Emmanuel Macron, chef de l’Etat français, a accordé 4 décembre 2020 un entretien au media numérique BRUT.
Il y développe notamment deux éléments.
D’une part, il présente sa conception des sources de l’islamisme en France.
D’autre part, il annonce sa volonté de dresser le « catalogue » de « héros » de France, noirs, africains, d’outre-mer, maghrébins, destiné à « en faire des rues et des statues ».
1- Source de l’islamisme selon Macron
Le président français estime que « Ceux qui ont cette idéologie islamiste prospèrent sur nos échecs… »
Culpabilisation des victimes
Depuis l’armistice de 1940, la France connait des soubresauts de culpabilisation à chaque échec qu’elle subit. Le propos de Macron s’inscrit dans cette lignée.
Cette culpabilisation ne peut jamais être prouvée. S’agissant de l’islamisme, Macron serait bien en mal de le faire.
La culpabilisation permet aux agresseurs, en l’occurrence les islamistes, de se dédouaner, et par conséquent de poursuivre leur œuvre de destruction et de haine.
En désignant la responsabilité des victimes, elle exonère la responsabilité des agresseurs en inversant la norme. Elle est, enfin, le contraire de la lutte.
Contrexemple
Il existe dans l’Histoire de France un contrexemple essentiel: celui des Juifs français et étrangers.
Tolérés dans des conditions drastiques, chassés, stigmatisés, getthoïsés, au Moyen-Âge, le sort des Juifs s’est soldé par le « statut des Juifs » de la France de Vichy et la déportation.
Aujourd’hui encore, les Français juifs, ultraminoritaires, constituent la cible première de la terreur islamiste.
Pour autant, aucun mouvement de vengeance, de terreur, de haine, n’a jamais traversé ces populations contre qui que ce soit ni contre quoi que ce soit. L’autorité publique n’a jamais eu à affronter l’équivalent juif de l’islamisme.
Par conséquent, la nébuleuse de la culpabilisation des victimes leur est un affront supplémentaire et une hypothèse versatile et fantaisiste.
Il est regrettable de l’entendre du gardien des institutions qu’est le président de la république.
2- Le « catalogue » de « héros » minoritaires destiné à « en faire des rues et des statues »
Le rappel historique et l’honneur
Honorer ses héros est un usage international, national et républicain.
Honorer ses héros oubliés ou omis est une œuvre de respect des personnes, de l’Histoire et de l’équilibre national.
La proposition présidentielle est donc elle-même honorable sur la forme.
Sur le fond, il en est autrement.
La proposition intervient dans un climat de violence
Il est dommage que la proposition présidentielle intervienne dans le climat de violences urbaines que connaît la France (terrorisme, casseurs, etc).
L’impression générale est l’opportunisme de la proposition, sa liaison avec la violence, et le cadre contraignant qu’elle induit.
Il s’agit d’une proposition opportuniste qui répond à un rapport de force perdu par l’autorité publique.
Ethnicisation de l’Histoire nationale.
L’évocation géographique, politique, ethnique des « héros » oubliés constituera dans les propos présidentiels comme un précédent.
Macron adopte en la matissant la lexicographie des extrémistes qui prétextent de l’antiracisme pour exprimer la supériorité de leurs propres appartenances.
Il en restera des traces. La porte est désormais ouverte à la racialisation de l’Histoire de France.
Lacunes dans le raisonnement et la proposition de Macron.
Le plus pathétique est l’oubli des Français minoritaires (juifs, etc) et d’origines étrangères qui n’appartiennent pas à la liste ethnique déclinée par Macron.
Puisque Macron utilise la nomenclature ethnique et confessionnelle, pourquoi oublie-t’il une série de confessions et d’ethnies qui se sont distingués comme français ou pour la France?
Les Juifs
Quid du baron Pereire qui régla en 1870 rubis sur l’ongle à la Prusse victorieuse la dette de guerre de la France vaincue ? Pourquoi les plaques en émail de la place Pereire inscrivent « financiers » au lieu de « bienfaiteurs de la Nation » comme ils le méritent tant ?
Quid du sénateur Crémieux ? Un décret qui porte son nom a libéré par naturalisation les Juifs d’Algérie du double servage qu’ils subissaient des cheikhs arabes et des deys ottomans Un autre permettait aux Musulmans et aux Chrétiens qui le souhaitaient la naturalisation française.
La liste est trop longue, elle pourrait faire l’objet d’une thèse!
Les Arméniens, les Polonais, les Indochinois, et tant d’autres.
Tous restent désespérément oubliés de l’Histoire nationale et de la liste évoquée par Macron.
Est-ce en raison de ce que seuls ceux qui cassent, tuent, détruisent atteignit l’oreille présidentielle?
Jusqu’à un changement de tactique présidentiel, la réponse est oui.
3- Choix de soumission du président Macron
Alors qu’il incrimine le confessionnalisme au Liban, Macron l’utilise en France !
L’ethnicisation et la confessionnalisation de l’Histoire et des problématiques nationales de France intervient dans le cadre des violences sociales et terroristes que connaît le pays.
Elle apparait comme un aveu d’impuissance et de soumission à la violence.
Elle répond aux injonctions des casseurs et des meurtriers. Elle omet les confessions, les ethnies pacifistes.
Une fois de plus, sur le sujet de l’Histoire comme sur tant d’autres, la France s’engage sur la voie de l’incohérence du raisonnement, sur la subordination du Droit à la Force.
Le président français a en charge l’unité de la Nation et le respect des droits de chacun. La France ne reconnaît qu’une seule communauté: la communauté nationale. Il lui arrive de le rappeler dans son combat pour la laïcité sans craindre de nouvelles contradictions politiques.
La communautarisation de l’Histoire et de ses héros est une nouvelle bévue constitutionnelle et politique.
Il était fort possible d’honorer les héros oubliés sans tomber dans les travers présentés par Macron dans le mouvement irrationnel de l’entretien à BRUT.
Pour cela, il fallait du courage.
Pierre Saba
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