

© Okyanus Kar Sen/SIPA
TRIBUNE. Réponse d’un collectif d’universitaires qui s’indigne de l’attitude de l’Aurdip après la décision de l’IEP de Strasbourg de maintenir son partenariat avec l’université israélienne Reichman.
Le 12 avril, l’Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (Aurdip) a exprimé son indignation face à la décision de l’Institut d’études politiques de Strasbourg de maintenir son partenariat avec l’université israélienne Reichman, saluant même « le courage des étudiants de l’IEP qui défendent le droit international ». Toutefois, l’Aurdip ne semble pas s’inquiéter lorsque ces mêmes boutefeux estudiantins ont traqué, dans les rues de Strasbourg sur plus d’un kilomètre, le directeur de l’IEP de Strasbourg, Jean-Philippe Heurtin, accusé de complicité avec le gouvernement « génocidaire » (sic) de l’État d’Israël et ce, pour avoir soutenu le maintien du partenariat avec l’Université Reichman (Israël).
Au contraire, et à rebours de l’esprit universitaire, l’Aurdip soutient activement l’obstruction de tout partenariat avec l’Université Reichman. Quels sont ses motifs ? « L’Aurdip dénonce une décision politique prise au mépris du droit international et de la volonté de la communauté universitaire, et salue le courage des étudiants et personnels de l’IEP qui défendent le droit international. »
Cette association tacle leur ministre de tutelle, Philippe Baptiste, qui, fort heureusement, a rappelé qu’un établissement ne peut pas décider d’arrêter un partenariat pour des raisons politiques. L’Aurdip se réfère alors aux recommandations du droit international et à l’ordonnance du 26 janvier 2024 de la Cour internationale de justice qui « a établi l’existence d’un “risque réel et imminent” que des actes de génocide soient commis à Gaza […] ».
Un révisionnisme au déni troublant
Contrairement à ce que laissent entendre ces allégations, la CIJ n’a pas évoqué de risque de génocide. En effet, la qualification de génocide requiert des arguments objectifs qui permettent d’établir une intention sans laquelle la notion se vide de toute rigueur ou de tout sens juridique. Nous faisons, pour notre part, la distinction entre l’accusation de génocide qui circule dans l’arène politique et sa définition rigoureuse dans le droit international. L’équipe juridictionnelle éventuellement saisie, en possession de très nombreux éléments de preuve, mettra des mois à se prononcer. Anticiper son interprétation et sa décision forme donc un abus.
Vendredi 11 avril, au moment où cette association d’universitaires propalestiniens si sensibles au droit publie cette annonce sur son site, une trentaine d’étudiants ont bloqué tout à fait illégalement l’entrée du Cardo de l’Université de Strasbourg. Fort heureusement, ils ont été interpellés aussitôt grâce à l’intervention de sa présidente, qui, sans barguigner, a prévenu le préfet. Le député LFI Emmanuel Fernandes a soutenu ses affidés estudiantins en dénonçant des « violences policières inacceptables » (sic).
Par ailleurs, dans un communiqué du 12 avril, l’Aurdip défend une publication dont le « texte était accompagné de dessins de mains rouges, symbolisant le sang des Palestiniens massacrés par Israël ». C’est là un révisionnisme au déni troublant puisque ce symbole de ralliement à la cause palestinienne représente exactement l’inverse : il est compris dans tout le monde arabo-musulman comme le sang des Israéliens versé par les Palestiniens. C’est une référence à une célèbre photo du 12 octobre 2000, à Ramallah, où Abdelaziz Sahla, triomphant et exultant, avait plongé ses mains dans le sang des deux réservistes israéliens qu’il venait de lyncher avec une foule de civils palestiniens. Cette soi-disant « défense du droit international » ressemble bien plus sûrement à un appel à la violence.
