Sous la Palestine, la oumma d’Occident. Par Shmuel Trigano

Shmuel Trigano. Fabien Clairefond

QU’EST-CE QUE LE PALESTINISME ?

Avec le terme de « palestinisme », nous désignons une forme nouvelle de la haine des Juifs mais avant tout, aussi, une nouvelle idéologie politique prospérant en Occident démocratique. L’objet de haine n’est plus nommé dans la condition juive, comme l’étaient la religion dans l’antijudaïsme, la « race » (le peuple) dans l’antisémitisme, l’Etat- nation dans l’antisionisme.

C’est la victime supposée des Juifs qui est en effet au centre et exaltée : la Palestine (« du fleuve à la mer »), les Palestiniens, à l’instar d’une nouvelle « classe universelle » comme l’était le « prolétariat » dans le communisme. Les causes « progressistes » en Occident ont toutes adopté la thématique palestinienne, objet de compassion et vecteur du salut.

Jusqu’alors, après la deuxième guerre mondiale, cette haine (l’antisionisme) prenait pour cible l’Etat-nation juif, Israël, qualifié de colonial, à l’heure où la décolonisation était instrumentalisée par le bloc communiste pour soulever le Tiers monde contre l’Occident et, déjà, embrigader la gauche « progressiste » contre la démocratie et le monde libre.

C’est alors que les soviétiques inventèrent une contre-nation (d’Israël) palestinienne, un « anté-Israël » dont personne n’avait entendu parler jusqu’alors. Comme le rapporte l’espion soviétique passé en Occident, Jan Pacepa, le mythe d’une Palestine nationale luttant contre un Israël colonial, émanation de l’Occident, fut inventé, de toutes pièces par le KGB de Ceaucescu.  Arafat, un Égyptien d’origine, fut affublé de l’attirail du guérillero en keffieh, et la doctrine (la charte de l’O.L.P.) fabriquée de toutes pièces. L’ère de l’antisionisme s’ouvrait alors.

En quoi sommes-nous entrés dans une ère qui met un terme à l’antisionisme ? Déjà, remarquons que la période de la décolonisation est close quoique le wokisme a pris son relais (voire l’invention du décolonialisme[1]) tandis que le « progressisme », en fait, plus exactement, le post-modernisme, a pris la suite du marxisme… De même, nous ne sommes plus dans l’ère de l’Etat-nation libéral mais de la mondialisation et de la supposée post-modernité.

La haine d’Israël se voit ici recouverte par l’exaltation de « la Palestine », une Palestine mythique tenue pour l’incarnation absolue de la « justice ». On a vu l’incapacité de ses zélateurs à mettre une géographie derrière leurs slogans qui revendiquent un territoire « du fleuve à la mer », c’est-à-dire la disparition de l’Etat d’Israël. Mais quel fleuve, quelle mer ?  Ceux qui le demandent ne savent pas où les situer sur la carte. Et qu’en est-il de l’exaltation mondiale (?) des Palestiniens eux-mêmes ? Leur société a-t-elle de quoi susciter un tel enthousiasme ? Une société (ou un ensemble de hamoulot, de tribus) dans laquelle on exalte le djihad, dans laquelle les terroristes emprisonnés reçoivent une rente, dans laquelle sévissent les crimes d’honneur ?  On peut consulter le site Palestinian Media Watch pour se faire une idée. De toute évidence, un abîme sépare l’exaltation délirante de « la Palestine » – dont on hisse le drapeau à toutes occasions (jusque dans le parlement français) – de la réalité des « Palestiniens » et c’est ce qui doit être analysé. 

On peut déjà penser que ce qui est en jeu avant tout dans cette effervescence, c’est la haine des Juifs qui trouve ici un alibi inédit et une liberté qu’elle n’avait pas auparavant. La thématique du « génocide », de l’apartheid, de l’inhumanité d’Israël envers « les femmes et les enfants » l’illustrent. Les palestinistes, à travers ces slogans s’adressent manifestement à l‘Occident et jouent avec sa symbolique. L’inversion victimaire (de la Shoah au « génocide ») en effet la nourrit. C’est effectivement bien ce qui s’est produit au lendemain du 7 octobre quand les institutions internationales et une grande partie de l’humanité ont condamné les victimes juives du massacre au lieu de leurs tortionnaires.

Les manifestants palestinistes dans les démonstrations de force auxquelles nous assistons en Europe, aux Etats-Unis nous renseignent cependant sur les motivations du palestinisme. On y trouve, en tête des foules, tout d’abord des musulmans (identifiables de façon calculée par leurs kheffiés pour les hommes et leurs voiles, pour les femmes, des groupes de population sans doute originaires de l’immigration. Mais on y trouve aussi des non musulmans, surtout jeunes. 

