention subliminale est immonde : mettre sur le même plan Hitler et Roman Polanski (celui dont on disait justement qu’il fallait séparer l’homme et l’œuvre). Toujours cette obsession douteuse de renvoyer Polanski à ses origines pour en faire un « pire que nazi ». Accablant. Le tout sous les applaudissements veules du public.

« Faisons le vœu que la production cinématographique française ne sombre pas dans la médiocrité du politiquement correct à tout prix, à l’image de cette consternante cérémonie. Le cinéma français mérite mieux. »

Il serait injuste de faire de cette cérémonie la représentation réelle du cinéma français. Disons que nous avons assisté au triomphe de l’extrême gauche caca-paillettes qui a réalisé une OPA idéologique sur l’institution des César. Un peu comme une certaine gauche radicale décoloniale a la main mise sur les sciences humaines à l’université  et lui impose sa dérive sectaire. Les César, ce n’est pas tout le cinéma. Le mouvement décolonial intersectionnel, ce n’est pas toute l’université. Mais leur influence respective est énorme. Combien de thèses aujourd’hui sur des sujets autres que ceux liés au genre, à l’intersectionnalité des luttes, au décolonialisme ? Les films français pourront-ils rester imperméables à l’air du temps alors que leur financement dépend d’organismes qui y sont très perméables ?

Les sources de financement changent. Les plates-formes de streaming vont prendre de plus en plus d’importance. Or elles sont toutes très sensibles aux réseaux sociaux. Les appels au boycott contre Netflix accusé de faire l’éloge de la pédophilie  avec le film Mignonnes (alors que justement le film était une dénonciation du phénomène !) ont entraîné un bad buzz responsable d’une perte de valeur conséquente en bourse. Nul doute que les plates-formes et les producteurs vont être de plus en plus sensibles aux répercussions économiques de leurs choix. Les réseaux sociaux n’ont pas fini de faire la loi dans les médias comme dans le cinéma.

En France, le septième art n’a pas encore trop de soucis à se faire. Il est gavé de subventions. Celles du CNC, de Canal mais aussi des régions (donc l’argent du contribuable). 1,2 milliard d’aides de l’État ont été versées au secteur du cinéma pour la crise du Covid. Le secteur souffre. Mais pas plus que beaucoup d’autres. Or, il est bien mieux traité. C’est ce qu’on appelle l’exception française. Jusqu’à présent, on s’en réjouissait. Faisons le vœu que la production cinématographique française ne sombre pas dans la médiocrité du politiquement correct à tout prix, à l’image de cette consternante cérémonie. Le cinéma français mérite mieux.


© Valérie Toranian

Revue Des Deux Mondes

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2 Comments

  1. Ah, ça fait du bien ! Merci mille fois pour cet article plein de bon sens et d’intelligence ! Je précise que je fais partie de ces travailleurs de la culture qui n’osent pas ou plus exprimer une opinion différente.

  2. Helas, la cérémonie des césars contient tous les ingrédients de la bien pensance de gauche qui a ses « bons »juifs ceux qui se la bouclent ou font semblant d’avoir des attaches autres que celles de leurs ancêtres, pas assez universelles.
    cette bien pensance gouverne la culture pour longtemps.

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