Olivia Cattan aurait pu être seulement une journaliste, certes brillante et engagée sur des sujets hélas toujours d’actualité : elle a fait L’Ecole du Louvre, et la voilà qui se spécialise dans l’Art, la Culture, mais encore les faits de société, le droit des femmes, les religions, la Paix au Proche-Orient, et déjà … le handicap.
Comme elle n’est pas du style à faire les choses à moitié, la voilà qui fonde l’Association Paroles de Femmes dont l’objectif est de promouvoir le droit des femmes dans toutes les sphères de la société.
Le colloque Printemps des femmes sur l’autisme avec Sandrine Bonnaire, c’est elle, la Charte des droits des femmes que signeront représentants politiques et personnalités médiatiques, c’est elle encore. Le clip sur les maisons citoyennes, foyers destinés aux femmes SDF, aux mères isolées et aux femmes victimes de violences, celui sur la précarité grandissante des femmes, toujours elle, et si Monica Bellucci devient l’ambassadrice de Paroles de femmes et porte ce projet en France et en Italie, c’est encore grâce à elle.
Mais voilà qu’alors que Ruben, son fils, est âgé de 4 ans, Olivia apprend qu’il est autiste, porteur de troubles envahissants du développement[1], troubles qui nuiront à ses capacités à communiquer et à développer des interactions sociales. S’ouvre alors un véritable parcours du combattant auquel cette mère va désormais consacrer chaque instant de sa vie.
Elle a entendu parler du Centre Feuerstein à Jérusalem : son enfant bénéficiera de la meilleure prise en charge. En effet, après un mois de stimulation éducative intensive, son fils sort de son mutisme et progresse de semaine en semaine.
Olivia revient alors en France et devient l’auxiliaire de vie scolaire pour son fils pendant deux ans. La pétition publiée à son initiative, Dis-maman, c’est quand qu’on va à l’école ? , est soutenue[2] par Jean Dujardin, Sandrine Bonnaire, Francis Perrin, Thomas Dutronc : C’est que même si force est de constater que scolariser son garçon dans un système qui « discrimine en silence » les enfants autistes est une gageure, Olivia persiste à penser que placer son enfant est une capitulation : je refuse que cela devienne notre modèle parce que cela serait condamner l’avenir de milliers d’enfants handicapés.
Elle fonde le Collectif SOS autisme regroupant des familles ayant un enfant différent : À la tête de la fondation SOS Autisme en France, la Fondation entreprend un Tour de France pour sensibiliser le plus grand nombre à cette maladie souvent mal connue et faire en même temps un état des lieux des dispositifs existants.
Une grande campagne de sensibilisation sur les discriminations faites aux personnes autistes est lancée en 2014 : Campagne contre la peur de l’autisme : Il y a une telle trouille de l’autisme ici ! De la peur, de la méconnaissance, aucune médiatisation positive… Ils sont 600 000, autant qu’il y a d’élus politiques dans ce pays… et on ne les voit nulle part ! La France a 40 ans de retard dans la prise en charge des enfants autistes. Olivia parle carrément d’autismophobie. J’accuse, écrit-elle dans un de ses livres[3], l’État français de négligence et de maltraitance vis-à-vis des enfants autistes. C’est que, considérant que tant que les élus, de droite comme de gauche, ne bougent pas, il ne se passera rien, elle a adressé au gouvernement Hollande un Manifeste de dix propositions visant à combler des décennies de retard en la matière.
Aujourd’hui, Olivia Cattan a pu déclarer à l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme : Mon fils autiste m’a appris le sens de la vie.
Bonjour Olivia Cattan. Vous êtes aujourd’hui connue de beaucoup pour la cause à laquelle vous vous êtes consacrée depuis de nombreuses années. Pouvez-vous vous présenter au lecteur de Tribune juive qui ne vous connaîtrait pas ? Quand et comment a commencé ce qu’on pourrait qualifier « d’engagement », voire de « lutte » ?
J’ai toujours milité depuis que je suis toute petite contre l’antisémitisme, pour la cause des femmes, et aujourd’hui pour l’autisme et le handicap…Mais pas seulement je me suis toujours battue contre formes d’injustice, c’est dans mon ADN.
Des étapes ponctuent votre combat et sa médiatisation. Lesquelles ?
