Michèle Chabelski. Souvenirs Souvenirs (IX)

Bon

  Dimanche

    Rappel des épisodes précédents :

   Après une parenthèse de liberté joyeuse au milieu des potes de toujours, le beau séfarade a rappelé, deux billets pour un concert de Gilbert Bécaud dans la poche.

   M’informant qu’il passerait me chercher à 20h et qu’il serait souhaitable que je me tinsse prête à l’heure dite.

   Je rappelle à ceux qui auraient oublié que j’ai enfilé une aérienne robe rouge, des hauts talons et des boucles d’oreilles.

  Au cas où…

   Au cas où quoi ?

     Ben vous voyez, quoi… « au cas où »…

   Non. En fait.

       Juste pour le plaisir…

       Menteuse…

   Je rappelle que la voiture incarnate vient de se garer, que son heureux propriétaire en est sorti seul, ce que j’ai observé derrière le rideau d’une fenêtre du salon.

   Je crie Maman je descends en attrapant mon sac et je dévale les escaliers de l’immeuble qui se dotera d’un ascenseur des années plus tard lorsque nous serons tous déjà partis.

   Je freine avant d’emboutir l’invitant, un peu gênée, un peu fébrile, va-t-il me demander des explications sur ma fuite en terre britannique ? Non… Ce n’est pas le genre…

   Mais moi, prévoyante et claire dans la tête, j’ai concocté un petit manifeste où je décris mon extrême jeunesse et mon incapacité à me fixer si tôt, eu égard à…

  A quoi ?

  Je ne sais plus.

    Lui, dans son rétroviseur perso, il envisage l’avenir avec appétit, délaissant le passé et son cortège de scories improductives…

   Direction l’Olympia.

     Je ne nourris pas d’irrépressible passion pour ce chanteur, mais comment dire…

    Ce retour sur une aventure déjà balafrée clôt le chapitre petite idylle sans conséquence…

   Il faut donc d’emblée jouer la carte de l’honnêteté intellectuelle et même s’il ne demande rien, expliquer qu’il est trop tôt pour… que je ne suis pas prête à.… qu’une belle amitié peut…

    Alors bien sûr je dis gaiement On y va, un peu brûlée par le regard incendiaire de mon hôte…

    Gilbert Bécaud chante…

 C’est normal, il est payé pour ça…

    Une main tiède s’est glissée dans la mienne, bon je lui parlerai tout à l’heure, j’ai promis à maman de me conduire avec décence et d’expliquer clairement que …

   Que oui, j’ai très faim, que je suis ravie d’aller au restaurant, que merci pour ce spectacle, que…

  Je souris, je ris, je minaude, je bats des cils. Tout l’arsenal de la séduction …

    Puis je me souviens brutalement que j’ai promis de dire la vérité, que je ne suis pas sûre, enfin ce dialogue de cinéma où l’héroïne indécise balbutie et bafouille, mais bon, y a pas urgence non plus, hein ?

    Dîner romantique aux chandelles …

  Dans un scénario bien trempé ce n’est pas le moment idéal pour…

 Et puis de toute façon, la douceur environnante, le flot de mots légers qui en disent tellement plus long que le verbe lui-même, la saveur des plats goûtés, l’ambiance à la fois suave comme une friandise et enflammée comme un brasero, un rien de lâcheté disons le tout cru, m’encourage à une manœuvre dilatoire de grande envergure : je parlerai plus tard.

Et puis il n’a rien demandé, si ?

  Non.

  Si.

   Par souci de discrétion, de bienséance, de décence, de réserve, de pudeur, de respect pour mes enfants, je garderai par-devers moi le récit des heures qui ont suivi…

   Sachez simplement qu’il m’a langoureusement embrassée à la porte du restaurant sans souci pour les autres clients dont nous gênions l’entrée et la sortie…

    Au petit matin, éméché, fatigué, il m’avait demandé de l’épouser et je n’avais toujours pas trouvé le moment opportun de lui débiter le monologue préparé, trop tôt, pas prête…

    Au moment où je le quittais, à l’heure du laitier, en bas de chez moi, il murmura: chui bourré, chai plus ce que je raconte, moi…

   Ben mince alors…

     Était-ce une vraie demande en mariage ou un galimatias d’ivrogne chamboulé qui ne tenait pas l’alcool ?

  Non parce que je préférais savoir, moi…

   Parce que peut-être que « trop tôt – pas – prête » deviendrait inutile quand il aurait dessoûlé…

    La suite vous intéresse ?

      Ben dites-le !!!!

    Que cette journée signe la fin du feuilleton américain sans trop de dommages collatéraux…

    Je vous embrasse

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