A toutes les grands-mères
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De Michèle Chabelski
Bon
Dimanche
Ma chronique sera courte ce matin, car je dois me rendre à une invitation solennelle et il me faut maintenant beaucoup de temps pour me pomponner et me donner cet air naturel retour d’une balade dans le bocage normand balayé d’une brise printanière embaumant la pomme…
Car à mon âge traverser un verger normand et en revenir regard brillant et joues rosies n’est pas une occupation de tout repos.
Surtout si le domaine agricole est un petit couloir qui mène direct de la chambre à la salle de bains…
Il s’agit alors d’hydrater, d’antirider, de farder, de pommader, de crémer, de noircir, de rougir, de poudrer, d’ombrer, d’anticerner, à l’aide des produits d’une industrie chimique performante ce visage ayant subi des ans l’irréparable outrage…
Il s’agit de lui donner cet air naturel qui sied à une personne mature (synonyme d’ancêtre géronte) invitée à un petit raout familial où elle se rend dans l’esprit d’honorer les convives présents…
Car il est bien question ici de rassurer les invités sur son espérance de vie qui s’inscrit en lettres d’or sur les rides qu’ils lisent parfois avec un rien d’effarement et une objectivité qu’on aimerait trouver chez bien des jurés de concours de beauté…
Car une des invitées, ayant un jour visualisé les avaries provoquées par un dégât des eaux sur un mur dont la peinture avait piteusement cloqué expliqua doctement son frère, c’est moche, le mur est tout ridé, on dirait le visage de Mamie…
Mamie en fut fort marrie…
Puisqu’il s’agit de ça aujourd’hui, fête des Grands-mères et qu’un gang de quatre galopins et de deux petits loupiots s’apprête à honorer en grandes pompes mon statut d’aïeule…
Je vais donc tenter, comme une star du Festival, d’offrir un visage décent à cette horde excitée et rieuse, que l’idée d’une fête réjouit même si elle les prive d’une partie de foot ou d’une balade au parc sous un radieux soleil parisien…
C’est un truc mercantile de café a affirmé une des filles…
J’ai rempli la moitié du contrat.
Je ne bois pas de café
Mais je suis grand-mère
Et l’idée de retrouver enfants et petits-enfants, sœurs, cousins réunis pour m’affirmer qu’ils m’aiment galvanise ma matinée d’un bonheur anticipé qui me caresse le cœur et l’âme…
Six mômes excités portant un gros bouquet pourraient être l’ultime image que je transporterais dans le monde meilleur…
Un monde meilleur ?
Le monde fait aujourd’hui la révérence devant ces femmes engrossées d’un amour infini pour ces petits qu’elles ont enfin le temps de choyer, de câliner, de caresser du cœur et de la voix, de glorifier et d’encenser avec la patience et l’émerveillement qu’offre le temps et l’absence d’enjeu éducatif…
La grand-mère est un concentré d’amour, d’adoration, de ferveur et de dévotion, la grand-mère est un mur sur laquelle ricoche la fronde et les petits arrangements, les petits mensonges et les gros alibis…
C’est la grand-mère qui a cassé le vase en jouant au foot à la maison, c’est la grand-mère qui jette au fond de son sac les papiers de kinders interdits plutôt que dans la poubelle de la cuisine, c’est la nulle grand-mère qui perd aux dames et au Uno, infoutue d’aligner correctement les pions au Puissance 4, qui ne devine les mimes qu’avec difficulté , et parfois pas du tout, t’as encore perdu, c’est toujours à moi, tremble de peur en galopant derrière les trottinettes, peine à effectuer une soustraction horizontale à retenue, horizontale, tu comprends ça, toi?
C’est la grand-mère qui file des morceaux de brioche au petit qui lâche le biberon pour goûter aux joies de la vraie vie, c’est la grand-mère qui comprend rien à la télécommande sans boutons, et qui paie sans barguigner les applis de jeu sur la tablette, y’avait pas le même en gratuit ?
C’est la grand-mère qui demande de l’aide pour gérer le numérique que règle un doigt de 5 ans, prépare trois plats différents, déesse Vishnou à six bras, moi j’aime pas la crème, sans sauce tomate pour moi, c’est quoi ça, c’est du veau, j’aime pas le veau, c’est du poulet, ah bon…
C’est la grand-mère qui apporte les paquets de gâteaux pleins de sucre et de substances illicites, Maman !!! Ben quoi, c’est un biscuit, pas un shoot d’héroïne !!
Qui fait des frites, des spaghettis, des pizzas et couvre les crêpes de Nutella…
Tu fais partie d’une génération qui ne connaissait pas les méfaits du tabac, ben c’est pareil…
Le Nutella, c’est comme la clope, ça tue à petit feu…
On s’en fout, on n’est pas pressé…
La grand-mère, c’est ce cœur sur pattes qui inspire de l’oxygène et exhale de l’amour, qui sature ses oreilles de rires d’enfants et se fait un précieux bijou des bras tièdes qui lui ceignent le cou…
La grand-mère c’est celle qu’on va célébrer aujourd’hui, mais qu’on aime tous les jours, qu’on sanctifie dans une incandescente rafale de baisers collants, cet écrin de confiance qui absorbe en silence les confidences et les chagrins, Perle a pas voulu jouer avec moi, saleté de Perle qui peine mon bébé d’amour…
C’est pas grave mon cœur, t’as qu’à jouer avec Victor, c’est ton amoureux…
J’aime plus Victor…
´tain les fiancés changent au gré du vent, j’ai du mal à suivre…
Et puis, ne l’oublions pas, la fête des grands-mères c’est aussi la fête des grands pères, unis dans cet enchantement ébloui qui fait danser les étoiles de l’amour…
Et les papas et les mamans…
Alors bonne fête à tous ceux dont le cœur vibre devant ces mini créatures à qui on voudrait offrir un monde de justice et de paix en lieu et place des carambars et des fraises Tagada…
Je vous embrasse
très beau texte qui nous anime de joie, nous les « mamélè » à qui l’on n’oublie pas le bouquet et les mots d’amour. à cette date instaurée……….le temps passe et chacune le ressent dans son corps et ses malaises, mais eux ne nous voient qu’éternelles!!!!Merci Michèle
Chère Michelle, quel merveille que votre texte, nous devons ëtre nombreuses à rèver d’en avoir écrit un aussi beau , émouvant et rempli de joie et d’amour;eh oui nous les aimons nos enfants petits-enfants et pour moi arrières-petits enfants ne lésinons pas. Je vous embrasse chère Michelle.