Lorsque le diagnostic « autisme » est tombé, j’ai cherché un médecin spécialiste et des associations nationales m’ont envoyé vers un médecin qui promettait une amélioration des troubles grâce au régime sans gluten. J’y ai cru quelques semaines puisque ces médecins avaient pignon sur rue, et que j’attribuais les légers progrès de mon fils à ce régime alors que cela venait des séances d’orthophonie…J’étais naïve, je ne connaissais rien à l’autisme ou si peu. Comme tout parent, je cherchais des réponses. Puis heureusement une présidente d’association me donna un ouvrage dans lequel le Professeur Feuerstein était mentionné[4]. Et c’est ainsi que nous partîmes en famille au Centre Feuerstein à Jérusalem.
Vous venez de sortir Le Livre noir de l’autisme dont Tribune juive a voulu se faire l’écho en attendant de vous rencontrer. Le grand public ignore ce que vous dévoilez. Parlez-nous-en ?
Ce livre est le résultat d’une grande enquête menée pendant deux ans dans le milieu de l’autisme où règne une véritable omerta. J’ai lancé une alerte à la ANSM avec une autre maman découvrant que de terribles essais sauvages, expérimentations de toutes sortes avec des médicaments dangereux avaient été faites sur des enfants autistes parfois âgés de 4 ans. Et ce y compris dans un des établissements accueillant un jeune public, dont un IME ABA du 92. J’ai enquêté, collecté des preuves montrant l’existence d’un réseau européen comptant 54 médecins. Un réseau composé également de pharmaciens, fondations, de laboratoires d’analyses…Ces médecins ont pratiqué ces essais sur des milliers d’enfants en France, en Espagne, au Maghreb…essayant tout et n’importe quel médicament : antibiotiques pendant 4 ans, traitements contre l’alcoolisme et la toxicomanie, injections de protéine, même de la chloroquine. Certaines publications vantant ces protocoles se retrouvent aussi reprises sur des sites identitaires. La seconde partie de mon ouvrage concerne un plus large public puisque j’ai en quelque sorte listé toutes les nouvelles thérapies censées guérir l’autisme mais aussi d’autres syndromes. Des thérapies parfois sectaires. Je parle également du cannabis très utilisé en Israël… Ce livre est aussi un plaidoyer pour le droit des personnes autistes puisque l’intégrité et le droit de ces enfants sont menacées. Le gouvernement mis au courant de ces agissements depuis deux ans ne réagit pas et tente la politique de l’autruche. Ils sont passés de la complaisance tacite à un silence complice au regard de la conférence de presse donnée hier par Mme la secrétaire d’Etat Sophie Cluzel et sa déléguée Madame Compagnon.
Des réactions hostiles semblent avoir émergé. Vous vous y attendiez forcément.
Oui en effet. Ils sont trè bien organisés. Ils ont depuis toutes ces années créé des blogs, des revues, et ont publié de pseudo-études scientifiques…Une propagande très importante financée par de grosses fondations à l’étranger, ce qui leur permet d’endoctriner de nombreux parents. Les réseaux sociaux sont leur terrain de jeu préféré puisqu’ils leur permet d’attraper de nouvelles proies. Ils disposent de plusieurs profils, de groupes fermés… On retrouve des anti-vax, des complotistes, des illuminés New Age prônant une troisième médecine. J’ai même eu des messages antisémites…
Que répondez-vous à vos détracteurs ?
Lorsque l’on dévoile un tel scandale d’Etat, il est normal d’avoir de vives réactions. Ce ne sont pas des détracteurs, ils se sentent simplement menacés parce qu’une procédure judiciaire a été lancée. Mais je réponds qu’on ne peut pas aujourd’hui dans une démocratie faire de la recherche sans aucune éthique, et en dehors de toute légalité. Après les années 40, les nations Unies ont mis des gardes fous pour qu’il n’y ait plus d’expérimentations sur des cobayes humains, notamment sur les personnes les plus fragiles dont les personnes en situation de handicap. Comment aujourd’hui un chercheur, alors qu’il est auditionné au Sénat, peut évoquer ces essais sauvages en expliquant qu’il s’appuiera sur les résultats d’essais ni randomisés ni autorisés pour mener une recherche officielle ? C’est inadmissible et un courrier est parti à ce sujet à Mr David de Rothschild.
Olivia, « réussi » et rendre heureux, faire progresser un enfant autiste est-il à la portée de tous ? Quels sont les obstacles ?
