Toulouse, 06 avril
L’état des choses.

Toulouse, 06 avril
L’état des choses.
Je rentre du marché dominical. Le crème-croissant chez Momo ; le grand gobelet de carton gingembre chez mon marchand de jus de fruits ; les grosses gambas chez les amis de la poissonnerie Castel, des gâteaux arabes sur un stand bariolé de sucres multicolores. Le soleil fait de nouveau briller la ville. Le printemps de retour comme un joueur de congas bien connu dans le quartier de la Colombette.
Je jette un œil aux derniers messages. Aux notifications sur ma page FB. Je me laisse reprendre. Les surprises programmées du fil d’actus. Je regarde cette bande-annonce. Le dernier film de Jean-Pierre Améris. Aimons-nous vivants ! Une comédie de plus, avec Valérie Lemercier & Gérard Darmon. La scène du train me fait sourire. La mélancolie drolatique du vieux chanteur sur le retour.
Je vais passer à la suite. L’index droit déjà sur la mollette de l’ordi. Ce commentaire me crève les yeux. Obligé de relire pour le croire. Boycotter ce film dans lequel joue un sioniste. Signé par une certaine Dahbia L. C’est ponctué par cinq émoticônes jaunes & vertes. La gueule de quelqu’un en train de dégueuler. De vieilles paroles reviennent. Dans mon cerveau à la merci de la moindre rime. Je cherche en vain la porte exacte. En vain le mot exit. Ça ne date pas d’hier. 1969, année érotique. Il balançait des tubes avec l’insolence désinvolte du génie. Notre Juif à tête de chou. Jane était folle de lui. Comme nous tous vingt ans plus tard. Ceux qui m’aiment prendront le train pour Nevers. La micheline des années 70. Comment voulez-vous que je ne vire pas réac. En manque du monde d’avant dans votre immonde d’après. Ça manque terriblement d’issue. D’issue de secours aujourd’hui.
© Yves Charnet
Ce texte fera partie d’une série en cours intitulée « Mots des autres », titre qui fera partie d’un même ensemble poétique, véritable « self-portrait in progress », dont l’impossible somme peut s’intituler Récits d’Yves ou Tentatyves.
Il pratique l’autofiction comme une autre formule de la poésie, et construit son récit intime comme un roman de mésaventures, écrivait Camille Laurens au sujet d’Yves Charnet: « Il lui semble en effet que seule la prose poétique d’un « journal décousu main », dont les notes, couvrant les années 2017 à 2019, ont d’abord paru sur Facebook, peut saisir les dérives et déséquilibres de son existence éparse. Refusant d’inventer comme de simplifier, il s’attache à ‘décrire son psychisme le plus complètement possible. Il n’y a pas d’autre déraison d’écrire' ».
— Sarah Cattan (@SarahCattan) April 6, 2025
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