Le propalestinisme est un militantisme porté par une idéologie identitaire qui conforte un despotisme vertueux où le pouvoir est à la portée d’étudiants autoritaires, à la pensée binaire, qui prétendent détenir la vérité et l’imposer à tous. Lorsque la raison fait défaut, il est essentiel de réaffirmer une forme d’autorité entendue au sens d’auctoritas : non pas une imposition arbitraire, mais un principe structurant. C’est cette autorité fondatrice qui constitue un cadre stable pour penser et s’épanouir, et sur laquelle les plus jeunes peuvent s’appuyer. En l’absence de ce cadre, ce ne sont ni l’autonomie ni le discernement qui émergent, mais bien la confusion, la démesure, la violence, voire le délire.
Soutenir les universités israéliennes face aux tentatives d’ostracisation
Dès novembre 2024, dans Le Point, nous alertions sur les pressions et intimidations inacceptables subies par des collègues appelant simplement à faire prévaloir la raison et l’esprit universitaire. Leur « faute » ? Défendre la poursuite d’un partenariat avec l’université israélienne Reichman, établissement qui incarne pourtant les valeurs mêmes que le monde académique prétend promouvoir : diversité, ouverture et inclusion. Reichman University emploie des migrants venus du Mali, forme des étudiants de toutes nationalités, toutes confessions, y compris des Palestiniens.
Nous, universitaires signataires de cette tribune, réaffirmons notre solidarité avec l’Université Reichman. En novembre 2025, plusieurs d’entre nous iront à Reichman, en solidarité avec nos collègues. Nous co-organisons un colloque sur l’antisémitisme en Europe – car c’est aussi sur le terrain de la recherche, de la connaissance et du dialogue que se joue la lutte contre la haine et l’obscurantisme. Par ailleurs, nous exprimons notre plein soutien au directeur de l’IEP de Strasbourg, Jean-Philippe Heurtin, pour son engagement en faveur du maintien de ce partenariat, dans un esprit de dialogue académique et d’ouverture internationale.
Nous nous engageons à soutenir non seulement Reichman, mais toutes les universités israéliennes qui œuvrent pour la coopération scientifique, la liberté académique et l’accueil d’étudiants de nombreux pays. Face aux tentatives d’ostracisation, nous opposons le choix clair du savoir, de l’échange et du refus des confusions et des amalgames.
* Céline Masson, professeure des universités, psychanalyste
Jean Szlamowicz, professeur des universités, linguiste
Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS, philosophe, historien des idées
Isabelle de Mecquenem, professeure agrégée de philosophie
Yann Jurovics, maître de conférences en droit international
Martine Benoit, professeure d’études germaniques
Claude Cazalé, professeure émérite de l’Université Paris Nanterre
Jessica Choukroun-Schenowitz, maître de conférences-HDR en psychopathologie clinique, psychologue.
Marie Schumacher-Brunhes, maître de conférences en Études germaniques
Danielle Delmaire, professeure émérite des universités, historienne
Albert Bensman, professeur émérite de pédiatrie
Joëlle Allouche Benayoun, maître de conférences honoraire
Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue CNRS
Claudio Rubiliani, docteur d’État, MCF honoraire en Biologie des Organismes
Gérard Bensussan, philosophe, professeur émérite, Université de Strasbourg
Renée Fregosi, maître de conférences HDR honoraire en science politique
Claude Habib, professeure honoraire de littérature à l’Université de la Sorbonne Nouvelle
Michel Messu, professeur honoraire de sociologie, Université de Nantes
Gérard Rabinovitch, philosophe, sociologue.
Jean Giot, professeur émérite de l’université, linguiste
Thierry Lamote, professeur des universités, psychanalyste
Anne Karila, germaniste, Université de Lille
Olivier Riou, enseignant-chercheur, physicien
Hubert Heckman, maître de conférences
Vincent Tournier, maître de conférences de sciences politiques, IEP de Grenoble
Andrée Lerousseau, maître de conférences en études germaniques
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