C’est un événement qui ne fait pas la une de l’actualité. Avner Shalev quitte sur sa demande la Présidence de Yad Vashem qu’il assumait depuis 28 ans.
Institution prestigieuse mais pauvre en moyens, créée par une loi de 1954 sous le nom de יד ושם – רשות הזיכרון לשואה ולגבורה (rèchout hazikaron le Shoa oule gevoura) Yad Vashem est aujourd’hui un extraordinaire ensemble où l’exigence historique ne cède en rien à la qualité muséographique et architecturale, à la modernité des présentations et à la force émotionnelle des symboles.
Ceux qui ont visité le Musée et le Mémorial des Enfants savent de quoi je parle.
Lieu incontournable des visites officielles en Israël, parmi lesquelles celles de trois Papes, Yad Vashem c’est aussi une Ecole internationale où plusieurs milliers d’enseignants sont formés chaque année.
C’est un repositoire d’archives exceptionnel parmi lesquels le Répertoire des victimes de la Shoah qui contient aujourd’hui 4 800 000 noms, dont une grande partie n’a été récupérée que par un travail collaboratif colossal d’analyse de documents éparpillés.
C’est aussi un titre admirable, celui de Juste parmi les Nations, qui honore les personnes non-juives qui ont sauvé des Juifs de la mort. Le Comité français pour Yad Vashem, présidé par Pierre François Veil, qui a succédé au très regretté Paul Schaffer, est particuièrement actif dans ce domaine, l’un des rares de la Shoah qui permette un peu d’optimisme sur la nature humaine.
Avner Shalev quitte Yad Vashem entouré de l’admiration de ses collaborateurs comme des plus hautes autorités de l’Etat d’Israël, en raison de la clarté de sa vision et de sa capacité à la traduire en termes d’organisation. Il est exemplaire de l’excellence israélienne. Avant d’exercer des fonctions de haute responsabilité dans l’Education et la culture, il avait été général de brigade pendant la guerre de Kippour, adjoint au chef d’Etat major.
Il quitte Yad Vashem au moment où la campagne de vaccination israélienne suscite l’étonnement du monde par son efficacité. Or il ne faut pas négliger l’influence de l’armée dans cette campagne et rappeler que Tsahal est l’école de l’organisation dans une société israélienne pour laquelle c’est un gage de survie.
A comparer avec la France où la parole sert de viatique et où la phrase « l’intendance suivra » qu’on attribue, peut-être à tort, au Général de Gaulle, succède à trop de décisions.
On ne sait pas qui remplacera Shalev, mais ce ne sera pas Effie Eitam, dont le nom avait soulevé de légitimes protestations en raison de ses prises de position politiques. Dans son combat pour la mémoire, Yad Vashem ne peut être soupçonné d’instrumentaliser l’histoire.
Les faussaires ne sont plus uniquement les négationnistes. Il y a des faussaires plus subtils, ceux qui, sous prétexte qu’i y a des Justes dans leur pays, prétendent que le pays tout entier était un pays de Justes, ceux qui prétendent que les malheurs de leur histoire résultent de crimes « pires » que la Shoah. Il y a aussi ceux qui prétendent que trop parler de la Shoah empêche d’aller de l’avant.
Souviens toi de ton futur, disait pourtant Nahman de Bratslav.
Les survivants sont les vigies de l’avenir. Avec leur progressive disparition, avec la recrudescence de l’antisémitisme, avec l’augmentation des phénomènes d’emprise dans la société et avec la dévalorisation de la vérité historique au profit d’une vérité alternative, nom à la mode du mensonge, l’enseignement de la Shoah doit trouver de nouvelles méthodes pour influencer des jeunes générations biberonnées aux théories du complot et au relativisme généralisé.
Un grand défi à relever pour le futur Président de Yad Vashem.
Richard Prasquier/ 3 mars 2021
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