J’ai écrit ce post au lendemain de la cérémonie que la communauté juive de Nantes avait consacré en hommage à Madame Mireille Knoll, qui venait d’être victime d’un crime antisémite, me répond mon ami Mohammed Guerroumi. C’était le 29 mars 2018…
« Assurément, ce fut une cérémonie de recueillement digne et solennelle, empreinte d’émotion, de componction et de gravité. La salle de prière de la synagogue de Nantes était déjà pleine de monde lorsque je pénétrais sans bruit, quelque peu surpris de voir les hommes d’un côté, les femmes de l’autre et sur la mezzanine.
Le Rabbin Ariel Bendavid, debout en belle stature, tel un tribun devant sa haute table de lecture, sur son piédestal au centre du prétoire, entonnait en hébreu avec sa voix gutturale quelques versets des Psaumes de David.
Face à lui, assis dans son fauteuil au coin de la grande estrade, se tenait mon frère et ami René, Président du Consistoire israélite de Bretagne, plongé dans sa méditation, tout près de l’armoire centrale contenant les rouleaux de la Thora.
Timidement et discrètement, je m’installais dans un coin, lorsqu’un fidèle vînt aussitôt à ma rencontre et m’invita à prendre place sur un banc au premier rang.
Silencieusement, je saluais d’un large sourire Mgr. Jean-Paul James – Évêque de Nantes, M. Bassem Asseh – adjoint au maire et M. Le Directeur de Cabinet de la Préfète de Région.
L’atmosphère paraissait auguste et authentique, comme si nous étions en présence de la dépouille de Madame Mireille Knoll, cruellement assassinée dans des circonstances effroyables, abominables et horribles, juste parce qu’elle est juive et affaiblie par son âge, tout comme avant elle, cette autre suppliciée sur l’autel démoniaque de l’antisémitisme, feu Madame Sarah Halimi.
Perdu un bref instant dans mes pensées, je m’interrogeais sans pouvoir pour autant esquisser la moindre réponse. Comment peut-on encore, de nos jours, souffrir et supporter de tels actes ignobles commis sur des gens innocents, seulement en raison de leur appartenance, vraie ou supposée, à la religion ou à l’identité juive ? Comment est-il encore possible que des juifs doivent constamment vivre sous la contrainte du rejet, de stéréotypes fallacieux, de la discrimination, de la stigmatisation calomnieuse ou pire, dans la crainte de la terreur, de la violence et du crime ?
Pourtant, déjà tout enfant, j’avais appris à connaître et à aimer l’âme juive à travers Émile, mon tout premier ami d’école.
À mon adolescence, je me suis instruit des longues et douloureuses épreuves dans l’histoire du peuple juif, de ses quatre exils et surtout de la monstrueuse abjection dont il a eu à souffrir lors de la shoah.
À l’âge adulte, j’ai découvert dans le Coran tous les récits relatant à profusion des épisodes de l’ancestralité de ce peuple digne, honorable, humaniste, compatissant et pardonneur, respectueux du Verbe de Dieu : « Ô fils d’Israël ! Souvenez-vous des bienfaits dont Je vous ai comblés ! Rappelez-vous que Je vous ai préférés à tous les peuples de la Terre ! » Sourate 2 – La Vache. Verset : 47. Aussi, par ma foi de musulman, il m’est imparti à considérer que tout acte antisémite relève d’une haute trahison à l’égard des Prophètes de Dieu, d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Joseph, de David, de Salomon, de Moïse, d’Aaron, de Zacharie, de Jean, de Jésus et même de Mohammed !
Il devient intolérable et inadmissible qu’aucun remède efficient ne soit diligenté par le législateur, dans notre État de Droit qu’est la France, pour lutter et mettre un terme, d’une manière souveraine, à cette abomination que sont l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie Ou bien, faut-il au contraire s’incliner à une sorte de fatalité irresponsable face à cette désastreuse calamité, qui perpétue la désolation et la destruction de notre société, de notre humanité surtout ?
Pour réciter le Kaddish des endeuillés et clore la cérémonie en la mémoire de Madame Mireille Knoll, le Rabbin Ariel Bendavid nous invita à nous lever et à nous recueillir selon nos sensibilités.
Deux femmes âgées sont mortes, assassinées parce qu’elles sont juives. Cependant, leurs inqualifiables, répugnants et maudits bourreaux logent, à la belle enseigne des contribuables, derrière de frêles barreaux.
Serait-ce ainsi l’illustration équitable de la justice ? Je pose la question…
© Mohammed Guerroumi
Musulman rationaliste, engagé et laïc, Mohammed Guerroumi, nommé en 2016 délégué régional à l’instance nationale de dialogue avec l’islam, est très impliqué dans le dialogue interreligieux. Auteur à Causeur, il est un des signataires du « Manifeste contre le nouvel antisémitisme »
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