Pour les palestinistes d’origine musulmane et immigrés en Occident, il peut y avoir une explication logique de leur présence dans les manifestations. Depuis le nassérisme des années 1950, la cause palestinienne est devenue en effet la cause absolue du monde arabo-musulman confronté à l’Occident, cause politique, cause religieuse.  La haine des Juifs y était déjà endémique. L’existence d’un Etat juif, d’une entité politique, non musulmane et autonome y est en effet tenue (par la Sharia) pour une rébellion contre l’ordre islamique (voir le statut juridico-théologique du dhimmi). C’est le destin de tous les non musulmans en monde musulman.

Mais pour les manifestants non musulmans, cet engagement aux côtés du palestinisme reste sans explication évidente. Ce n’est pas leur histoire (sauf l’héritage de l‘antisémitisme occidental) ni leur intérêt de se retrouver dans les cadres de l’islamisme, si ce n’est pour une motivation wokiste à base de culpabilité ex-coloniale de leur pays. Ils sont « les idiots utiles » du palestinisme (dixit Lénine pour qualifier les intellectuels manipulables pour une cause idéologique) …

Comment comprendre donc cette conjonction de populations différentes dans cette mouvance idéologique. Je propose une lecture sociologique. Le terreau social, les cadres sociaux de ce mouvement doivent être compris en fonction de la situation vécue par ces populations immigrées en Occident.

Le message palestiniste est un trompe-l’œil, un cheval de Troie pour envelopper leur cause dans des catégories victimaires (apartheid, génocide, etc.) qui ont pour finalité de désamorcer les résistances et revendiquer la réalisation en France ou aux USA de ce qu’elle réclame pour la Palestine, soit la légitimité en Occident de la oumma islamique et de ses privilèges. Ce n’est pas tant la création d’un Etat palestinien qui est demandé que la reconnaissance d’un statut (collectif) de oumma aux musulmans immigrés dans l’Union Européenne.

Il faut inscrire dans de paysage l’activisme du richissime Qatar qui a corrompu nombre d’institutions-clef en Occident (voir les universités et campus américains) et l’action des Frères musulmans au sein des institutions européennes sous l’égide de la Turquie islamiste (membre de l’OTAN !) en vue d’un statut politique au bénéfice de la « communauté de l’immigration » dans l’Union Européenne. 

Cette dernière vient de révéler un programme de recherche très significatif (auquel elle consacre 10 millions d’euros) « le Coran Européen », « the European Qur’an[2] , confié à la mouvance des Frères musulmans, chargés d’étudier comment « le livre saint de l’islam a été impliqué dans l’histoire intellectuelle, religieuse et culturelle de l’Europe médiévale et de la première modernité, et comment il a influencé la culture et la religion en Europe » 

Un consortium  impressionnant d’universités est en charge du projet (n’oublions pas que le palestinisme fait rage dans les campus et universités occidentales, ceux qui sont justement  financés par le Qatar) : le Conseil espagnol de la recherche (CSIC), l’Université de Naples, « l’Orientale » UNO), Université de New York à Abu Dhabi, Université de la Ruhr Bochum, l’Université de Chieti, Colombia University, Université de Copenhague, Université de Nantes, Université d’Amsterdam (UVA), l’Université autonome de Barcelone , l’Académie hongroise des sciences , l’Institut  Courtauld d’art , l’Université de Erfurt, King’s College de Londres, Université de Notre Dame, Université du Sussex[3].

En arrière-plan de ce tableau, et pour apprécier sa portée, n’oublions pas que cet étrange empire qu’est l’UE avait refusé la référence dans sa charte aux « valeurs judéo-chrétiennes ».

Pour conclure, qu’est-ce donc que le palestinisme ? C’est une idéologie politique qui vise l’obtention d’un statut spécial pour la communauté islamique en Union Européenne, dans un univers post-national, sous le couvert d’un stratagème détournant l’attention : « la Palestine », le deus ex machina de cette revendication. Le stratagème est à double détente. Il expose les Juifs occidentaux aux agressions des immigrés musulmans et vise à isoler Israël sur le plan international, en instrumentalisant (« Génocide ») la mémoire de la Shoah en faveur de la « Palestine ». Cette dernière désigne de facto la oumma islamique en Europe.

Dans cette perspective, le terrain par excellence où sévit le palestinisme est l’Union européenne où est à l’œuvre une déstructuration des cadres nationaux de chaque État et tout spécialement la France dont le Parlement abrite significativement un parti palestiniste, le parti de « La France insoumise », qui défraie la chronique.