Aujourd’hui les enfants autistes ne peuvent compter que sur leurs parents qui mènent pour eux une guerre totale. C’est un parcours du combattant quotidien. Malgré les promesses de l’Etat, rien n’a été fait à part une communication à outrance. Trop de lenteur, de technocratie et d’amateurisme. L’intention d’inclusion de tous ces enfants était belle mais aujourd’hui c’est un véritable naufrage.
La loi vous aide-t-elle ?
Oui la loi de 2005 votée par Chirac, qui était concerné par le handicap, est notre socle. Simone Veil a œuvré également sur ce sujet et nous avions évoqué ce sujet ensemble lors de nos rencontres. Mais malheureusement l’application de cette loi reste difficile et c’est souvent aux familles de la rappeler notamment à l’école.
Avez-vous, en ces temps où l’Etat parle de lutte contre les discriminations, constaté une amélioration du « public » face à l’autisme ?
Non aucune amélioration, au contraire une détérioration des droits de nos enfants encore largement discriminés à l’école ou dans le monde de l’emploi.
Qu’attendez-vous de nous ? Comment peut-on aider ?
Ce que j’aimerais dans un monde idéal, c’est que des médecins, des intellectuels comme Marek Halter, Bernard Henri Lévy, Raphaël Enthoven nous rejoignent dans ce combat qui reste encore dans un microcosme handicap. Ce sujet concerne souvent seulement les gens directement concernés alors que nous devrions tous être concernés. Comment peut-on parler aujourd’hui en France d’expérimentations sauvages sur des enfants sans qu’un intellectuel ne réagisse ? Alors j’espère qu’avec votre article la communauté juive réagira sur ce sujet qui touche notre humanité.
Si, et seulement « si » vous l’acceptez, nous aimerions savoir comment va votre garçon, les progrès réalisés, ce qu’il fait aujourd’hui, et puis, toujours « si » vous l’acceptez, savoir comment vous avez réussi à organiser votre vie de femme militante et maman en même temps.
Ruben est en troisième dans une école ordinaire. Il a fait sa bar mitzva, son premier kippour hier comme tous les enfants de son âge. Je l’aime et je suis fière de sa différence. Je pense évidemment au professeur Reuven Feuerstein qui serait si fier de lui[5]. Lui qui l’a connu non verbal et qui lui a donné les clés afin de sortir de son silence…
Olivia Cattan. Préfacé par Marina Carrère d’Encausse. Le livre noir de l’autisme. Editions du Cherche Midi. Septembre 2020.
[1] Appelés TED
[2] 2011.
[3] Olivia Cattan, D’un monde à l’autre, Le combat d’une mère pour son fils autiste, éditions Max Milo, 2014
[4] Pour info, c’est en donnant des cours à des enfants juifs, enfants de survivants de l’Holocauste que Reuven Feuerstein, pédagogue israélien, Docteur en Psychologie du développement, éprouve alors la limite des tests psychologiques reposant sur le quotient intellectuel. En travaillant avec eux, il prend conscience de leur immense potentiel d’apprentissage et pose le postulat intuitif de la possibilité de changement de structure du cerveau[4], modifiant par là-même sa structure interne et dépassant des limites génétiques. La méthode pédagogique qu’il a développée à partir de ce postulat est centrée sur le concept de médiation, ou l’idée d' »apprendre à apprendre« . Il élaborera les outils de remédiation.
A noter : Depuis 1992, plusieurs centres reconnus par l’International Centre for Enhancement of Learning Potential de Jérusalem appliquent ce programme d’enrichissement expérimental qu’on pourrait définir par … une Pédagogie à visage humain.
[5] Reuven Feuerstein est mort en Israël en avril 2014
Ce scandale d’Etat montre que l’eugénisme pourrait très bien revenir en Europe. Pourquoi est-ce que personne ne se mobilise pour les autistes et leurs droits ? Réponse : parce que c’est un vrai problème et un scandale réel. Les politiciens, les activistes et les principaux médias ignorent systématiquement ce qui est réel : la négation du réel est toujours une négation de la vie d’autrui.
Où en est le projet d’attaquer l’état français avec Maître Dupont Moretti, comme annoncé par Olivia Cattan dans son interview à Europe n° 1 ?
On n’entend pas beaucoup la LICRA et la DILCRAH au sujet de ce scandale…Évidemment !