
Il y a des mots en français dont je me régale.
Pour leur sens et leur sonorité.
Je les fais rouler autour de ma langue et je les suce comme un bonbon à la menthe.
L’un de ces mots est « zeugme ».
…
Le zeugme est une figure de style littéraire absurde, qui mêle dans la même phrase, pour un même terme, des significations opposées.
Ouais.
Vous n’avez rien compris.
Je n’ai pas été clair.
Le mieux est de citer des exemples.
« L’air était plein d’encens et les prés de verdure » ( Victor Hugo )
C’est un zeugme, car le terme « plein » qui s’applique dans cette phrase, à l’odeur d’encens dans l’air et à la quantité d’herbe dans un pré, a quelque chose d’absurde. Ça n’est pas la même notion de plénitude.
…
Un zeugme est soit une maladresse de l’écrivain, qui ne s’est pas relu, soit au contraire une figure de style intentionnelle.
Le champion du zeugme intentionnel est , sans conteste, l’écrivain Jean Echenoz.
« Toujours nue comme un ver, Gloire allume une cigarette en même temps que le téléviseur […]»
Le zeugme : on n’éteint pas une cigarette comme on éteint sa télé.
« De retour chez lui, dans sa cuisine américaine, après un peu de viande froide et de journal télévisé, Salvador, s’exhorte à chasser Gloire de son esprit. »
Le zeugme : on ne termine pas son repas comme on termine de regarder les informations.
…
Je me suis essayé au zeugme.
« Pendant la rafle du Vel’ d’Hiv’, des juifs ont été dénoncés par leurs voisins, comme aujourd’hui, Melenchon dénonce les juifs d’être des suppôts de Netanyahou. »
Ça n’est pas un zeugme.
Dans les deux cas le terme « dénoncer » à la même signification : mettre une cible dans le dos des juifs.
© Daniel Sarfati
Pas tout à fait d’accord, Monsieur Sarfati ! La dénonciation par des voisins avait des conséquences mortelles et quasi immédiates, comme ne l’ont pas (encore..) les allusions de Mélenchon. Pour moi c’est bien un zeugme. Par contre, si je dis que je lis dans vos pensées et un article du « Monde », cela en est un. N’est-il pas ?