Michel Rosenzweig. Obsession sanitaire et conception iatrophobique* de la santé

Le gouvernement veut-il notre bien? La question peut paraître incongrue, politiquement incorrecte, paranoïde même, mais elle doit, il me semble, impérativement être posée aujourd’hui.

Que le pouvoir agisse au nom de notre bien, cela se conçoit aisément et il existe encore un large consensus autour de ce présupposé.

Mais de quel « bien  » parlons-nous avec le Coronavirus?

De la santé? Convoquons l’instance mondiale qui la définit, l’OMS :  » « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

Les rédacteurs étaient bien avisés lorsqu’ils ont planché sans doute pendant des heures pour accoucher de cette définition qui me convient par ailleurs parfaitement.

Alors? Peut-on raisonnablement affirmer que nos gouvernements, en France comme en Belgique, nous infligent cette dictature sanitaire, cette tyrannie hygiéniste obscène et délétère, au nom de la santé selon les critères de l’OMS? Il y a dans la définition de l’OMS un élément très important qui doit retenir notre attention, c’est celui qui insiste sur le fait que le concept de la santé ne se limite pas à celui de l’absence de maladie. « Pas seulement« , traduit de l’anglais  » not merely » qui signifie aussi, « pas uniquement », « pas simplement« .

Or, le moins que l’on puisse constater, c’est que tout est mis en oeuvre depuis plus de six mois en accordant une priorité absolue à la maladie du Covid-19 au détriment de tous les autres paramètres dont il faudrait tenir compte pour être en accord et en cohérence avec la définition de l’OMS.

Dès lors, comment ne pas raisonnablement douter des bonnes intentions des autorités?

Le doute est le fondement de toute démarche rationnelle et scientifique fondée sur la suspension du jugement en conscience, cela s’appelle le scepticisme, un courant important de la philosophie. Ne pas l’exercer constitue une grave erreur de jugement et d’appréciation, l’exercer judicieusement et en conscience sans basculer dans des spéculations hasardeuses relève d’un esprit sain.

Et la santé c’est « un esprit sain dans un corps sain » comme l’a très bien compris le fabriquant de chaussures de sport ASICS (Anima Sana In Corpore Sano) s’inspirant du poète romain du Ier siècle Decimus Iunius Iuvenalis, plus connu sous le nom de Juvenal.

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme« , écrivait Rabelais dans son « Pantagruel« .

Même chose pour la politique.

Peut-on pour autant affirmer que les autorités ne veulent pas notre bien et qu’elles n’ont pas de bonnes intentions?

Peut-on au moins oser se poser la question?

Il est malheureusement très compliqué et très difficile d’y répondre lorsqu’on examine attentivement la situation qui prévaut depuis quelques mois, cette question étant devenue à la fois autant déterminante qu’indéterminée, mais surtout très inquiétante.

C’est ici que le clivage douloureux s’opère entre les partisans des mesures prises par le pouvoir et ceux qui les critiquent, les contestent et s’y opposent, ces derniers étant discrédités et donc exclus du débat par les premiers par des adjectifs issus d’un vocabulaire psychiatrique et idéologique digne du régime soviétique (sociopathe, psychopathe, négationniste, complotiste, conspirationniste).A force de contradictions et d’injonctions paradoxales, de mensonges, de revirements, de dénis de la réalité, d’obstinations sanitaires invalidées par les chiffres, d’exclusions et de prohibitions médicales et scientifiques, l’exercice équilibré de la raison finit par devenir très périlleux pour la santé mentale et le doute prend alors une tournure qui peut facilement devenir déraisonnable.

La nature a horreur du vide on le sait. C’est ce que Harold Searles, psychiatre et psychanalyste américain, décrivait en 1977 dans son ouvrage « L’effort pour rendre l’autre fou » :«Rendre l’autre fou est dans le pouvoir de chacun : qu’il ne puisse pas exister pour son compte, penser, sentir, désirer en se souvenant de lui-même et de ce qui lui revient en propre, » disait-il.

Il n’y a rien de plus anxiogène que la perte du sens pour les êtres humains, toujours jetés au monde depuis leur naissance jusqu’à la mort, cette « geworfenheit » chère à Martin Heidegger et très bien formulée dans « Sein und Zeit« .

Et cette perte peut rendre « fou« .

Nos repères, nos valeurs, nos principes, nos orientations politiques et idéologiques, se diluent et se fragmentent, volent en éclats en s’éparpillant dans la béance créée par une inflation de dissonances cognitives et symboliques.

Il en résulte un défaut de sens qui finit par rendre le monde inintelligible et indéchiffrable au risque de le rendre inhospitalier, voire inhabitable.

Nous sommes des êtres douées de raison et d’intelligence, déterminés par le langage et le registre symbolique, par des affects et des émotions et nous avons besoin de donner un sens à notre existence afin de ne pas perdre pieds.

L’obsession sanitaire guidée par une politique de la santé fondée sur l’absence d’une maladie désignée comme le mal absolu et structurée par la propreté érigée en idéal de pureté nous conduit à marche contrainte et forcée vers un univers inhumain, désincarné, hostile et stérile.

* iatrophobie: peur de la maladie, iatros, du mot grec « maladie »

© Michel Rosenzweig

Michel Rosenzweig, philosophe de formation (histoire de la philosophie, ULB) et psychanalyste, s’intéresse à  la géopolitique, et notamment aux enjeux relatifs à la montée de la nouvelle judéophobie inscrite dans l’idéologie de l’islam politique radical et conquérant. Il a, par ailleurs, travaillé dans le domaine de la recherche sur les psychotropes (drogues légales et illégales, médicaments) pendant de nombreuses années, en se spécialisant dans la gestion des consommations, des comportements à risques, des dépendances et des addictions, et  a publié à ce sujet  Drogues et civilisations, une alliance ancestrale, préfacé par le Prof. Bernard Roques de l’Académie des Sciences de Paris, De Boeck Université, Paris Bruxelles, 2008.

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