Ma mère, Chaja Pesztat, née à Varsovie, était une rebelle, une survivante, une révoltée, une enragée, elle n’avait peur de rien. Par Michel Rosenzweig

Elle portait très bien son prénom: Chaja, la vie en hébreu. 

20 avril 2015, Chaja Pesztat née à Varsovie le 27 avril 1927 expirait son dernier souffle entourée de son fils et de son petit fils. 

Il n’est pas dans mes habitudes d’exposer ma vie privée, je déteste ça, mais aujourd’hui cet anniversaire de fin de vie résonne d’une manière particulière pour moi et j’ai voulu la partager avec vous. 

Ma mère était une enfant de la guerre, elle a 13 ans lorsque les troupes allemandes envahissent la Belgique. Forcée de quitter l’école qu’elle adorait et où elle fut renommée « Hélène » par son institutrice qui l’estimait pour son intelligence et son amour de la langue française qu’elle avait apprise si rapidement (sa langue native étant le Yiddish), elle fut livrée à elle-même et dut se cacher avec ses parents comme tant d’autres familles juives à Bruxelles dans un tout petit appartement très modeste. 

Elle parcourait souvent des kilomètres à pieds entre le quartier de la gare du Midi et le centre ville pour  ramener des victuailles à la maison en croisant des officiers allemands qui ignoraient ses origines juives car elle ne portait pas l’étoile jaune, son père ayant déjà flairé l’embrouille. Or, un jour alors qu’elle était sur le chemin du retour, elle fut accostée par un officier qui lui proposa de l’aider à porter ses courses. Elle déclina l’invitation, morte de peur, mais l’officier insista et voulut même féliciter ses parents pour le courage de leur fille. Arrivée devant la porte de l’immeuble, elle lui mentit en lui disant que ses parents étaient absents. L’officier la crut.

C’est probablement grâce à son attitude que j’existe. 

Ma mère était une rebelle, une survivante, une révoltée, une enragée, elle n’avait peur de rien, sa personnalité était forte et exaltée, courageuse, persévérante, elle débattait avec ses contradicteurs sur le net jusqu’à la fin de sa vie dans les forums de discussions (ses échanges sont toujours en ligne) et défendait son identité juive contre toutes les attaques antisémites, d’où qu’elles provenaient. Elle était autodidacte et parlait parfaitement le français, l’allemand, l’anglais (qu’elle m’a appris), le Yiddish, écrit et parlé, et sa culture littéraire française et anglaise était impressionnante pour une jeune fille ayant quitté l’école à l’âge de 14 ans. 

C’est elle qui m’a appris et transmis ce goût pour les mots et l’écriture et c’est elle qui m’a poussé à écrire, c’est encore elle qui dévorait les romans d’Albert Cohen, dont elle était secrètement amoureuse, c’est elle qui m’a poussé à le lire, Pagnol, Zweig, Dostoievski, Mann, Singer, etc. 

Je lui dois d’être qui je suis aujourd’hui et j’ai hérité de son caractère rebelle et révolté face à ce régime sanitaire abject.

Je suis convaincu  qu’elle serait elle aussi révoltée et engagée dans ce « combat » contre cet espèce de nouveau totalitarisme, car ma mère n’avait pas peur de mourir. 

Elle portait très bien son prénom: Chaja, la vie en hébreu. 

Yitgadal veyitkadach chemé raba, (amen)

© Michel Rosenzweig

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