L’Oligarchie Judéo-gastronomique maternelle universelle

Elle est à l’œuvre depuis des millénaires.

Elle tire les ficelles de nos fantasmes gastronomiques et alimente notre éternelle nostalgie.

Je soupçonne toutes nos mères d’avoir intentionnellement inventé des recettes uniques, des sortilèges culinaires, des filtres d’amour gastronomiques, pour garder auprès d’elles leurs enfants.

Telles des Shéhérazade gustatives des temps modernes, des Mata Hari de l’espionite gastronomique universelle, elles nous ont condamnés à ne jamais retrouver ailleurs ces plats uniques qu’elles préparaient, pour nous, rien que pour nous.

 » C’est rien que pour toi mon chéri, chéri, et tu diras à ta femme en rentrant de te le faire, c’est facile tu sais (mon œil), si elle n’y arrive pas, qu’elle m’appelle, je vais lui dire, moi, comment faire, sinon tu reviens le prochain Shabbat à la maison, et je te le referai le Nikitouche de ta Maman qui t’aime »  

Combien de couples n’ont pas résisté face à ce mur de l’Atlantique dressé par ces magiciennes de cette science occulte.

Nombre de mariages ont explosé en vol à cause de cela, des familles entières ont été séparées, de fortes alliances ont été rompues autour de la Chakchouka de Tunis, la Pastilla de Rabat, du Couscous de Casablanca, le tajine de Marrakech, du Nikitouche de Constantine, de la Moussaka d’Athènes, de la merveilleuse Molokeya du Caire, des Boyosses de Thessalonique, du Guefelte-fish de Varsovie, du Knish de Saint-Pétersbourg, des tortillas de Madrid, des bourekasses d’Izmir, des dolmas d’Istanbul, des délicieux farcis de Damas, des Boulettes de viandes fondantes de Tunis et d’Alger, du Sabih, petit déjeuner royal de Bagdad, des Bamias, les combos à l’agneau et du Hamod d’Alexandrie, du Taboulé et du Kébéh cru et cuit de Beyrouth, du Homous, du Caviar d’aubergine et des Fallafels de Jérusalem, ainsi que leurs rivaux historiques d’Égypte….

De vraies ensorceleuses vous dis-je.

Oui de vraies ensorceleuses que sont ces magiciennes, ces musiciennes des pianos de cuisine, ces chefs d’orchestres des brigades solitaires enfermées des heures durant dans leur cuisine……

Même Claudia Roden et son grand livre de recettes de la cuisine Juive doit, elle aussi, nous induire en erreur, nous faire tourner chèvre exprès….

Elle rajoute et retire des trucs rien que pour nous perdre…

Elle est la complice consentante de nos mères…

Et puis quand les belles-filles et leurs gendres leur demandent les recettes, nos mères s’évertuent toutes secrètement à donner de fausses recettes, un peu plus de cela, une pincée en moins de cumin, deux doses de sucre s’il n’en faut qu’une, le four à 150° quand il le faut à 250°etc etc, tout cela juste pour nous garder sous leur emprise culinaire et leur savoir gastronomique, tout cela relève de la psychiatrie, je vous le dis, c’est certain.

Freud, Jung, Marie Bonaparte, Deleuze, Foucault, Rolland Barthes et Lacan auraient dû s’occuper de ce phénomène millénaire, plutôt que nous parler de parents castrateurs, du complexe d’Œdipe, des Fragments du Discours amoureux, de l’histoire de la folie ou du malheur absurde de Sisyphe et son caillou….

C’est la conspiration mondiale de toutes les mères cuisinières qui régit le monde, et pas que des mères juives ? 

Car évidement, elles sont toutes pareilles aux 4 coins du monde, les juives, les chrétiennes, les musulmanes, les hindouistes, les athées, les asiatiques, les africaines, les italiennes, les espagnoles, toutes vous dis-je … toutes pareilles, nos mères nous emprisonnent à vie avec ces sortilèges qui s’impriment à jamais via nos palais, dans nos souvenirs éternels…..

Cette quête éternelle de ces saveurs perdues participe de notre nostalgie, notre paradis perdu, nos madeleines de Proust.

Elles nous tiennent toutes par le ventre, nos familles, nos pères, nos fratries, nos amis. Impérissables souvenirs, immuables sensations que celles des recettes de nos éternelles mères…. 

Leur secret, il est simple mais il reste inimitable, je l’ai découvert un jour quand je l’ai surprise seule sur son territoire, sa cuisine. Secrètement, elle rajoutait à la fin de chaque plat une dose d’affection, une pincée de tendresse, une grosse cuillère de passion, et une énorme louche d’amour maternel.

–  Mamannnn, je passe, 

–  Passe à midi, je te fais un truc que pour toi mon fils, ma fille…… même la mère de ton père ne l’avait jamais réussi aussi bien que moi. 

C’est trop difficile à faire pour ton épouse, « la pauvre »….

–  Viens vite …..

–  Oui maman j’arrive….

Nos mères nous auront tout appris sauf à nous passer d’elles… Pas folles les guêpes…

Maman reviens-moi vite d’où tu es partie…

© PTAH Mars 2021

Un fils d’Alexandrie

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