Le journal Libération a demandé à dix écrivains d’évoquer, par un court-métrage de dix minutes, un quartier de Paris qui leur était cher.
Pour Belleville-Ménilmontant, ils ont demandé à Régine Robin, qui est née là en 1939, née Rivka Ajzersztejn, passage Ronce.
C’est le quartier de mes grands-parents, puis de mes parents et celui de mon enfance (rue des Couronnes, rue Julien-Lacroix, rue Bisson, rue Villin, rue Piat, rue des Envierges, rue de la Mare, rue Bisson, rue Dénoyez.
Elle, Régine, c’est donc Passage Ronce. Elle dit, en voix off : Ne cherchez pas ces rues; même leurs tracés n’existent plus.
La boulangère appelait affectueusement Régine « La petite survivante » car sa famille et elle sont restées là pendant la guerre, cachées.
Ce ne sont pas les années, dit-elle, le temps passé qui a fait que ces rues n’existent plus. C’est qu’on les a systématiquement démolies car elles étaient constituées de taudis. On a rénové, on a remplacé ces taudis par des HLM.
Je me fais la réflexion très saugrenue qu’au moins les rues détruites (avec ses habitants) du ghetto de Varsovie ont été préservées, y compris leurs tracés. et jusqu’à leurs noms.
Ici, rien de tel. De ce passé-là, (que je partage avec Régine et quelques autres, dont le grand Georges Perec), il ne reste rien.
Pourquoi diable c’est le ghetto de Varsovie auquel je pense quand je revois le Belleville d’avant et d’après-guerre (je n’ai connu que ce dernier bien entendu) ?
C’est parce que de nombreux Juifs polonais y avaient élu domicile, raison pour laquelle on y parlait volontiers yiddish, puis ont été raflés.
Ces rues sont devenues telle la Brest du poème de Prévert, « Barbara« , chanté notamment, et de façon si expressive, par Yves Montand, Brest dont, après la guerre et les bombardements (alliés), il ne reste rien.
Voici le court-métrage de Régine Robin sur son Belleville, qui est aussi le mien et celui d’un certain nombre qui se souviennent. Henri Raczymow
Henri Raczymow travaille à un roman autour du « genre chez Proust » et prépare un album sur Proust et Paris, à paraître en 2021.
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