Ce n’est pas sur le terrain de la Palestine illusoire, donc, qu’il faut combattre cette idéologie, en se contentant d’un rappel de l’histoire et de la réalité contemporaine, pour désamorcer les mensonges dont elle se nourrit et se justifie. Ce n’est pas là qu’est l’enjeu. Il faut la combattre au contraire sur le terrain des démocraties occidentales, là où cela se passe, en ne tombant pas, comme c’est le cas en France, dans le piège des  polémiques idéologiques dilatoires  lancées par LFI pour cacher sa véritable finalité , pourtant de nombreuses fois exprimées par son mentor,  Jean Luc Mélenchon (conférence au Québec du 17 avril 2025), qui exalte le changement de population, le nouveau peuple français (« la oumma » ? ) qui serait en train de se constituer en France pour remplacer un peuple de vieillards, à le démographie anémique et donc sans avenir : les  Français.


[1] Qui accuse les anciennes puissances coloniales d’être coloniales dans leur propre pays, envers les immigrés venus au lendemain de la décolonisation,

[2] « The European Qur’an. Islamic Scripture in European Culture and Religion 1150-1850 (EuQu)« 

[3] Voir euqu.eu

© Shmuel Trigano


Professeur émérite des universités, Shmuel Trigano est philosophe et sociologue, spécialiste de la tradition hébraïque et du judaïsme contemporain. Il a notamment publié « La Démission de la République. Juifs et musulmans en France » (PUF, 2003) et « Le Chemin de Jérusalem. Une théologie politique » (Les Provinciales, 2024).


Le site internet de Shmuel Trigano:

http://www.shmuel-trigano.fr

Fondateur de l’Université Populaire du Judaïsme

http://www.unipopu.org ; universitedujudaisme.akadem.org

Fondateur de la Revue européenne d’études juives, Pardès

http://www.inpress.fr/pardes-2/ ; http://www.cairn.info/revue-pardes.htm 

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

5 Comments

  1. Les français les plus eveillés doivent aujourdhui sentir la  » Francité » se derober sous leurs pieds .
    La complaisance pro arabe et le mercantilisme odieux ont conduit ce pays a un basculement que certains ressentent tres certainement , oui aujourdhui la france pro islamique est deja moins française et plus islamique qu hier , et le mouvement semble ineluctable car la bascule demographique etablira tres prochainement un nouveau rapport de force .
    Juifs de France , c est maintenant , et vite .🇮🇱

    • Mais, mon cher ami, qu’en avez vous à faire de la francité dont vous deplorez l’effacement ?
      La francité pour quoi faire, puisque votre projet semble être de faire quitter le France a tous ses juifs, qui devraient tous se rendre dans un peys entouré de hordes musulmanes hostiles, et menacé par le piège démographique interne du même métal.
      C’est ainsi qu’on se rend compte que la francité dont vous parlez concerne un pays qui n’est pas la France.
      Je vous laisse inventer le vrai nom de cette « francité » plus exotique.
      Et pour revenir à l’article de S. Trigano, bien que le palestinisme est bien ce qu’il dit qu’il est, une utilisation antisémite, mais comme montrer les artifices de l’ennemi n’est pas répondre au problème, que va-t-on faire de « ces gens là », ces maintenant inomminés, ces locaux non juifs, du pays en question et de ses bordures affines.
      On en fait quoi au juste, même si, devoilant l’artifice de ceux qui les utilisent, on dit qu’ils n’existent pas ?

      • Bouquerel , vous delaissez les forums de Liberation ou de l humanité pour venir demontrer votre ignorance de l histoire juive ! Que de temps perdu !
        Si vous ne connaissez rien a notre peuple ni a son destin , moi je connais parfaitement la France ou j ai vecu plus de 60 ans , et les ressorts de votre decadence nationale me sont parfaitement familiers .
        C est toute la force des juifs français depuis 4 generations comme moi , face a des ignorants qui ne savent que perorer dans les courants d air comme vous .

      • C’est précisément parce que la France nous importe que nous en déplorons l’effacement. Quant au glorieux peuple immémorial inventé par le KGB en 1964, il peut retourner d’où il vient.

        Il y a encore 1/3 des Français à voter pour cette gauche nazislamo-wokonne. Stupéfiant.

  2. La France Insoumise représente le plus dangereux parti nazi d’extrême-droite raciste et antisémite de l’UE. Et il s’agit du véritable parti au pouvoir en France. Même depuis le séisme des législatives de l’année En dernière, il n’y a pas eu beaucoup de prises de conscience.
    En lisant « Occident démocratique » au debut de l’article, j’ai failli arrêté ma lecture… Hormis aux USA où Trump a créé un fragile sursaut, que ses maladresses risquent d’ailleurs de gâcher, on assiste ni plus ni moins à la victoire du nazisme « racisé » et palestiniste dans toute l’Amérique du Nord et la partie ouest de l’Europe. La FI n’est pas un cas franco-français : c’est le nouveau visage de presque tout «  » » »l’occident démocratique » » » ».

1 Trackback / Pingback

  1. Horvilleur, Sinclair… Quand l’amour de l’ennemi devient du masochisme criminel – Résistance Républicaine

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*