Charles Meyer. Médine porte plainte: Aurore Bergé l’a qualifié de « rappeur islamiste »

Charles Meyer

Je n’ai pas lu in extenso la plainte avec constitution de partie civile formée au nom et pour le compte de « Medine », l’ami de notre ancien premier ministre islamo-extremo-centriste, le sieur Edouard Philippe.

Tout au plus, nous avons pu lire que l’autoproclamé ambassadeur de la très islamiste association « Havre de Savoir », notoirement perfusée au délire intégriste des Frères musulmans, se plaindrait d’être qualifié par Aurore Bergé de « rappeur islamiste ».

Sauf que l’imputation même erronée, d’une idéologie à autrui, relève du débat nécessaire dans une société démocratique. Elle ne saurait constituer une diffamation, sauf à dégénérer en abus dans des circonstances circonscrites par la jurisprudence et qui ne sont certainement pas celles dont pourrait se prévaloir ce rappeur islamiste.  

In fine pas de doute, c’est toujours gagnant- gagnant avec l’inversion victimaire : je peux bien te traiter de facho ou d’extrême droitisant à longueur d’année sans encourir autre chose que des haussements d’épaule. Par contre, si tu as le malheur de m’imputer l’idéologie dans laquelle je nage au vu et au su de tous, là, c’est scandaleusement diffamatoire et je suis très très choqué. J’ai le droit de t’écraser de ma novlangue, de mes mensonges répétitifs qui font office de propagande et en retour tu dois faire silence, tu dois te taire.

Le résultat, on le connait d’avance. La bataille est idéologique : sans cesse, interdire la moindre mise en abîme de l’islamisme pour l’assimiler à l’ensemble des musulmans. Je suis comme vous, vous êtes comme moi : ils s’en prennent à moi, donc ils s’en prennent à vous. C’est comme ça qu’on devient un porte- voix puis petit rouage d’une entreprise collective de propagande dont la seule finalité est de consciencieusement tout faire pour isoler les uns des autres, parler en leur nom, leur assigner un rôle politique, sans en avoir jamais pourtant reçu mandat.

Petit corps intermédiaire fragile, Medine en dit plus ici que ses chansons sur le déploiement de son idéologie infecte et les défenses que notre société lui oppose. Il paraît même qu’il veut magnifier la laïcité. Avec « Havre de savoir »et ses envolées lugubres contre les Yézidis ? Ses textes contre la démocratie ? Ses gourous affiliés au type qui a passé sa vie à conceptualiser l’élimination de l’homosexualité et des Juifs ? Lolilol.

C’est justement la vocation première de la laïcité que de préserver la paix civile contre ces sectes. Aussi et fondamentalement, le principe de laïcité ne saurait être réduit à la seule neutralité de l’Etat et de ses agents. Il nous concerne tous parce qu’il nous protège tous. Il concerne également les personnes privées, à qui par exemple, la loi de 1905 interdit  de prononcer des discours politiques dans les lieux de culte. La laïcité articule deux postulats : d’une part la République ne reconnaît aucun culte, mais d’autre part, chaque citoyen est tenu de reconnaître les Lois de la République.

Cette conception originelle postule donc un acte d’autorité et de souveraineté de l’Etat et non une logique contractuelle que sous-tend l’idée d’un concordat. Or, la remise en cause de ce principe d’organisation politique dans les faits est une constante observée depuis de nombreuses années. Elle commence bien souvent par l’implication d’acteurs associatifs engagés sur le terrain « convictionnel » ( coucou, « Havre de savoir ») et s’opère même, comble, au nom de la laïcité.

C’est ainsi que se déploient dans les administrations, les entreprises et les établissements d’enseignement ( coucou « COEXISTER » ), des interventions d’associations prétendant décliner le concept de laïcité comme la somme des convictions religieuses ou philosophiques, en incitant au dialogue interreligieux.

C’est ici que s’opère un dévoiement dangereux, puisque les convictions individuelles sont érigées en outils de concorde civile, amenant de facto à faire des cultes et de leurs représentants des corps intermédiaires mobilisés dans le champ politique. Or si les premières sont protégées en tant que telles par le droit positif , la laïcité ne consacre en aucune manière le rôle des cultes dans le débat public. Ce dévoiement cylindre le clientélisme et les compromissions douteuses de collectivités ou même de représentants de l’Etat avec des organisations clairement fondamentalistes dont le discours est aujourd’hui dénoncé comme contraire aux principes fondamentaux de la République.

Réfléchir à la conception politique et philosophique de ce principe, c’est aussi admettre que le droit ne peut pas tout et qu’à la fin, on perçoit nettement les limites de la judiciarisation du débat qui répond du reste à une tentative maladroite du politique de traiter d’un sujet qui pour une minorité agissante n’existe pas.

Bref, je suis très pessimiste sur la manière dont sont abordées les choses et il se pourrait bien, en définitive, que le procès abusivement intenté à Aurore Bergé recèle paradoxalement les vertus pédagogiques qui manquent cruellement dans le débat public. Ce n’est pas dans mes habitudes d’encourager une majorité qui sur ce sujet ( comme sur la plupart du reste)  me donne l’impression de donner l’heure juste deux fois par an, mais pour le coup, allons- y.

© Charles Meyer

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